La mine est aussi gourmande de chair humaine que ses convives le sont de son coltan. Elle les avale, les digère, n’en laisse que les os. Une vingtaine de creuseurs crève dans son ventre chaque année. C’est le risque à prendre pour subsister et ne pas mourir de faim. Un comble. Les cadavres restent là, dans l’indifférence générale, sous les gravats. La mine est leur tombeau. Et les autres ouvriers poursuivent leur boulot sans ciller, dans la crasse, la chaleur et l’odeur fétide de sueur et de viande faisandée. Parce qu’il faut trouver du coltan, toujours. Pour bouffer et nourrir les siens.
Il insiste également sur la notion d’accueil chez les Dogons, sur l’ouverture de ce peuple aux autres cultures et sur la quiétude qui règne dans leurs villages. Bien sûr, il s’agit de ne pas les offusquer mais de respecter leur mode de vie. Leur société se fonde sur des bases solides et des règles strictes, ponctuées d’interdits et d’obligations.
Pas forcément, cela dépendra de la nature. Parfois, elle vous coupe la route sans crier gare. Elle vous persécute, vous condamne, vous oblige à céder à ses lugubres avances. D’autres fois, elle vous donne le courage de marcher. Elle borde votre chemin de présents inattendus et salvateurs. Mais une chose est sûre, elle n’est jamais indifférente à votre cause. Dans la savane, on ne sait jamais de quoi sera faite la terre.
Il relit la déposition d’un soldat qui s’était fait choper juste après l’attaque de Bumia et qui, mort saoul, avait témoigné sans aucun complexe. Quand on l’avait interrogé sur les raisons de ces viols, il avait répondu tout naturellement : « On l’a fait car on pouvait. On nous avait donné quartier libre. On nous avait donné quartier libre. » Après des mois passés en forêt, sous la violence, les armes et dans la peur, ce type avait vu cette soirée comme une sortie « all inclusive » dans un bar. Consommation à volonté, sans éthique ni remords. Une façon de libérer hargne et frustrations.
La lune, tamisée par des bancs de brouillard nocturnes, éclaire la forêt dense par intermittence, dévoilant, pour de brefs instants, le calme et la sérénité de la végétation immobile.
Mais on ne peut pas atteindre des sommets en si peu de temps sans grimper sur la tête des autres, leur bousiller les épaules et écraser leurs pieds. Ce mec n'a pas dû casser quelques œufs pour se faire une omelette. Il a dû niquer un paquet de poules.
L’odeur de rouille se mêle à celle de la crasse, miasmes de transpiration, urine et vomissures. L’homme s’approche de son étrange marchandise, en aperçoit d’abord les pieds dont un est solidement attaché à une chaîne. Des mollets d’une maigreur affligeante apparaissent lorsque le prisonnier tend les jambes, les laissant dépasser du cageot dans lequel il s’est bâti un nid peu douillet et sinistre.
L’homme est rassuré. Les deux sont toujours vivants. Il sera payé.
Il sent le navire ralentir et comprend qu’ils débarqueront dans quelques minutes. Il ordonne au père de replier ses jambes et de rester à l’étroit dans la caisse. Le malheureux refuse, implore, hoquette de peur. Alors, l’homme se place face à lui, lui qui n’est plus que l’ombre de lui-même, lui que toute dignité a quitté. Le maton tape du pied sur le sol si fort que toute la carcasse d’acier tremble et résonne tel un concert de gongs chinois. Effrayé, le captif serre un ballot de linges jaunâtres contre lui, un amas de tissus aux humeurs surettes d’où émanent des pleurs lancinants. Il se terre au fond de sa geôle de pin, se tapit en son antre exigu et crasseux, se cogne à ses parois constellées de traces de vomi et de matières fécales et renverse un bol de bouillie de riz d’un geste maladroit. Sa peau, trop tendue sur ses os saillants, se tuméfie lorsqu’elle se frotte à la surface rugueuse de l’abri de fortune, à la fois enfer et refuge.
L’homme est satisfait, sa marchandise lui a obéi.
- Fred ! T’en es où ?
- Dans la famille Mokhtar, je demande la mère !
- Elle n’est pas chez elle ?
- Si… Hum. Disons qu’elle doit confondre convocation au commissariat et dîner aux chandelles.
Les hommes armés sont partis, emportant avec eux ce que les femmes du village ont de plus cher. L’innocence de leurs enfants, leur dignité, leur soif de vivre.
Il n' y a que le pognon et le pouvoir qui motivent les hommes depuis la nuit des temps. Il y a le cul aussi. Dans l'est de la République démocratique du Congo, les viols sont devenus systématiques et atteignent des proportions aberrantes. On assiste à une forme évoluée et pernicieuse de génocide à long terme. Les conséquences sont terribles. Beaucoup de victimes restent stériles. Les maris, traumatisés de voir leurs épouses violées , sont frappés d'impuissance . Certaines femmes sont kidnappées pour servir d'esclaves sexuelles nombre d'entre elles tombent enceintes de leur bourreau. Ces gamins sont rejetés par la société et voués à intégrer la milice. Et à devenir des ordures à leur tour.