Juste avant de commencer à écrire ce livre, j’ai regardé pour la seconde fois ce testament moral. La première fois, Eva l’avait visionné en 2008, juste après l’enregistrement. Puis, malgré la volonté qu’elle essayait de mobiliser, elle n’en avait plus eu le courage. Elle avait peur de l’émotion, comme d’habitude. D’ailleurs, en tapant ces quelques lignes, la peur m’habite encore. La peur est mon moteur et mon frein. Plus que tout, la peur qui me paralyse aujourd’hui est celle d’une sorte de malédiction familiale, la malédiction des mots. Cette malédiction qui a eu pour conséquence que le seul vestige, le seul héritage personnel qu’ait laissé mon père, se trouve gravé dans un DVD. J’aimerais faire un pas de plus, rompre le sort qui s’acharne sur notre parole. Écrire un livre. Mais à chaque mot qui s’inscrit sur l’écran de mon ordinateur, j’ai peur que disparaisse à jamais le suivant, et avec lui toute la mémoire de la famille. Cependant, comme je ne sais rien, ou si peu, je ne peux qu’inventer, ou plutôt narrer, pour le dire plus élégamment. Toutes les histoires sont des mensonges. Qui disent la vérité. Pour me consoler, je me mets à tordre Cocteau. (p. 20-21)
De cet évènement, je garde l'odeur de la poussière mêlée au sang, le son sourd des pas battant le plancher qui surplombait la cave, l'entêtante sensation d'un coeur qui bat à tout rompre dans des tempes prêtes à éclater. J'ai eu envie de crier Maman. Je me suis tu. La seule réponse au bruit des bottes est le silence.
Je ne suis pas une de tes putes à clic (...). Ces putes sur ton écran, ton écran total.