Durant ces trois mois, je n’ai cessé de voir les enfants évoluer : de bêtes sauvages, ils sont passés à de jeunes chiots apprenant à marcher. Ils vont me manquer même s’ils m’en ont fait baver. Je suis tiraillée entre sentiment de culpabilité, d’abandon et de soulagement. Il y ces questions qui ne cessent de me tarauder : Est-ce que j’ai bien fait de venir ? Comment certaines situations sont-elles arrivées ? Et ce sentiment d’échec qui ne cesse de me ronger…
Jusqu'à maintenant, j'ai toujours été habituée à me battre pour les autres. Mais pour moi , je fais ça comment ?
Un ami, un amant, un frère qui n'est plus, m'avait dit que seuls les animaux blessés pouvaient s'accepter et que leur douleur s'apaisait dans la complainte silencieuse que leur coeur blessé déversait comme un hymne à la nuit.
Il m'a fallu du temps mais aujourd'hui, j'ai compris. Et je ne peux m'empêcher de les maudire, eux qui se sont enfuis de cet engrenage sinueux qu'est cette vie, en me faisant promettre de continuer leur rêverie.
Les gestes qui, autrefois, les ont sauvés, aujourd’hui sont répétés. Les genoux craquent, les bras s’allongent pour soulever, enlacer une dernière fois ces petits corps musclés. Mais, cette fois, le corps du vieil homme bouge avec moins de facilité, comme s’il se souvenait des années envolées. Un dernier regard échangé. La pluie s’est mise à tomber, le vent s’est levé comme si la nature ne pouvait supporter les cris des deux enfants et les larmes d’un vieil homme fatigué. De nouveau la solitude a enlacé cette fratrie délaissée. Il n’y a plus de château pour se réfugier, ni de vieil homme pour être rassuré. Et les enfants s’endorment en gardant au fond d’eux la chaleur d’être deux.
La beauté du pays est en décalage avec les tas d’ordures qui s’amoncellent en décomposition dans les ruelles. Soit les gens travaillent, soit ils passent leur temps à manger, soit on les trouve devant la télé. Par contre, on ne peut pas leur enlever le fait que toutes leurs soirées sont festives. Je ne peux pas dire que je sois déçue ou surprise, mais à dire vrai, je m’attendais à autre choses, sans doute à plus d’authenticité et à moins d’européanisation.