Ali Guessoum

• LES STATISTIQUES SONT FORMELLES...
Lors de son réquisitoire au 'Tribunal des flagrants délires', en septembre 1982, Pierre Desproges passe la parole à l'acteur et humoriste Luis Rego en rappelant les propos qu'il y avait, peu de temps auparavant, tenus : « Les chiffres sont accablants, il y a de plus en plus d'étrangers dans le monde ». De la question posée naguère « Peut-on rire de tout ? », la réponse demeure positive. L'humour, le détournement, l'absurdité et la mise en abyme ironique restent indéniablement des armes de contestation et de dénonciation massives...
(p. 76)

• Mes racines sont d'ailleurs, mais c'est ici que je fleuris.
Le hasard de la naissance n'empêche pas l'amour de sa terre d'accueil, ni l'envie de s'y épanouir. De nombreux individus venus d'ailleurs sont aujourd'hui français. Ils travaillent, produisent de la valeur ajoutée, paient leurs impôts... et adhèrent aux valeurs républicaines et citoyennes. Ils enrichissent également la Nation, par l'apport de leur double culture, leur créativité, leur parcours et leurs arts. Certains des plus grands artistes français étaient, à l'origine, des étrangers : on pense à l'Américaine Joséphine Baker ou à l'Algérien Kad Merad mais il faudrait aussi rappeler que la comtesse de Ségur était née russe, Apollinaire et Goscinny polonais, Romain Gary lituanien, le mime Marceau allemand, Uderzo, Emile Zola, Pierre Cardin et Yves Montand italiens...
(p. 78)

• Affiche détournée : Après les Macaronis, Espingouins, Polacks, Portos, Bougnoules, Nègres, Chinetoks... Tous les chemins du racisme mènent aux Roms.
• Décryptage succinct : Dans la recherche perpétuelle du bouc émissaire parfait, une vague d'immigrés chasse l'autre. Du massacre d'Italiens à Aigues-Mortes en 1893 au jeu de mots de Jean-Marie Le Pen évoquant la 'Romenade' des Anglais à Nice, chaque génération a son 'étranger' à désigner à la vindicte populaire.
(p. 52)

Après l'euphorie de l'arrivée à Paris en décembre 1983 de la Marche pour l'égalité et contre le racisme, partie de Marseille le 15 octobre pour dénoncer la multiplication des crimes racistes et qui réunit jusqu'à 100 000 personnes, les lendemains sont difficiles.
Les Marcheurs, ayant un temps servi la cause de la Fraternité républicaine, vont être priés de retourner à leur silence et à leur quartier, tandis que le contrôle du 'business' antiraciste est pris en main par l'Elysée et par le Parti Socialiste.
Instrumentalisation, récupération politique des valeurs prônées par les Beurs de France, nécessité de contenir ce mouvement populaire et de le marginaliser, voilà quelques uns des éléments qui vont présider à la création de SOS Racisme en 1984. La gauche au pouvoir joue alors les équilibristes, entre soutien ouvert à l'association antiraciste et encouragement masqué au Front National, pour affaiblir la droite. La désillusion et le mécontentement des Marcheurs n'y changeront rien, c'est le temps de 'l'antiracisme folklorique des jours de fête' et celui de la mise en place d'un appareil politique et associatif pour museler les récalcitrants et surtout ratisser largement le vote beur.
(p. 20)

• Absolute Burka.
En 1989, les premières affaires du 'voile' à l'école éclatent et ne cesseront d'alimenter les débats politiques et médiatiques de la décennie suivante, jusqu'au vote d'une loi en 2004. La condition de la femme, les moutons égorgés dans la baignoire, les attentats du 11 septembre, les talibans, les minarets, le port de la burka, les hamburgers halal sont autant de thèmes qui viennent nourrir une islamophobie en pleine croissance.
(p. 34)

• La pompe à fric.
Ressources naturelles, matières premières, terres, réservoir inépuisable en main d'oeuvre et en chair à canon, la France a longtemps considéré l'Afrique comme son terrain de jeu personnel... La 'Françafrique' a ensuite succédé aux temps des colonies. Aujourd'hui, ces relations perdurent au détriment de la démocratie, mais au profit des caisses de l'Etat [français]. Les compagnies internationales continuent de piller les ressources du continent tandis que les ballets incessants de migrants viennent alimenter le bassin méditerranéen et l'Europe en drames humains.