Le 7 juin 1963, dans une maison d’Okehampton dans le Devon, ma mère, Voula Sinclair, née Giorgios, me mit au monde lors d’un accouchement traumatisant qui, comme elle n’eut de cesse de me le cracher au visage, faillit lui coûter la vie. Elle avait vingt-sept ans, et mon père, trente-trois.
Ma mère était d’origine grecque, orpheline de guerre, fille d’Helena et de Spiridon Giorgios. Son père avait collaboré avec les nazis pendant la guerre, et ses deux parents étaient morts en 1944. Une fois la guerre finie, elle n’avait pas eu une vie facile en Grèce, où la simple mention du nom de Spiridon Giorgios s’accompagnait d’une injure et d’un crachat par terre. C’est pourquoi en 1954, à l’âge de dix-huit ans, elle quitta la Grèce en train et traversa toute l’Europe jusqu’en Grande-Bretagne. Pendant de nombreuses années, mon père n’en sut pas plus sur son enfance, ne se doutant pas qu’elle pût cacher un secret des plus terribles.