Sagas
Bernard PIVOT propose comme thème de l'émission, les
sagas, histoires d'une communauté ou d'une famille ou encore
aventures d'un héros.
Bernard SIMIOT a écrit "
Ces messieurs de Saint-Malo",
roman sur les
aventures des commerçants et corsaires
du 18ème siècle.
Alain DUGRAND et
Anne VALLAEYS sont auteurs de "Les Barcelonnettes" dont le premier tome "Les Jardins de l'Alameda" raconte...
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C’est bien le fameux mainate des Carbec ? Celui que l’oncle du capitaine avait rapporté autrefois des Indes ?
– Oui, souffla Marie-Léone, c’est Cacadou.
– Je comprends, fit gravement M. Kermaria.
– Êtes-vous sûr qu’il soit mort ? demanda-t-elle.
– Hélas, madame. Il est encore souple, ce qui permettra la taxidermie, mais déjà froid. Tenez, mettez votre doigt là où j’ai posé le mien, vous ne sentirez plus battre son petit cœur.
– Non ! Je ne peux pas, dit Marie-Léone.
Les larmes lui brouillaient les yeux. Elle ajouta, manière d’excuser une telle faiblesse de la part d’une veuve en face de la mort d’un oiseau :
– Mes enfants l’aimaient beaucoup, surtout la plus petite qui a trois ans, vous comprenez ?…
– Je comprends, je comprends, répéta plusieurs fois M. Kermaria avec un lent balancement de perruque. Eh bien, nous allons nous mettre tout de suite au travail. Lorsque vos enfants seront de retour, Cacadou aura retrouvé sa cage et sera installé sur un perchoir. Son plumage sera aussi brillant qu’avant et tout le monde croira qu’il dort.
Comme Marie-Léone allait s’en aller, il dit encore avec un sourire de sorcier débonnaire :
– Peut-être se réveillera-t-il un jour, allez donc savoir ?
Quand son fils eut sa première dent, Mathieu Carbec apporta à Rose Lemoal une petit pièce de drap pour qu'elle s'y taille une jupe. Il avait entendu dire que c'était un usage auquel les bourgeois malouins ne manquaient jamais, et il comprenait confusément que, pour être admis un jour dans leur société, le respect de ces sortes de coutumes était aussi important que de cacher des piastres au fond de sa cave ou de posséder quelques actions de la Compagnie des Indes. La nourrice l'en avait remercié sans bassesse et, le mois suivant, elle avait consciencieusement revêtu sa jupe neuve pour montrer à Mathieu qu'elle avait apprécié un cadeau dont elle paraissait aussi fière que de la dent de son nourrisson.
- Les femmes n’entendent rien à la politique !
– Et vous ? répondit-elle avec un petit rire moqueur. En tout cas, si je n’entends rien à la politique, j’ai d’assez bonnes oreilles pour entendre tout le reste.
Jamais l'hiver n'avait paru plus dur et plus long. A travers les vitres embuées, la banlieue parisienne gravait des eaux-fortes noires et blanches, dans la neige et la suie, la misère et le sordide.
"Toi, tu navigueras seul, moi en escadre. Chacun se bat comme il l'entend, l'ennemi demeure le même. Il n'en reste pas moins que nous, gentilshommes, nous faisons la guerre pour l'honneur, et vous autres pour l'argent. Comment expliques-tu cela ?"
La réponse partit comme une flèche
"C'est peut être parce que chacun fait la guerre pour obtenir ce qui lui manque le plus ?
Romain ne releva pas l'offense. Une lumière très douce baignait son visage et sa voix avait perdu le ton de la raillerie.
De toutes les odeurs que le père d'Emeline aimait le mieux humer, c'était celle de la Loire, l'odeur moelleuse de la vase, douceâtre de l'eau, fade des poissons blancs. A la sentir, des paysages fluides se réveillaient au fond de ses yeux morts, îles sablonneuses et peupleraies qui glissent insensiblement vers la mer, barques de pêche au milieu des osiers, canots, espars, filins, vieilles coques abandonnées, filets ramenant des aloses et des saumons, et tout ce petit monde de charpentiers, gabariers, voiliers et taverniers qui vivaient de la mer sans jamais s'aventurer au-delà du Mindin.
Je n'avais guère plus de seize ans et je n'avais pas encore lu dans Aristote que le meilleur moyen d'accéder au pouvoir, c'est de gagner la confiance de la foule en se déclarant l'ennemi des riches.
Gorgées de poissons, les barques rentraient avec la marée. Habiles à manœuvrer dans les passes qu’ils étaient seuls à connaître, les patrons malouins s’y engageaient avec autant de prudence que de témérité : plus d’un navire qui avait franchi sans dommages les caps du commerce lointain s’était éventré sur des chicots à l’embouchure de la Rance.
Entreprise par Colbert, la reconstruction de la flotte était loin d'être terminée, encore que trente magnifiques vaisseaux de ligne eussent été déjà engagés dans cette guerre de Hollande. Si le ministre avait réussi ses navires, les plus beaux du monde, personne n'en disconvenait,il n'avait pas eu le temps de réussir ceux qui devaient les commander. Créé depuis peu d'années, l’École des cadets n'avait encore formé que quelques promotions d'officiers. Les autres avaient été recrutés dans la noblesse d'épée, souvent sans tradition maritime et plus satisfaite de revêtir l'uniforme aux beaux parements rouges que soucieuse de connaître et d'assumer les devoirs imposés par la navigation. A part un petit nombre de gentilshommes devenus bons marins pour avoir fait leurs classes en Méditerranée sur les galères des chevaliers de Malte, la majorité des officiers ignoraient le long apprentissage du service à la mer.
Dans nos milieux, quand on veut fonder une famille on n'épouse pas sa maîtresse.