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4.05/5 (sur 121 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Melun , le 19/11/1975
Biographie :

Marie-Aude Matignon, dite luvan, est traductrice, réalisatrice radio et écrivaine.

Elle est, sous le nom de luvan, auteure de littérature, de théâtre, de fictions radiophoniques et de poésie. Historienne de formation, elle est également traductrice sous son vrai nom.

Elle a vécu en Afrique, dans le Pacifique, en Chine et en Scandinavie avant de s'installer en Belgique, où elle vit depuis 2003.

Elle commence à publier des textes (poésies ou nouvelles) à partir de 2001, en revue ou en anthologie, tout en développant à partir de 2008 une activité de performance artistique, parfois proche de la poésie sonore.

Elle a publié des nouvelles et novellas dans des périodiques (comme la revu "Emblèmes") et des ouvrages collectifs ("Lilith et ses sœurs", "Mythophage", "Conquêtes & Explorations infernales"...).

Sa nouvelle "Trolleriet" a été nominée au prix Merlin en 2002. Son premier recueil de nouvelles, "CRU", édité chez Dystopia Workshop, a reçu le prix Bob Morane 2014 (dans la catégorie "Nouvelle") et a été nominé au prix des Lycéens et Apprentis d'Ile de France

On lui doit, entre autre, "L’Étrangère" (2010), un conte policier noir et des nouvelles : "La Remontée" (dans "L'Air", 2010) ; "Mahrem" (dans "La Guerre, anthologie d'une belligérance", 2011), "Le chevalier noir" (dans "Et d'Avalon à Camelot", 2012), "Koímêsis" (dans "Jef Klak", n°3, 2016).

En 2013, elle a publié "Yama", un roman jeunesse écrit sous le nom de Marie-Aude Matignon et a réalisé sa première fiction radio intitulée "Mange-moi". "Susto" est paru en 2018.

Véritable touche-à-tout artistique, luvan participe à de nombreuses collaborations, romanesques ou dramatiques, sur les planches comme sur les plates-formes numériques. Elle écrit pour le Net par le biais de la chronique dessinée "La Vie Sauvage des Hominidés".

son blog : http://www.luvan.org/blog/
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Par avion, on arrive toujours sur des pelouses tapées, jaunies par la neige et le soleil. On est toujours au jaunâtre des saisons.
Entre les terminaux de l’aéroport Václav Havel, des colonies vitrées au squelette dur comme des teignes animent de reflets aléatoires le plat de ce qui fut une campagne. Çà et là, comme on s’éloigne en bus, le poil d’une pinède ravinée. Le sauvage vivace d’un promontoire parcouru de pistes de moto et qui a dû s’appeler, avant le tatouage crénelé des roues, la Butte aux Loups.
Deux essaims d’oiseaux se croisent, l’un plus haut que l’autre. Se surimposent puis s’émancipent. Partition momentanée de croches et noires
puis dièses.
puis rien.

En Belgique, dans la navette me conduisant à l’aéroport, les chansons mouillées d’une fréquence se réclamant de cette alternance épileptique de tristesse et de gaîté, d’absence et de présence au monde : Radio Nostalgie. Comme Radio Rebours. Comme Chemin Bosselé Menant Au Cimetière Par Le Gué. Comme Radio Ombre.
C’est en autocar que j’ai goûté Prague pour la première fois.
Décembre 1995, si je compte correctement.
Tout me semblait étrange et familier, comme une porte ouverte sur un rêve que j’aurais toujours fait.
Noir. Froid. Des Menschen grands aux yeux desquels on ne parvient jamais à se pencher. Une lithographie à n’en pas finir de creuser à la gouge.
Je me souviens m’être perdue, avoir manqué renverser un bébé dans sa poussette, dormi entre trois consignes militaires, écouté du jazz, mangé mon premier goulash, bu trop de vodka, appris à ne pas trancher mon petit pain avant de le tartiner, fait l’amour dans la douche immense d’un gymnase désaffecté.
Aujourd’hui, il me semble être allée partout et la nostalgie.

