Citations de Bernard Frank (19)
Je suis devenu un monsieur rassis, un critique indulgent qui a pris son parti de la médiocrité des autres pour justifier la sienne.
Je suis fait pour écrire des choses sur les autres, pas sur moi. Ou, quand c'est sur moi, c'est comme si je pensais à un autre.
Non, je ne me moquais pas d'elle. Qu'une jeune fille oisive et riche se fasse psychanalyser alors que ses seuls maux étaient la richesse et l'oisiveté , c'était dans l'ordre. La bourgeoisie repue avait besoin maintenant, c'était son petit vice, de digérer à haute voix.
La solitude de l’écrivain est un curieux désert, hanté, balayé d’une multitude de mirages.
Avant que d’autres ne s’amassent, impalpables, toujours renouvelés, je voudrais nommer ceux que j’ai, un temps, choyés comme un maniaque.
M. Ullmann me rappelle également le mot d'Anatole France, lorsqu'il offre à l'un de ses admirateurs l'exemplaire non découpé d'"un amour de Swann" que lui avait adressé Marcel Proust, exemplaire admirable avec une sublime dédicace, l'un des douze sur papier Hollande de l'édition originale : "Proust est trop long et la vie est trop courte".
On dirait un feuilleton comique, nos existences : “Mesdames et Messieurs, vous allez retrouver vos personnages favoris, Les Pieds Nickelés sur La Côte”. Nous serions en Chine, au Tibet, où tu voudras, ce serait la même chose.
Plus Mauriac est naturel, plus il est à chasser.
« Je ne voyais que Clara pour être d'un naturel aussi généreux et je tenais à Lauzun un peu comme je tenais à Clara. C'étaient de bonnes natures, un peu lentes d'intelligence, mais infiniment serviables. Elles ne souhaitaient pas grandchose, il ne fallait pas les caresser beaucoup pour qu'elles ronronnent. Elles étaient peut-être un peu molles, elles manquaient d'une certaine rigueur. Et puis elles se butaient parfois sur des idées fausses, issues d'une détestable sagesse des nations. » (167)
« Lauzun n'avait rien à faire. « Je ne suis pas tout à fait un vivant », me dit-il. Il était libre, mais il ne savait pas jouer aux cartes. « Je suis trop sérieux, pour pouvoir jouer aux cartes. Je ne sais pas jouer. Quand je joue, je crois bien que j'ai peur. » Lauzun était de son époque, il avait besoin de donner un sens prétentieux à ses manques. C'était, me semble-t-il, bien de l'intelligence gâchée n'aurait-il pas été plus simple d'apprendre les règles de la canasta ? Je trouvais même qu'il y avait du snobisme à ne pas jouer aux cartes c'est un tic fréquent chez les écrivains. Ils s'imaginent volontiers passionnés et la carte est une passion médiocre. Bien sûr, écrire, la boisson même, les grands amours ont un style que les cartes n'ont pas. Mais il y a tellement de minutes dans une journée, qu'il faut avoir de petites passions sous la main pour des minutes de second ordre. » (162)
« Les choses qui sont ne me font jamais souffrir, ce sont les changements que je vois, auxquels je participe, qui m'affolent, Ah! comme je hais ce trait de mon caractère qui fait de moi, le pire des bourgeois, que je le veuille ou non. » (155-156)
« Appartement, bonne, voiture, maison de vacances, jolie fille, sentiments, j'étais comblé. J'étais écœuré de l'être. Pour un peu, je me serais écrié « Alors, il n'y a pas de morale ? il n'y a pas de châtiment? tout est vraiment permis ? » (90-91)
« Ce n'est pas le lieu d'en chercher les raisons, mais cette société n'était pas la mienne.. Il ne fallait pas qu'elle compte sur moi pour la justifier. Je ne voulais pas travailler, c'était ma seule passion. » (89)
« Moi aussi, je m'inquiétais sur mon sort. J'aurais bien voulu travailler, mais cela semblait encore plus difficile que de ne rien faire. »
« Je voulais qu'elle eût un besoin total de moi, pour être le seul à décider, pour faire preuve éventuellement de générosité. Mais ou cela me menait-il ? S'agissait-il seulement de passer le temps ? » (67)
« Pourquoi avais-je sécrété tous ces petits mensonges inutiles ? Serait-ce qu'effrayé du vide de mon existence, j'avais besoin de la remplir de tous ces faux-semblants ? » (65)
« Marc, qu'elle avait connu en Angleterre ce pays que les jeunes filles de la bourgeoisie semblent avoir élu pour leur métamorphose était, d'après elle, fort beau, pas tellement bête, mais d'un égoïsme extravagant et qui n'était pas tempéré par cette sorte de lâcheté bonasse qu'apporte parfois la culture. » (48)
« A quoi sert de se croire intelligent, s'il vous vient finalement à l'esprit, toutes les petites idées qu'aurait pu avoir un imbécile. » (25)
« Est-ce que je l'aimais, au moins? Elle se conduisait exactement comme il était prévisible qu'elle le fît, c'était mortel. » (17)
« Oui, décidément, il fallait que je me marie avec elle, sinon c’était fort déprimant de perdre mon temps à écouter ces phrases idiotes sur la peinture et la beauté » (14-15)