Le vendredi 13 juillet 2018, la librairie Charybde (129 rue de Charenton 75012 Paris - www.charybde.fr ) avait la joie de recevoir Emmanuel Ruben pour évoquer les récentes publications de "Le coeur de l'Europe" (éditions La Contre Allée) et de "Terminus Schengen" (éditions le Réalgar), et pour effectuer un parcours au sein de la littérature d'ex-Yougoslavie. Il évoquait Milos Crnjanski, Ivo Andric, Aleksandar Tisma, Danilo Kis, Milorad Pavic et David Albahari, tandis que le librairie Charybde 2 évoquait Faruk Sehic, Miljenko Jergovic et Goran Petrovic.
Ceci est l'enregistrement de la première heure de la rencontre.
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Quand on est devenu partie d'un mécanisme, on endosse la même responsabilité que toutes les autres parties du mécanisme.
Je me méfie de votre traduction, la déperdition de sens est inévitable, en serbo-croate il y a trente lettres,vous n'en avez que vingt-six, je serai toujours en droit de vous demander :qu'avez-vous fait de mes quatre lettres ?
( interview à LIBERATION, le 3 juin 1999 )
La nuit n'apportait que l'annonce d'une terrible imminence du jour, la crainte de ce qui pouvait encore advenir en cette journée ; le jour lui-même ne représentait qu’un espoir ténu, une tentative éperdue pour garder réunis le corps et l'esprit, pitoyable succédané d'une réalité qui s'écoulait, comme le sable d'une main. La nuit n'apportait pas de soulagement, le jour était figé sur place.
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Ha!"a lancé le professeur de sciences politiques en me voyant apparaître à la porte de son bureau. Voilà une ponctualité, a-t-il dit, à laquelle on ne s'attendrait pas de la part de gens des pays dont je venais, mais vu que j'étais originaire d'une région frontalière, il estimait que j'avais probablement combiné en moi des qualités différentes, atténuant celles qui étaient typiques et accentuant les inhabituelles. La surprise qu'il me destinait, c'était un livre. Il le poussait vers moi, sur son bureau, tout en le couvrant de sa main. "Pas si vite", a-t-il dit quand j'ai tendu le bras. Il a retiré sa main. Atlas historique de l'Europe centrale et orientale, ai-je lu sur la couverture. "ici, a dit le professeur de sciences politiques en tapant sur le livre de son index plié, est inscrit votre destin, ici est le noyau dont tout procède et où tout conflue."Je n'ai rien dit. "C'est le meilleur livre sur les peuples fantômes qui, même au bout de mille ans et plus, n'arrivent pas à trouver la paix, errent sans cesse à travers des espaces qu'ils ont depuis longtemps transformés en cimetières, en pays des morts, convaincus que seul le monde de l'au-delà est le vrai monde, que l'inconsistance est la vraie plénitude et que les frontières ne sont que des pures inventions.
À quatre vingts ans et quelque, l'âge qu'ils avaient en moyenne, on est content du simple fait que le jour, la nuit et les objets palpables existent encore, on se demande plus pourquoi l'on est en vie.
C'est une histoire simple, me dis-je, elle ne comportera pas de phrases complexes.
Ridicule, dit ma femme, cette phrase-là est déjà assez complexe.
Goetz et Meyer. Je ne les ai jamais vus, je ne peux que les imaginer. Dans ce genre de couple l'un est généralement grand et l'autre petit, mais étant donné que tous deux étaient des sous-officiers S.S., on peut aussi croire qu'ils étaient plutôt grands, peut-être de la même taille.
Himmler avait raison en affirmant qu'un procédé plus humain de mise à mort atténuerait la tension psychologique ressentie par les membres des groupes d'intervention chargés de passer par les armes les populations russes et juives.
Ce n'est pas de ma faute si la vie est faite de répétitions et si son mouvement apparemment rectiligne n'est en fait qu'un mouvement où l'on tourne en rond.
Quand le ciel se couvrait, les yeux d'Alexandar étaient gris ; quand il se dégageait, ils étaient de nouveau bleus. Une fois, il a plongé dans la Neretva ; en remontant à la surface, quand il a regardé dans ma direction, ses yeux rayonnaient à travers l'eau limpide.