Quand la France, en Égypte, sauvait l'héritage des pharaons. le combat d'une femme au secours du patrimoine mondial. Une épopée saisissante.
Égypte, 1954. Nasser annonce la construction du haut barrage d'Assouan. Les prestigieux temples d'Abou Simbel vont être à jamais engloutis sous les eaux du Nil.
En France, l'égyptologue Christiane Desroches Noblecourt lance aussitôt l'alerte : un patrimoine universel est sur le point de disparaître. Avec un courage et une volonté farouches, elle va dédier plus de vingt ans de sa vie à un combat qui, au départ, semble une pure utopie. Aux côtés d'André Malraux, de René Maheu, directeur général de l'Unesco, et de Saroïte Okacha, ministre égyptien de la Culture, elle ne va cesser de solliciter les Nations unies pour récolter les fonds nécessaires au sauvetage des monuments pharaoniques.
Dans cette course contre la montre où se mêlent enjeux diplomatiques et financiers, Christiane Desroches Noblecourt illustre, par sa détermination sans faille, la vocation culturelle de la France.
Le récit magistral d'une incroyable aventure pour sauver les trésors de l'humanité.
Journaliste et autrice de nombreux ouvrages, dont des biographies consacrées à de grands égyptologues, Claudine le Tourneur d'Ison a réalisé plusieurs documentaires pour la télévision. Elle a reçu le Prix Diane Potier-Boès de l'Académie française en 2000 pour Mariette Pacha ou le rêve égyptien. Elle est l'autrice, aux Éditions du Cerf, de Champollion. le dernier voyage.
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Comme une rage qu'il porte en lui face à ceux qui refusent son déchiffrement de la langue et l'antériorité de la civilisation égyptienne sur les textes bibliques, il défend avec toute sa force, sa pugnacité, son orgueil et dans une belle et généreuse dignité, être celui qui a sorti l’Égypte des ténèbres.
Au IVe siècle, le christianisme, en Égypte, signe l’arrêt de mort de la mère des civilisations. Ses 4 000 ans d’histoire sont anéantis sous le fléau de l’intolérance. L’élimination de cette culture fondamentale entraîne la disparition de sa langue qui se perd et s’éteint avec les derniers prêtres de l’Antiquité pharaonique. Plus personne au monde n’est capable de la déchiffrer ni même d’en comprendre le principe.
Lorsqu’il pose le pied à Alexandrie, le 18 août 1828, l’Égypte ignore qu’elle ne sera jamais plus la même. L’homme de trente-sept ans qui débarque de France, possède le pouvoir de faire parler les murs restés muets depuis tant de siècles. Il est le premier. Et s’est préparé toute sa vie à cette révélation.
(INCIPIT)
Franchissant la vaste enceinte de Karnak, ce « Vatican égyptien », Jean-François entre dans le domaine sacré d’Amon. Il contemple et, au-delà des monuments, il sait que l’éblouissement qu’il ressent à Karnak, Louqsor comme aux Pyramides ou devant le Sphinx, jaillit des vagues d’or du désert qui viennent expirer à leurs pieds en les magnifiant. Ruines plus que jamais magnétiques dans la solitude des temps et de l’espace. Symbole de la force qui se dresse, éternelle et mystérieuse. Belles dans leur mer de sable.
Cette « Thèbes aux cent pylônes est le livre toujours ouvert de cette triomphante histoire », écrira Ernest Renan après sa visite dans « cette bibliothèque sans égale ». Comment décrire Karnak, s’interroge Champollion, face à cette grandeur démesurée qui dépasse l’échelle humaine. Le site lui donne l’impression d’une ville de monuments. Une sensation d’écrasement. Cité bâtie pour les dieux où il rôde avec stupeur. Littéralement écrasé par ce « palais de géants » dont il ne reste qu’une magistrale forêt de pierres où, dans un désordre fantastique, les tambours s’enchevêtrent dans les linteaux, les fragments de piédestaux gisent près des architraves brisées, les chapiteaux escaladent les corniches.
Pendant quarante-cinq siècles, on n’a jamais fait aussi haut, ni aussi gros. Depuis quarante-cinq siècles, nul n’en a percé le mystère. Ce peuple qui a réussi à ériger des monuments d’éternité est aussi parvenu à ne laisser aucune trace de la manière dont il s’y est pris. C’est un de ses plus grands secrets que, depuis, les hommes s’acharnent à vouloir briser.
De l’Italie, il aima la « vie de Naples », « la grandeur » de Rome, « la liberté » de Florence. Contrairement au rejet qu’il subit en France, à l’acharnement de l’Institut de France à refuser de l’admettre en son sein, au-delà des Alpes, il est « le symbole des Lumières » face à l’obscurantisme hexagonal. Pourtant, malgré les honneurs, il est demeuré et demeure modeste. S’il a révélé la clé d’un système d’écriture, il lui reste tant à démontrer, tant d’obstacles encore à franchir « dans le grand labyrinthe de l’Écriture sacrée.