– Vous pratiquez quel sport habituellement ?
« Marathon de séries sur canapé », ça compte ?
– Un peu de course ?
Le rire pour chasser les larmes, la joie pour éliminer la tristesse, la douceur à la place de la colère. Toujours.
Chapitre 5 :
Aliénor
«… Ma petite Aliénor chérie,
Je t’écris parce que je sens les forces de la vie me quitter doucement et j’ai encore deux ou trois choses à partager avec toi. Je pourrais te les dire lors d’une de tes visites, mais je suis égoïste et je n’ai pas envie de voir la tristesse marquer ton joli visage.
Si tu lis cette lettre, c’est que tu as reçu les clés. Je suis contente de partir en sachant que cet endroit t’appartient.
Je ne te lègue pas seulement ces murs, je t’offre l’occasion de démarrer une nouvelle vie. J’aurais dû le faire bien avant, mais de mon vivant, je suis sûre que, têtue comme tu l’es, tu n’aurais jamais accepté. Alors que tu n’oseras pas t’opposer aux dernières volontés de ta défunte grand-mère.
Retrouver l’humour décalé de Mamili dessine un sourire entre mes larmes. J’inspire avant de poursuivre.
Ton travail ne te plaît pas et tu rêves d’autre chose depuis tellement longtemps. Tu disposes d’un peu d’argent, de quoi entreprendre quelques travaux, mais aussi, peut-être, te donner un coup de pouce pour te lancer dans une nouvelle activité. Le salon de thé dont tu rêvais adolescente, ou cette dernière idée bizarre dont tu m’as parlé…
Je me souviens de ta détermination lorsque tu as entrepris ce CAP en pâtisserie en cours du soir, en parallèle des études que tu suivais la journée. Ton père a bien essayé de t’en empêcher, mais rien ni personne n’aurait pu t’arrêter. En plus, tu es douée pour ça, ce serait dommage de ne pas en faire profiter les gens.
Cette maison t’appartient, n’en fais pas un musée. Transforme-la à ton image. Vends les meubles que tu n’aimes pas, arrache la tapisserie vieillotte, ne te montre pas sentimentale, s’il te plaît.
La vie est courte, ma chérie, profite de chaque instant.
J’imagine que ta petite bande se trouve près de toi. Dis-leur que je les embrasse et que je compte sur eux pour t’aider.
Mamili ...»
Je t'apprécie tout le temps, aussi bien avec des larmes qu'avec un sourire. Je t'apprécie que tu sois sage ou sauvage, que tu te montres docile ou rebelle. Je crois que je finis même par apprécier ton désordre. Ne t'excuse jamais d'ếtre toi.
Quelle conne de ne pas apprécier à sa juste valeur ce physique à tomber. Plutôt crever que lui dire, mais sa barbe naissante le rend encore plus attirant que d’habitude. Comment peut-on y être insensible ? Elle est où d’ailleurs, la bimbo ? Parce qu’il sort sûrement avec une de ces filles sublimes, sans une once de graisse, aux traits délicats parfaitement maquillés, à la chevelure lisse et brillante. Rien à voir avec moi. Même un soir de gala, même avec tous les artifices possibles, je me sens gauche et pataude.
Sans prêter attention à ce que je lui raconte, il scrute mon visage, ses yeux interrogent les miens. Ce n’est pas le moment, mais je repense à la photo et au délire d’Emma. Comme si mon corps avait décidé d’agir n’importe comment, mon pouls s’affole sous l’intensité de son regard, mon ventre se noue et le rouge me monte immédiatement aux joues. C’était quoi ma réflexion hier ?
Ces derniers temps, j’ai découvert un Nathan différent. Je ne saurais dire depuis quand exactement. Sans doute qu’à force de passer toutes ces heures ensemble, une facette jusqu’alors bien dissimulée a fini par lui échapper. Lorsqu’il consent à se détendre un peu, il devient carrément fréquentable, capable de sourire et de se préoccuper des autres. En gros, de se comporter en être humain plutôt qu’en boss cynique. Un être humain doté d’un charme envoûtant. Il a des regards qui me troublent bien plus qu’ils ne le devraient et me laissent dans un état d’agitation que je n’ai plus ressenti depuis longtemps.
Malheureusement, il passe d’une attitude à l’autre sans crier gare et cette façon de souffler le froid et le chaud me rend dingue. Même si j’ai conscience de jouer avec le feu, cela me conforte dans mon plan diabolique : le détendre suffisamment pour rendre l’ambiance de travail plus légère, incluant au passage la révélation de son vrai Lui.
Il a dû être un adolescent passionnant. J’aurais bien aimé le connaître il y a dix ans. L’image de Tom se superpose à celle de mon boss. Ado, ce dernier ressemblait sans doute à mon ex-petit ami : charmeur, drôle, inattendu, passionnant… et infidèle. Sortant avec une fille et sa meilleure amie dans la foulée. Un type pas fréquentable.
Je tente de me convaincre que son signe d’affection machinal me réconforte plus qu’un baiser passionné. L’expérience m’a montré que je ne suis pas taillée pour les grandes histoires d’amour, pour la passion qui dévaste tout sur son passage et vous laisse détruit lorsqu’elle en a terminé.
Noël est une des périodes que je préfère, celle où on peut sentir l’amour des siens nous envelopper comme une couverture moelleuse. Celle où on peut leur rendre un peu de cet amour par des petites attentions. Je me réjouis déjà de leur dénicher le cadeau parfait.