Citations de Arthur Teboul (128)
Décorer le labyrinthe
Le temps d’une vie
Cueillir raisins de Corinthe
Et pêche rubis
Marcher, courir nous éreinte
Là restons assis
Au milieu du labyrinthe
Sans chercher l’issue
Sois sans hâte sois sans crainte
Reste un peu ici
La porte joliment peinte
On tombera dessus
Suivre une trace, une empreinte
Nous pouvons ma fille
Mais ce chemin qu’on emprunte
On le rend aussi.
La poésie est un contre-pouvoir. Ce n’est pas anodin qu’elle soit un secret si bien gardé. Emparons-nous de ce feu.
À L'ENDROIT DU TABLEAU
C'est la nuit, encore elle. Pourquoi es-tu surpris ? Elle succède toujours à elle-même. Parasite sur la bande, interfère. C'est un peu de magie. La friture nous interpelle. On se met à rêver de mondes parallèles. De lignes de fuite désaxées, à l'endroit du tableau qu'on n'avait pas bien vu. Là, regarde. Une porte minuscule est peinte. Encore plus petite est la serrure, évidemment. Qu'y a-t-il derrière ? On se prend à croire que la porte s'ouvre sur autre chose qu'une toile trouée. Sans transition, la nuit. Encore elle. Écoute les croassements des fantômes mécaniques qui peuplent la cité. Écoute le hululement des faunes terrifiés par les temps modernes. Où tout sonne hyper fort. Boules Quies dans les oreilles des faunes, masques en tissu sur la face des crapauds. Tout se passe comme prévu. C'est un grand voyage visqueux, prenez vos combinaisons.
Ça ne fera pas une chanson
Mais un collier pour ma femme
Et des pierres chaudes sur ses paupières
Quand elle dort
Ça ne fera pas un poème
Mais un papier caché dans sa poche
Quand elle ira au travail
Avec écrit dessus : je t'aime
Ça ne fera pas une chanson
Mais la joie de ses voûtes plantaires
Quand elle rentrera à la maison.
« Le monde est rempli de visions qui attendent des yeux.les présences sont là, mais ce qui manque ce sont nos yeux « .
C’est Christian Bobin qui le dit.
A mon réveil.
Mes paumes poussent le ciel
Qu'en tombe un oiseau bleu
Dans une boite vocale
J'ai fait mes armes
En suivant les éphémérides
Suivant le vent
J'ai fait mon lit
De l'érosion
Un oisillon
A mon réveil
Est là
Dans ma main droite
Mes paumes poussent le ciel
Qu'aille l'oisillon bleu.
À Bobin
Un peu de lumière chasse beaucoup d’obscurité, dit le sage.
Je pense à toi, la nuit est claire, c’est déjà le début de l’hiver, quelque chose scintille dans un coin.
Clarté diffuse qui ressemble à un sourire doré. Lumière et sourire sont de la même étoffe pour qui sait toucher.
Les oiseaux libres, les arbres sans maîtres, ce qui est offert sans qu’on le possède tu savais le toucher. Le cueillir et le montrer. L’accueillir serait plus juste, pour ne pas déraciner. Ne jamais déraciner. La fleur. Mais la noirceur, la prédation, patiemment, tu pouvais. Creuser la terre avec force et tranquillité, avec certitude.
Une fois, ta voix a dit les mots qui soignent, tes mots, et j’ai compris quelque chose de plus qu’en te lisant.
Le calme des profondeurs sonne parfois comme un rire.
Crépite l’or niché au fond de l’âme, quand les simples mots de tes formules magiques emplissent le puits.
Dans le puits, il y avait aussi une ombre de tragique, une permanente peine passagère. Comme est permanente et passagère l’eau de la rivière. L’ombre d’une rivière de peine traversait ta voix.
Le clapotis de la rivière de peine chantait lointainement dans ta voix. Parfois, ce chant se confondait avec le rire du fond du puits qui nous parvenait dans tes mots.
Parfois, pourtant, c’était un autre chant, plaintif, mais si lointain dans ta voix qu’on l’aurait dit venu de trois ou quatre rues plus loin.
J’aimais aussi ce lit triste où s’endormait ta voix.
