À l'occasion du "Salon du livre et de la presse jeunesse" 2022, Camille Guénot vous présente son ouvrage "Oscar Goupil : a London mystery" aux éditions L'École des loisirs.
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Note de musique : © mollat
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Mon père, Fernand Goupil, était marchand d’art. Il avait ouvert une galerie dans le 8e arrondissement et s’était bâti une petite réputation dans le milieu de l’art contemporain. Rien ne l’émouvait plus qu’un cercle rouge dans un carré bleu.
J'étais entouré d'amis silencieux - Harry, Katniss, Nicolas, Blacksad, Lyra, Enid ... - avec qui je vivais, du fond de mon lit, des aventures extraordinaires. Pourquoi irai-je me confronter aux autres quand, avec eux, je pouvais frissonner, rire, pleurer, et surtout rester moi-même ? Avec eux, j'avais le droit d'être très ennuyeux ou complètement fou, cela ne changerait rien, et j'aimais cette constance par-dessus tout.
- Attendez ! Vous vous voulez dire que les autres tableaux...parlent aussi ?
Je me sentis défaillir (...)...je n'y comprenais rien.
- Cher ami, je vais finir par croire que vous êtes sot ! Évidemment que nous parlons ! C'est le miracle de l'art !
- Mais...mais...
- Maimai-maimai, singea la femme. nous parlons mais pas à tout le monde. Rares sont ceux à qui nous révélons notre secret.
– Rentre ton tee-shirt dans ton pantalon, ordonna une voix aiguë.
J’eus l’impression d’avoir raté une marche. Je fis volte-face : personne.
– Non mais, qu’est-ce que c’est que ces manières?
Mon cœur battait à tout rompre. La galerie était déserte. Y avait-il une fenêtre, un haut-parleur?
– Qui cherches-tu comme ça? Je suis là, sous ton nez !
Mes yeux s’ouvrirent tout grands: un peu plus loin, dans le tableau près de l’escalier, une femme me regardait.
–Tu as interrompu ma lecture, se plaignit-elle, en s’éventant d’un air agacé.
Était-ce un écran de télévision, une illusion d’optique ? Je clignai des yeux mais, rien à faire, la femme agitait toujours son livre.
– Excusez-moi, je... je ne voulais pas vous déranger, répondis-je.
Il était préférable d’être un fou poli.
– C’est fait. Et dois-je te rappeler, jeune homme, que l’usage veut que l’on s’incline devant une lady ?
– Mais vous n’êtes pas une lady, vous êtes seulement... Femme lisant n° 2, ajoutai-je après un coup d’œil au cartouche du tableau.
– Oui, eh bien, ce n’est pas une raison, dit-elle en rajustant l’étoffe autour de ses épaules. J’ai essayé de faire comprendre à ce maudit restaurateur que je méritais mieux que l’escalier, mais il n’y avait rien à en tirer!
Je tendis la main vers la toile. Ce n’était pas une peinture, ça ne pouvait pas...
– Bas les pattes, malotru! s’indigna la femme.
– Mais... vous parlez souvent aux gens comme ça?
– À vrai dire, non, même si je me sens bien seule dans ce recoin où personne ne s’arrête. Je vous ai remarqué aujourd’hui et j’ai pensé que, vous aussi, vous aviez peut-être envie de parler à quelqu’un...
– Pas faux, avouai-je. Depuis que je suis arrivé ici, je me sens complètement à côté de la plaque. Remarquez, à la maison, c’est pire. J’embarrasse mes parents.
– Vos parents qui vous ont abandonné pour Noël, dit-elle avec compassion.
– Comment le savez-vous? m’exclamai-je, abasourdi.
– Euh... euh..., bégaya-t-elle en tripotant son étole, je me suis dit qu’un jeune Français, tout seul ici en période de fêtes...
Je la regardai d’un œil soupçonneux.
– Et je suis experte en drames familiaux, voyez-vous, ajouta-t-elle pour se justifier. Ce roman m’a tout appris. Il faut dire que je le lis depuis cent cinquante ans!
Elle me montra fièrement la couverture du livre qu’elle tenait sur ses genoux. Je dus plisser les yeux pour en déchiffrer le titre. C’était Tom Sawyer de Mark Twain.
– Moi aussi, j’adore lire. Harry Potter est mon roman préféré. Vous connaissez ? C’est drôle parce que les tableaux parlent aussi.
– Bien sûr qu’ils parlent! Son autrice, Mrs J. K. Rowling, a pris conseil auprès de Wallis pour que tout soit conforme.
– Wallis?
– Wallis Simpson, enfin, la duchesse de Windsor! Elle est à la Portrait Gallery, mais nous avons été voisines de rénovation pendant quelque temps. La malheureuse avait la peau du cou toute fripée! Ce n’est pas parce qu’on est l’épouse du roi que...
– Attendez ! Vous voulez dire que les autres tableaux... parlent aussi?
Je me sentis défaillir. Mark Twain, J. K. Rowling, Wallis machin-chose... je n’y comprenais rien.
– Cher ami, je vais finir par croire que vous êtes sot! Évidemment que nous parlons! C’est le miracle de l’art!
après tout, le succès dépendait de la rencontre d'un artiste avec son époque,
Le seul espace où je me sentais chez moi était ma chambre. Une immense bibliothèque en bois, à laquelle je grimpais à l’aide d’une échelle coulissante, couvrait un mur entier, et des piles de romans, de bandes dessinées et de mangas s’entassaient au petit bonheur autour d’un matelas à même le sol.
Une baie vitrée inondait mon lit de lumière et, en ce mois de décembre, dévoilait les branches couvertes de givre des tilleuls de la place Martin-Nadaud. Ici, rien ne pouvait m’atteindre du monde extérieur. Je ne connaissais pas plus grand bien-être que de griffonner sur mes carnets dans un coin de soleil ou de me blottir sous ma couette après la classe avec un saucisson, une part de tarte aux noix de pécan – oh, bonheur suprême ! – et d’ouvrir un livre. J’étais entouré d’amis silencieux – Harry, Katniss, Ophélie, Nicolas, Blacksad, Lyra, Enid... – avec qui je vivais, du fond de mon lit, des aventures extraordinaires. Pourquoi irais-je me confronter aux
autres quand, avec eux, je pouvais frissonner, rire, pleurer et surtout rester moi-même ? Avec eux, j’avais le droit d’être très ennuyeux ou complètement fou, cela ne changeait rien, et j’aimais cette constance par-dessus tout.
Dans le salon trônait un immense sapin encore nu dont la cime chatouillait les moulures du plafond. Son parfum résineux et boisé embaumait l'air. Sur le manteau de la cheminée de marbre, où crépitait une joyeuse flambée, étaient suspendues quatre grosses chaussettes en laine rouge et blanche à pompoms.
Maintenant qu'il était vide, le musée semblait plus vaste et plus mystérieux.