Là-haut les anges, Chris Roy
Il ne comprenait pas pourquoi il n’avait pas une maison avec ses parents dedans. Pourquoi son père vivait avec une autre dame ? Pourquoi sa mère l’envoyait chez Fatou tous les jours ? Pourquoi elle ne le câlinait jamais ? Pourquoi il avait froid dans son lit ? Pourquoi il n’avait pas de porte à sa chambre ? Toutes ses questions restaient sans réponse. Il avait l’impression que les adultes ne savaient pas tout. Ça le décevait.
Du haut de ses six ans, il découvrait un monde instable et cabossé.
Ils ne s’étaient pas revus depuis l’université. Elle était partie l’année de leurs dix-huit ans, juste après le dernier jour de l’an qu’ils avaient fêté avec leurs amis. À cette époque, Lars n’avait pas eu le choix. Ni les armes pour la retenir. On a tous un amour de jeunesse enfoui quelque part. Les traces demeurent indélébiles et même si le cœur vibre à nouveau, ce n’est jamais pareil. On s’en accommode...
Je suis utile à votre société, qui s'englue dans la consommation de masse. Moi, messieurs dames, je ne m'y complais pas. J'agis en conséquence. J'aide les mauvais parents à prendre les bonnes mesures, drastiques, pour éradiquer le dieu Google qui fait tant de mal à leurs enfants.
La vies n'est qu'une petite boule de feu qui roule, roule, et roule vers la mort, songea t il. On y est ballotté, comme dans un courant d'air, on attrape des rhumes, des angines, des cancers, un tas de trucs désagréables, ça brûle, on dit: c'est la vie!
Il venait de passer deux jours de rêve chez son ami Liam dans sa grande maison, pour une partie géante de son jeu Wings under my skin. Liam, c’était le pro des jeux qui l’avait pris sous son aile, son parrain. Ce n’était pas la première fois qu’il se rendait là-bas. Tout avait commencé bien avant l’été. Et puis lors des vacances, Liam l’invita et lui proposa d’amener des copains, histoire de s’éclater.
Je ne suis coupable de rien. Il me semble avoir été clair.
Non, je n'ai rien d'un monstre. Je suis juste lucide.
À vous qui me lisez, je tiens avant tout à vous rappeler que ce journal n'est pas une confession, pas plus qu'une tentative de justification de mes actes que d'aucuns considéreront, j'en suis sûr, comme étant d'une rare barbarie et l’œuvre d'un malade mental.
Au début de leur emménagement à Torhout, Lars avait été si fier d'appeler le groupe et de leur faire la surprise du retour d'Azel. Il avait organisé un dîner qui avait tourné au fiasco total. Mauvaise volonté d'Azel. Des piques, des jugements, des allusions gratuites. Une façade froide, distante et sans empathie. Elle s'était éclipsée avant le dessert. Lars s'était excusé auprès de ses amis, avait avancé un millier d'arguments pour la défendre. Après ce qu'elle avait vécu, sa conduite était normale. Hugo, Paula, Red et les autres avaient donné le change, mais au fond d'eux, ils ne cautionnaient pas cette posture d'enfant sauvage. Ce retour d'Azel dans la vie de Lars les inquiétait.
Comme je me régale avec ces réseaux sociaux, comme il est facile de pénétrer la vie des gens ! Je pourrais y passer des heures, en devenant voyeur malgré moi. Quelle impudeur, toutes ces personnes qui s'affichent en toute impunité, sans contrainte, qui passent leur journées à nous dire où ils se trouvent, avec qui, et si ça "lol" ! Seulement je suis là, moi, et je fais mon petit marché tranquillement, je jauge, j'étudie... j'en choisis une, je la punis... ou plutôt non, je la délivre. Hacker de cœurs d'adolescentes, je me vois comme ça.
Alors voilà, je vais vous raconter ma vie, mes hauts, mas bas, mes manies, mes dégoûts, mes convictions, mes croyances. Je vais essayer d'être clair, concis, et d'anticiper vos moindres questions. Je vais m'adresser à vous comme on s'adresse à son confident. Vous serez nombreux à déchiffrer mes pattes de mouches. Une prédiction sans risque, vous verrez... Vous n'avez pas idée de ce que vous allez lire.
Le dégoût que lui inspirait le tueur lui donnait des nausées, surtout quand elle repensait à la vision des corps retrouvés, six en tout, six malheureuses qui n'avaient rien demandé. Des familles marquées à vie…
Tout avait commencé le 17 novembre. Des Roms, qui squattaient les abords du périphérique à hauteur de la Porte de Bagnolet, avaient fait une découverte d'un corps emballé dans un immense sac-poubelle noir : Anna Santos, quinze ans. Le 30 novembre, on trouvait deux corps : Milane Dalvaux et Ingrid Vaalsberg, seize ans. Puis le 13 décembre, Porte de la Chapelle : Marine Leroy, quinze ans. Charlotte Altègue, le 2 janvier, quinze ans. Le dernier en date du 15 février : Eva Fabriguez, quatorze ans. Une série de viols doublés d'homicides. Des jeunes filles mineures. Toutes disparues vingt-quatre heures au moins avant leur découverte. Rapide et méthodique, le tueur agissait avec une froideur mécanique.