Ce qu'on s'autorise à espérer
Prend racine quelque part
Journal d'une nuit espérée, rendue triste par la situation en général. Il est douloureux d'imaginer que cela aurait pu être autrement. Roulis d'un soir sans crépitement, je devinais sous la profonde écriture un sens caché aux choses du monde qui attendent une heure. Qui attendent leur heure. Que quelqu'un nous donne l'heure. Avez-vous l'heure ?
Nous ne parlions pas la même langue. La langue des yeux, toutefois, disait des choses très claires que je ne veux pas vous répéter.
Ils ne lisent pas le même journal
Mais mangent le même croissant
Le pied du lit
Une chèvre trébuche au pied du lit.
Tous les moutons avaient déjà été comptés.
Un soulier trouve son pied, l’autre emprunté par un bélier.
L’autre soulier, pas le pied.
Que vous bêliez serait un luxe, dit le berger à ses moutons
déjà comptés.
Le sommeil ainsi travaillait à dessiner l’astre intérieur
qui habitait la tête du rêveur :
Chèvre, moutons bêlants, bélier.
Et un soulier autour d’un pied.
À ajouter au premier.
Pied.
Celui du lit.
p.45
"Pensez à un nom
Laissez un nom commun vous venir à l’esprit. Écrivez-le.
Qu’il vous plaise ou non. Qu’il vous trahisse ou non. Écrivez-le.
Il est presque certain qu’un adjectif vous passera alors par la tête – pour qualifier ce nom arrivé par hasard. Cet adjectif-là, écrivez-le aussi. À la suite du nom. Ne le refusez pas. Cette place lui revient. Il fait fi de toute cohérence, de toute grâce ? Il est grotesque, banal ? Qu’importe ! Écrivez-le."
Va vers nulle part
L'horizon n'est pas loin
Va vers nulle part part
Tu connais le chemin
« Mes paumes poussent le ciel
Qu’en tombe un oiseau bleu
Dans une boîte vocale
J’ai fait mes armes
En suivant les éphémérides
Suivant le vent
J’ai fait mon lit
De l’érosion
Un oisillon
A mon réveil
Est là
Dans ma main droite
Mes paumes poussent le ciel
Qu’aille l’oisillon bleu » .
Une chanson
Ça ne fera pas une chanson
Mais un collier pour ma femme
Et des pierres chaudes sur ses paupières
Quand elle dort
Ça ne fera pas un poème
Mais un papier caché dans sa poche
Quand elle ira au travail
Avec écrit dessus : je t'aime
Ça ne fera pas une chanson
Mais la joie de ses voûtes plantaires
Quand elle rentrera à la maison.
Ressac
J’ai plusieurs choses qui me traversent.
Dont toi par instant.
Tu es un million de pensées
qui sont comme des petits couteaux.
La poésie se portera mieux quand on cessera de l’assigner aux pages des livres – et je l’écris dans un livre. Elle est partout. Elle peut être partout. « Le monde est rempli de visions qui attendent des yeux. Les présences sont là, mais ce qui manque ce sont nos yeux. » C’est Christian Bobin qui le dit. La poésie est une attention, une délicate attention.
Le poète est cuit. Dans un gros pot de terre, il signe sa fin. Empreinte légère, au revoir, adieu. Dans la glaise sculptée. il murmure un peu. Hanté par les parfums profonds, son souvenir s'épuise avant d'arriver à la main qui signe. Au carrefour, il se fait au revoir de la main. C'est lui-même qu'il laisse. Ne m'en veux pas, dit-il au poète qui était là, en lui, et qu'il laisse sur le bord de la route. Ne m'en veux pas, mais c'est trop fatigant tes yeux à l'intérieur de mes yeux, ton avidité, tes alertes, ta détresse momentanée et permanente, tu m'épuises aussi, tu me tords. Je voudrais soulager ta peine, quand tu regardes à l'intérieur de moi, depuis mon intérieur. Je voudrais poser ma main sur ton front que tu t'endormes tranquillement au moins un jour, une nuit, mais tu as peur, toujours peur. De ne pas être à la hauteur. À la hauteur de l'homme, qui veut toujours se hisser au-dessus de lui-même. Je suis fatigué de ton désir, poète. Alors je te laisse là. Une empreinte, dans le pot de terre.
Sous le préau des après-midis pluvieuses on entend les enfants jouer aux Pokémons. On regarde ce monde étranger où nous avons vécu il y a très longtemps. Nous ne parlons plus la langue. Nous avons oublié cette langue.