La psychologie — et sans doute d'autres branches des science positives (car la pensée, la connaissance, la science n'obéissent pas seulement à des lois psychologiques, mais encore à des influences sociales, en tant qu'elles résultent des réactions réciproques des individus les uns sur les autre, que leurs résultats sont avant tout communicables et qu'elle développent dans et souvent par la société), ont donc pour objet de nous dire comment nous pensons, jugeons, raisonnons, connaissons, et d'établir les lois de la pensée. Mais la logique, elle, se demande comment nous devons faire pour penser, juger ou raisonner convenablement, et connaître exactement ; elle veut établir les règles que nous devons suivre pour penser juste, c'est-à-dire atteindre la vérité.
A mesure que son intelligence s'éveillait, l'homme l'appliquait d'une façon fort désordonnée à la connaissance des objets au milieu desquels il vivait. Les perceptions, les images, les idées d'un enfant nous présentent assez fidèlement cette intelligence primitive et cette manière toute spontanée de connaître. Nous la trouvons encore dans l'ensemble des préjugés, des superstitions, des idées toutes faites, imposées par la routine et acceptées sans discussion, qui constituent la manière de voir courante du plus grand nombre.
Les progrès de la science physique ont été toujours commandés par les idées théoriques.
Dès que l'homme eut commencé cette entreprise, il crut, ébloui par ses premières remarques, que. presque immédiatement, il allait acquérir la science universelle. De même qu'il suffit, semble-t-il, d'ouvrir les yeux pour voir le monde tel qu'il est, il pensa qu'il suffirait de réfléchir pour saisir tous les éléments fixes de la nature, ses lois et l'ordre qu'elle suit rigoureusement. Les spéculations des philosophes grecs sont le résultat de cette méthode naïve.
Depuis Galilée et Descartes, l’évolution philosophique de la physique jusqu’à la fin du XIXe siècle présente une remarquable simplicité : Cinétisme cartésien d’abord, puis dynamisme Newtonien, puis, au XIXe siècle, combinaison plus ou moins claire des deux doctrines, avec une prépondérance croissante de tendances qui rappellent le cinétisme. Mais sous ces trois temps, c’est le même mouvement qui se perpétue : la mathématisation de la physique dans et par le mécanisme, théorie quantitative et déterministe, sans finalité. Une des conséquences scientifiques capitales du mécanisme, et on pourrait presque dire sa conséquence philosophique essentielle, se concrétise dans la possibilité du retour éternel.
Je crois, personnellement d'ailleurs, que les connaissances scientifiques sont toute la connaissance humaine. La synthèse organisatrice des sciences, vues et comprises comme les savants les voient et les comprennent, faite dans un esprit qui serait l'esprit scientifique général, voilà la conception « philosophique », très voisine du positivisme, qui aurait mes préférences. Une recherche, d'après la méthode historique et comparée, sur l'esprit général de la physique contemporaine et sur la théorie actuelle de cette science, est une partie de la matière nécessaire à une telle philosophie.