Je me suis souvent demandé combien de fois je me suis accroché à la barre. Combien y a-t-il de dégagés et de pas de bourrée dans la vie d'un danseur ? Je sais, le vocabulaire de la danse est cocasse. Tiens tu en veux un autre ? Tombé-piqué ! Enfin tout ça pour dire que je travaille dans l'idée d'inventer l'instant, de réussir à le répéter, puis de le modeler. (Nicolas)
Un foyer. Jérémie créait un solo pour Nicolas. Ils répétaient dans le foyer, là où les danseurs se reposent, transpirent, soupirent, sourient ou pleurent - avant, pendant et après le spectacle - le recueil des états d'âme. Je me suis absentée un court instant. Plus tard, j'ai découvert les deux lascars sur mes planches-contacts. Ils avaient fait cette image à bout de bras, une extension vers l'ironie. Deux copains en liberté, facétieux comme des mômes.
Le messager des dieux. C'est celui qui a des ailes aux talons. Depuis que je sais que Nicolas vole, j'ai toujours des scrupules à recueillir ses chaussons... À m'approprier cette magie-là. Je les regarde à distance, ils demeurent inertes et fascinants, des carcasses écorchées, vidées de leur substance. Ils ont vécu. Du jeune homme à Caligula, c'est toujours la même histoire : envol et gravité.
"Pas parler, faire", c'est Rudolf Noureev qui disait toujours ça. Et si j'avais choisi de m'exprimer au travers de la danse plutôt qu'avec des mots ? Par sincérité, par nature. Alors ce serait ça ma vérité : danser est ma nature. (Nicolas)
Photographier le mouvement n'a aucun sens. Parce que le geste s'étend dans le temps, alors que l'image fige l'instant. Ça revient à poursuivre une chimère, ou un danseur. (Anne)
Dans le studio, quand nous étions deux, nous étions seul.