Le souffle lui manqua devant cette perspective qu'il n'avait jamais imaginée : que le bois, un jour, renfermerait la mort et non plus le son, qu'il abriterait dans ses entrailles la pourriture et l'absence.
Chaque découverte humaine amène un savoir, puis ce savoir sera vendu et exploité jusqu'à l'agonie.
Dans un instant de terreur lucide, il pensa qu'il n'avait rien compris à la vie ayant ignoré la mort.
Le parfum de sa mère se dressa devant lui, comme un voile éphémère.
Toutes les méchantes émotions de l'enfance, ficelées comme des fagots de bois mort, pouvaient-elles se tarir en silence devant l'innocence de sa beauté naissante?
C’était le 17 octobre 1973. Une foule d’enseignes de vaisseaux se pressait sur le remblai le long du porte-hélicoptères, fleuron de la marine française inauguré neuf ans plus tôt.
— Guillaume ! se souvint-il avoir crié, sanglé comme lui dans un uniforme d’hiver impeccable.
— Presse-toi, le Bronzé, lui avait répondu Guillaume sans se retourner.
Il avait râlé en arabe. Le Bronzé, le Bronzé, toujours le Bronzé ! Il revit sa silhouette de ce temps-là, solide et terrienne. Les filles françaises lui avaient dit que son regard était sombre et doux. Il y avait gagné le surnom d’Omar Sharif, ce qui pour Guillaume était ridicule, l’acteur mondialement célèbre étant d’après lui Égyptien. Lui, avait rectifié en riant qu’Omar Sharif, né en Égypte, était d’origine libanaise.
Pourquoi une mémoire se perdrait-elle?
En réalité, il ne changeait pas : il se révélait à lui-même.
La musique, c'est le bruit de l'homme. Le bruit que l'homme a voulu. Le bruit maîtrisé, qui dépasse en beauté tout ce qu'on peut entendre.
Le temps les avait séparés, et ils menaient maintenant des vies peuplées d'histoires dont l'autre ignorait tout.