La chose qu'un peuple change le moins après ses usages c'est sa législation civile. Les lois civiles ne sont familières qu'aux légistes, c'est-à-dire à ceux qui ont un intérêt direct à les maintenir telles qu'elles sont, bonnes ou mauvaises [...] Le gros de la nation les connait à peine ; il ne les voit agir que dans des cas particuliers, n'en saisit que difficilement la tendance, et s'y soumet sans y songer.
(Livre 1 - Chap. II - Du point de départ et son importance pour l'avenir des Anglo-Américains - p. 105)
A défaut de l'enthousiasme et de l'ardeur des croyances, les lumières et l'expérience obtiendront quelquefois des citoyens de grands sacrifices ; chaque homme étant également faible sentira un égal besoin de ses semblables ; et connaissant qu'il ne peut obtenir leur appui qu'à la condition de leur prêter son concours, il découvrira sans peine que pour lui l'intérêt particulier se confond avec l'intérêt général.
La nation prise en corps sera moins brillante, moins glorieuse, moins forte peut-être ; mais la majorité des citoyens y jouira d'un sort plus prospère, et le peuple s'y montrera plus paisible, non qu'il désespère d'être mieux, mais parce qu'il sait être bien.
(Livre 1 - Introduction - p. 64)
Partout on a vu les divers incidents de la vie des peuples tourner au profit de la démocratie ; tous les hommes l'ont aidée de leurs efforts : ceux qui avaient en vue de concourir à ses succès et ceux qui ne songeaient point à la servir [...] ; tous ont travaillé en commun, les uns malgré eux, les autres à leur insu, aveugles instruments dans la main de Dieu.
Le développement graduel de l'égalité des conditions est donc un fait providentiel [...] : il est universel, il est durable, il échappe chaque jour à la puissance humaine ; tous les évènements, comme tous les hommes, servent à son développement.
(Livre 1 - Introduction - p. 60)