Herbes jaunes, rases. Horizon au feutre rigide, toujours neuf. Lignes de front tortillant entre le blanc kérosène d’un avion et la tristesse sale de sa pâture, égayée seulement par la sabre sec du bec des pies. Occasionnellement, des lièvres en guise de leprechauns.

En 1995, je me souviens avoir pensé « c’est chez moi ». Malgré l’altérité meurtrie, abrutie. Sous la stupeur. Ou plutôt sur la stupeur, au-dessus. Il y avait toute éventualité.
Ce que nous deviendrions.
Ce que nous aurions pu être.
Je buvais de tout mon être ce passé ne m’appartenant pas. Je m’en sentais investie par l’Europe dite de l’Est. Pas comme un devoir, ni une dette. Comme un état.

Sous la haute fenêtre de la navette nous éloignant de l’aéroport Václav Havel, un chauffeur de taxi donne un coup de langue à l’écran tactile de son portable, qu’il frotte ensuite contre sa cuisse. Je reste un instant stupéfaite par ce geste incongru. Et puis il soulève le gobelet de café coincé entre ses cuisses et je comprends : ce n’est pas un lézard. Il a simplement renversé du café sur son téléphone.

Dans ce bus négligeant les nuances pour servir de soc à ce qui fut sûrement une campagne, je constate avec regret – et une pointe non négligeable de honte – que je n’ai pas répondu à l’appel de Prague. L’Europe dite de l’Ouest a collectivement manqué la conjonction astrale que Norman Spinrad prédisait dans Le Printemps russe. L’Europe ne sait plus danser. Les technocraties ont lutté un temps, comme Jacob et l’ange, comme des clans de macaques, puis se sont accordées pour jeter au sol des grandes surfaces et des plateformes logistiques. Leurs humeurs corporelles se sont déposées moites sur nos territoires et les ont givrés.
Nous givrons.
Ce n’est plus la guerre froide, c’est le givre partout.

Bien sûr, il y a toujours l’imprévu.
Un sentier qui longe la rocade et descend dans un endessous invisible.
Un chien noir qui chemine seul à contre-jour.
Une pelleteuse qui extrait, mollasse, une motte rebondie de cinq strates géologiques.
Mais c’est de l’imprévu connu et mes yeux n’y trouvent le repos que par habitude.

Praha Hlavní Nádraží.
Quand on y tombe en métro, la gare centrale de Prague se gravit. On n’en comprend l’espace que peu à peu. À force d’escalade et de son envers. J’entends parler français, beaucoup. L’anomalie me frappe, par contraste avec mon premier séjour.
Une esplanade souterraine, basse et rouge comme une escalope. Des plafonds luisants, rubis sur l’ongle, dont l’écarlate se reproduit en un sol carrelé, alternant bruns et gris, qui vient tuiler les montées d’escalier et les colonnes trapues, plus racines que tiges. Je suis surprise par les boutiques basses, éparpillées comme des semailles mal étalonnées. Partout, des sièges. On s’y abrite d’une mi-février pourtant douce. On y vend au rabais les agendas de 2017. Les souvenirs pugnaces d’années 60 couleur de terre et de cerise s’y donnent partout ailleurs.
Entresol pour foule d’aujourd’hui, toquée d’une modernité panoccidentale : Relay, Cafe Costa, Bio Corner, Brioche Dorée, Palladium… À l’une des extrémités, des consignes vastes comme les archives du FBI, que vient reluquer à trois reprises un vigile Securitas conditionné en noir, façon armadillo primesautier. Des toilettes gardées à la guérite par une dame à l’uniforme bleu de Prusse. Soudain, un maigre escalator invite à visiter la « gare historique ». Parce qu’on n’y était pas. Dans l’Histoire. On pensait y être, à battre la semelle sur les dalles organiques et l’organisation alambiquée de l’entresol, fourmilière comme on n’en fait plus. Souricière estampillée Printemps de Prague et ses grands travaux d’humanisation. Mais on se trompait.
L’Histoire n’est pas ici, avec nous, mais un étage plus haut.
Je monte, curieuse d’apprendre ce qu’il convient d’appeler l’Histoire.

