sa tête un terrain vague
d'où les idées s'en échappent en désordre
comme des animaux hors d'un enclos mal fermé
piétinant furieusement sur leur passage
toute apparence de raison
(et le pire de tout
*fils j'ai l'impression de devenir bête*
c'est qu'il s'en rend compte)
(..) parce qu'il n'y a rien
tout simplement parce qu'il n'y a
rien
nulle part
ni ici ni ailleurs
ni aujourd'hui ni jamais
rien absolument rien
ni lien
ni lieu
ni dieu
ni rédemption d'aucune sorte
rien d'autre que cette certitude
cent fois repoussée
et qui toujours revient
se coucher au pied du lit
comme un vieux chien indésirable
qu'aucun geste aucun ordre
et même aucun coup
n'arrivent plus à chasser
personne jusqu'ici
ne s'étant risqué à démentir
(réponse jamais donnée
à une question jamais posée)
l'intolérable évidence
de la mort qui vient
(...) il me dit j'ai peur
que tu ne reviennes pas
mais si je reviendrai
pourquoi penses-tu que je pourrais ne pas revenir
tu reviendras oui tu reviendras
quand tout le monde aura disparu
(...) me regarde et dit
fils nous sommes foudroyés
invective son ombre
trébuche sur son ombre
fait refluer son ombre
jusqu'au fond de la prison
où se tiennent les ombres assemblées
comme si je pouvais
comme si quelqu'un
avait jamais pu
nous sommes foudroyés
parler à la foudre
comme si l'on pouvait
s'arranger avec la foudre
demander des comptes à la foudre
(...) je dis c'est comme le soleil
oui approuve-t-il c'est comme le soleil
et toi tu es l'oiseau de la lune
quand tu pars c'est comme si la lune partait
comme si elle s'en allait de la terre
ta langue plongée dans l'encre
pour appeler les oiseaux
et ne plus jamais revenir