En dehors de leur travail, la majorité des consommateurs disposent d’un niveau de pouvoir d’achat qui comble les besoins de base, mais elle est poussée en avant par un manque organisé qui s’adresse au désir. L’acquisition procure temporairement une suppléance subjective, une stabilisation qui capitonne le manque-à-être, le vide et l’absence de sens, mais l’acte d’achat est sans cesse relancé, et finalement l’objet nous échappe toujours. Le flux de consommation rassure, déleste l’angoisse, mais il tend aussi car le désir n’a pas de fin : il faut continuellement se réengager, se battre pour acquérir du nouveau. La consommation est un style de vie qui fait tomber la frontière que Freud avait érigée entre le narcissisme du moi et le narcissisme d’objet ; je me reconnais de manière spéculaire dans la marchandise que je consomme (a fortiori lorsqu’elle est une technologie malléable, une app customisable à mon image), donc j’existe dans un Empire du rien, qui n’a pas d’autre stabilité ni consistance que son renouvellement constant.