Citations de Francesco Alberoni (216)
Lorsqu’on tombe amoureux l’autre apparaît toujours plein d’une vie débordante. Il est en effet l’incarnation de la vie dans l’instant de sa création, dans son élan, la voie vers ce que l’on n’a jamais été et que l’on désire être. L’aimé est donc toujours une force vitale libre, imprévisible, polymorphe. Il est comme un superbe animal sauvage, extraordinairement beau et extraordinairement vivant. Un animal dont la nature n’est pas d’être docile mais rebelle, n’est pas d’être faible, mais fort.
Quand on tombe amoureux, on continue longtemps à se répéter à soi-même qu'on ne l'est pas. Passé le moment au cours duquel l'évènement extraordinaire s'est révélé, on retombe dans le quotidien et l'on croit qu'il s'est agi de quelque chose d’éphémère. Mais à notre grand étonnement, cet évènement surgit à nouveau dans notre esprit, créé un désir, un tourment qui ne s'apaise que lorsque nous entendons une certaine voix ou revoyons une certaine personne.
Ceux qui s’aiment passent des heures entières à se raconter leur vie dans
le détail, ils veulent que l’autre partage la totalité de leur être et donc de leur passé. Et l’amant, charmé, écoute ce récit, éprouve parfois un sentiment de jalousie à l’égard de ceux qui ont connu, avant lui, sa bien-aimée, parce qu’il lui semble avoir perdu des instants précieux de bonheur.
une courte séparation suffit à nous prouver, une fois encore, que l’être aimé porte en lui quelque chose d’incomparable, quelque chose dont nous avons toujours ressenti le manque et qui s’est révélé à travers lui, et que, sans lui, nous ne pourrions jamais plus retrouver. Il nous arrive souvent de pouvoir en identifier un détail : les mains, le galbe d’un sein, un pli du corps, la voix, n’importe quoi qui représente, qui symbolise sa diversité et son unicité. C’est le « signe », le « charisme ». L’éros, la sexualité extraordinaire, est monogame.
La calomnie, la diatribe, la diffamation, le lynchage moral ont toujours été les instruments de la conquête du pouvoir.
Dans l'état amoureux, nous nous sentons habités par la force extraordinaire qui anime l'univers et tout nous semble beau comme au premier jour de la création.
Nous nous imaginons que l'univers, les étoiles, les planètes, les plantes, les insectes, les cailloux, les couleurs, les formes, les triangles et les lois physiques continueraient à exister en l'absence des hommes, sans quiconque pour les voir, les penser, les nommer.
Certains hommes, par exemple, sont attirés par des femmes vives, entreprenantes, brillantes, actives, puis ils découvrent qu’elles les étourdissent, les dominent. D’autres tombent amoureux de femmes maternelles, pleines de sollicitude, qui prennent soin d’eux comme d’un enfant. Ensuite, ils se sentent contrôlés comme des bambins.
Nous pouvons devenir amoureux à l’improviste, en quelques jours, voire en quelques heures, de quelqu’un que nous n’avions jamais vu avant. C’est à ce phénomène qu’on donne le nom de coup de foudre. Le véritable amour se fraie progressivement son chemin au milieu des incertitudes, de la jalousie, surmontant les situations triangulaires. Même chez l’individu le plus las, l’amour est comme un réveil. Le monde se révèle stupéfiant. Celui qui connaît cet état n’arrive plus à vivre dans la grisaille inerte du passé. Celui qui est épris désire aimer, même s’il souffre, même s’il se tourmente. La vie sans amour lui paraît aride, morte, insupportable. L’être que nous aimons n’est pas seulement plus beau et plus désirable que les autres. Il est la porte, l’unique porte pour pénétrer dans ce monde nouveau, pour avoir accès à cette vie plus intense.
Il n’existe pas de passion amoureuse sans la transgression d’un interdit.
Le véritable amour n'a nul besoin d'actes notariés; il est sûr de lui et de sa force naturelle.
L'amour n'est pas forcément un sentiment réciproque. L'amitié au contraire, me semble-t-il, requiert toujours de la réciprocité. Je ne puis être l'ami de quelqu'un qui n'est pas mon ami.
Dès qu’il tombe amoureux, l’être le plus simple et le plus démuni est obligé, pour s’exprimer, d’utiliser un langage poétique, sacré, mythique.
L’amour élabore une géographie sacrée du monde. Cet endroit, cette maison, ce point de vue particulier sur la mer ou sur les montagnes, cet arbre, deviennent les symboles sacrés de l’être aimé ou de l’amour. Ils deviennent des lieux sacrés, des temples, car ils ont abrité un instant d’éternité de l’amour ou un présage.
Mais le climat politique change aussi, les valeurs sociales font de même et nous nous y adaptons. Nous commençons par résister à ces valeurs nouvelles puis, à force de les entendre répéter par la télévision, par la presse, nous les faisons nôtres, jusqu'à nous convaincre que ce que nous pensons aujourd'hui, nous l'avons toujours pensé.
Personne ne tombe amoureux s'il est, même partiellement, satisfait de ce qu'il a et de ce qu'il est. L'amour naît d'une surcharge dépressive qui se caractérise par l'impossibilité de trouver dans l'existence quotidienne quelque chose qui vaille la peine.
L'érotisme masculin est touché par le corps, par la beauté physique, par le charme, par le pouvoir de séduire, et non pas par la place dans la hiérarchie sociale, par la reconnaissance sociale ou par le pouvoir [à la différence de l'érotisme féminin].
[...] Les femmes dont les photos s'étalent au fil des pages des revues pour hommes telles que Penthouse ou Playboy ne sont pas réputées pour leur statut social qui, le plus souvent, n'est même pas mentionné. Que telle poitrine soit celle de la présidente de la General Motors ou celle de sa secrétaire ne représente pas le moindre intérêt. Au contraire, dans les revues féminines, le statut social n'est jamais oublié.
Tomber amoureux - comme tous les mouvements collectifs - se joue dans le registre de l'extraordinaire
Dans l'état naissant, le présent devient éternel. Quand nous perdons notre amour, l'attente d'une heure devient l'attente d'années ou de siècles, et la nostalgie de cet instant d'éternité nous accompagne toujours.
L’amour ne se manifeste que s’il sépare ce qui était uni et que s’il unit ce qui devait être séparé.