Alexandra Goujon

La Révolution de Maidan de 2013-2014 en Ukraine ne peut être assimilée ni à un coup d'Etat fasciste ni à une opération des puissances occidentales. C'est une révolte massive de citoyens ordinaires contre une présidence jugée autoritaire et corrompue. Bien que les groupes d'extrême droite jouent un rôle clef dans les affrontements avec la police, ils restent marginaux tant dans le mouvement que dans le nouveau gouvernement qui lui succède ou au sein des forces combattantes à l'est. Les chancelleries occidentales, médiatrices pendant la révolution, accompagnent seulement le changement de pouvoir à Kiev.

La création d'un État indépendant ukrainien est donc relativement récente même si elle s'inscrit dans une série de tentatives qui ont échoué principalement parce que les territoires ukrainiens ont toujours été et sont encore convoités par des puissances extérieures qui disposent de moyens administratifs et militaires supérieurs. En dehors de la courte expérience de 1918-1919 dont on comprend le poids symbolique dans le récit national, l'absence d'un État indépendant, avant 1991, ne signifie pas l'absence de toute expérience ou velléité autonomiste. Le nationalisme ukrainien se développe au XIXe siècle, à l'image du réveil national des autres peuples d'Europe, mais ne trouve à se concrétiser, dans une forme étatique, qu'à la fin du XXe siècle. La RSS d'Ukraine n'est pas totalement étrangère à la production d'une identité nationale ukrainienne, qui fut certes précaire et très encadrée mais qui contribue aussi, sur le temps long, à forger l'État ukrainien contemporain.

Les images qui circulent sur l'Ukraine sont souvent sombres (pogroms, famine de 1932-1933, Shoah par balles, explosion de Tchernobyl, répression policière sur Maïdan, populations meurtries par plusieurs guerres). L'ouvrage s'attache à fournir des éclairages précis sur ces périodes noires qui reviennent d'autant plus à la mémoire que le pays lutte pour son intégrité territoriale depuis 2014 alors que la Russie ne cesse de vouloir le ramener dans son giron. Mais l'Ukraine est aussi un territoire fait de ressources premières (fer, charbon, blé), de richesses paysagères (mers, steppes, montagnes, forêts, Dniepr), de villes historiques (Kiev, Odessa, Lviv, Kharkiv) et d'habitants investis (engagement citoyen, créativité artistique). C'est une terre pleine de contrastes entre les villes et les campagnes, entre les terrils du Donbass et les start-up de Kiev, entre les stations balnéaires du sud et les marécages du nord, entre les nationalistes et les russophiles, entre la ville portuaire d'Odessa et les terres noires des régions centrales, entre les résidences somptueuses des oligarques et les mazanka de paysans. Certains vantent les mérites d'une diversité perçue comme enrichissante alors que d'autres y voient l'achoppement d'une nation trop hétéroclite.

Sur la codification de la langue biélorusse:
"On distingue, en effet, plusieurs types de langue biélorusse: à la langue biélorusse dite "de Tarachkevitch"(1892-1938) en référence à l'homme politique qui est l'auteur de la première grammaire scolaire biélorusse en 1918, on oppose la langue biélorusse dite "soviétique" qui correspond à la langue académique et soviétisée issue de la réforme de 1933. En l'absence de normes linguistiques post-soviétiques, la langue biélorusse utilisée et autorisée par les pouvoirs publics est la langue biélorusse soviétique dont les normes ont été adoptées en 1957. "p.150

La société civile ukrainienne se développe après la Révolution de la dignité (2013-2014) dans de nombreux secteurs et à tous les niveaux. Elle témoigne d'une mobilisation citoyenne soutenue qui est fondée sur la solidarité et l'auto-organisation, et qui devient massive après l'invasion militaire russe de 2022. Sa contribution exceptionnelle à l'effort de guerre contre la Russie n'en fait pas pour autant un Etat dans l'Etat même si elle cherche, par sa détermination et son inventivité, à peser sur les choix politiques et sociaux du pays.