Citations de Bengt Ohlsson (16)
Je regarde son corps qui se dessine sous la chemise de nuit blanche, tout en molles rondeurs : je songe à tout ce qui est mou et rond chez elle, et qui éveille chez moi une telle volupté. Et je songe à tout ce qui est mou et rond chez moi, qui éveille chez elle un tel dégoût.
Ma prison est pire, car je la porte avec moi, où que j'aille.
Ma prison, c'est d'être tenu par tous pour autre que ce que je suis.
Ma prison, ce sont tous les désirs que je n'ai jamais osé exprimer. Au lieu de quoi j'ouvre la bouche et j'entends à mon grand étonnement tout autre chose en sortir.
Ma prison, c'est toute cette peine et tout ce désespoir que j'ai enfouis dans des cachettes si ingénieuses que je ne saurais jamais les retrouver, quand bien même j'essaierais.
Mais pour rien au monde je n'échangerais ma vie contre celle de quelqu'un d'autre. Même pas si j'étais en prison, condamnée à perpétuité ou enfermée dans une cellule du couloir de la mort, en attendant d'être pendue ou gazée. Parce que si je m'embarquais à échanger ma vie contre celle de quelqu'un d'autre, j'y laisserais toute ma fierté. Et la fierté est la dernière chose qui reste. Après il n'y a plus rien.
Nous nous imaginons que la gentillesse et l'affection, cela coule de source, explique-t-elle. Nous présumons que tout le monde les accepte à bras ouverts. Or il n'en est rien. Accepter la gentillesse de quelqu'un peut s'avérer la chose la plus difficile qui soit. La gentillesse peut être vécue comme un affront
La plupart des enfants ne vous regardent pas. Vous n'êtes qu'une autorité diffuse parmi beaucoup d'autres, et ils ont déjà fort à faire avec ceux de leur âge pour s'assurer une place dans le troupeau criard et la conserver. Bousculer ou anéantir tous ceux qui la menacent, si nécessaire. Pour eux, un adulte, ce n'est qu'une source d'ennuis, sous forme de punitions et de gifles : mieux vaut éviter de tomber en disgrâce.
Le chagrin est un animal farouche. Au début, il est facile à mettre en fuite. Puis il se faufile de plus en plus près et, tôt ou tard, on l'a sous son toit. Et il y reste.
le meilleur moyen de supporter la solitude était peut-être d'accumuler le plus de souvenirs possible.
La gentillesse, il faut s'en réjouir et la recevoir avec un sentiment de gratitude, qu'elle provienne d'une personne riche ou pauvre. Parce que lorsqu'on commence à considérer la gentillesse comme allant de soi, c'est qu'on est pas très loin de cesser de l'accepter. Et quand on accepte plus la gentillesse des autres, on en a bientôt plus à donner soi-même.
On emprunte jamais un chemin sans que quelque chose nous y attire. Chaque décision comporte ses avantages et ses inconvénients. Et la vie n'est qu'une longue succession de décisions. Impossible d'y échapper. On peut rester au lit, la couverture tirée sur la tête. Mais cela aussi, c'est une décision
Une fois, elle avait demandé à maman si papa comptait vraiment à ce point pour elle et si elle pourrait vivre sans lui. On aurait dit que toute la maison avait cessé de respirer. Cela avait surpris Marjorie: elle n'aurait pas cru qu'une question pût faire un tel effet.
Ce n'était pas tant le rire qui lui manquait mais la sensation juste avant le rire...
Il y a un temps pour se battre, mais aussi pour se reposer. Si on cherche sans cesse le combat, il risque de devenir une fin en soi. On finit par ne plus connaitre que cela, il finit par être si familier qu'on y a recours, qu'on ait ou non une raison de se battre. Et quand on n'a plus rien contre quoi se battre, on se met à se battre contre soi même.
Pouvait-on avec de l'argent à l'infini, racheter des gens qui étaient morts? Alors maman, très calme, avait dit que c'était impossible, même en étant immensément riche.
Marjorie se languissant de la mer, comme d'un grand bruit où l'on pouvait se cacher.
Payer plusieurs centaines de livres sterling pour des coussins me donnerait l'impression que ma vie est totalement dénuée se sens, et que je suis une vraie "loseuse" obligée de montrer à tout le monde qu'elle a les moyens de se payer d'authentiques coussins de frimeuse. Comme si ça intéressait quelqu'un.
Marjorie suivait les mouvements du torchon humide sur la vaisselle. Il lui vint alors à l'idée qu'un esprit pourrait sortir de l'une des assiettes. Elle pensa à tous ceux qui avaient coupé des côtelettes et piqué les petits pois à la fourchette dans ces assiettes. Tous ceux qui avaient mangé en silence à la table d'Ilse, tous les yeux joyeux, tristes ou rêveurs qui s'étaient baissés sur ces assiettes.
Marjorie se demandait de quelle assiette l'esprit s'élèverait.