L’Histoire est une rotonde jaune Art nouveau, monumentale et petite à la fois, comme une Sécession viennoise politique, bucolique, courbe et canari.
Deux policiers, accoudés à une balustrade de joncs lustrés, contemplent l’en bas d’un air blasé. On dirait qu’ils pêchent. Deux mètres au-dessus, des têtes de femmes sculptées folklorisantes – les régions ? – se renvoient des regards mats. En face des flics, de l’autre côté du chiasme surplombant la partie a-chronologique de la gare centrale, deux Chinoises en forme de couple charnu s’agacent d’être perdues devant une allégorie de la Ville : Praha Mater Urbium. Dans un recoin, on boit, sur du cuir matelassé, les cafés chers d’une licence américaine.
Je sors côté rue.
Une quatre-voies me sépare du côté Habsbourg de la ville.
Je longe le flanc de la partie semblement désaffectée de la gare : un hall creux où traînent un caddie et des stères de poussière. Par la vitre crasseuse, on devine les couleurs tranchées jaunevertbleu des émaux, murs et boiseries. Qu’un contrat privé rénovera, probablement.
De manière surprenante, c’est la quatre-voies qui me rappelle à 1995. J’avais été frappée, alors, par la beauté violente de la ville, mais aussi par l’odeur caractéristique de son trafic routier.
La sensation de froid piquant, l’acidité douce mais décidée – et non brutale et lasse comme à Bruxelles – me font l’effet de ne pas avoir changé.
Avant de prendre mon train, je me surprends à inhaler béatement une grande bouffée de pollution noire.
Le train me transbahute vers Banská Bystrica par un large sillon plat, planté d’usines neuves ou retoquées de noms étrangers. Plus on grimpe, plus dense la neige. Une série d’épouvantails parsèment le sol nu, lui procurent un semblant de récit.
Le temps est au givre et nous sommes ceci : anciens utopistes muselés de l’Est ; ex-nihilistes bavards de l’Ouest. Des épouvantails. Des bonshommes de paille dressés à conserver une récolte dont on sait qu’elle est tarie. Immobiles, impavides, figés à leur épicentre d’opinions.
Et sinon
dans l’épaisseur de la neige
les pistes erratiques de chevrettes, laies et renardes racontent tout autre chose.
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Gara
Lors d’un concert des pinces, buter contre
un galet moite (ou s’emmêler à du goémon)
et en ressentir un certain embarras.
Ne pas confondre avec le « Traga » des oursins
Notion primotransmise par une galathée

J’ai commencé à écrire par agacement du mystère, pour le secouer comme un renard l’eau d’une mare. J’ai choisi d’écrire sans savoir où me mènerait la rupture de mes vœux.
À cette pensée, je me sens encore sensiblement gara.

Dercapodascasser // Dercapodespasser
Positionner les plumes rectrices de sa queue
de manière à produire, en vol,
les ultrasons les plus agaçants //
Chez les harles, forme saisonnière d’humour
Notion primotransmise par : NA

Ces dernières années, il vient plus de marsouins. De sorte qu’il arrive qu’on les confonde avec des péleraines lorsqu’ils s’avachissent sur le talus. Leur forme de sac, leur respiration lourde, leur beau sourire. Ma théorie est qu’ils ne sont pas étrangers à Cromlech. Cromlech les appelle. J’en ai parlé à notre fauconne crécerelle. C’est elle qui les débusque, la plupart du temps. Depuis que les martinets ne viennent plus, elle est triste et nous manquons de cris. Les péleraines, les marsouins, comblent ce manque.
Peu prudenx, j’ai également partagé ma théorie de l’aimant avec Sobrane? Nous récoltions la salicorne. Sobrane connaît une façon de l’apprêter au feu. Je préfère la manger crue. Peu importe. Nous la cueillons toujours ensemble. Nous nous trouvions près du Crec’h. Nous étions à deux jours du Berz. J’ai dit à Sobrane ma théorie du phare, de l’appel. Cromlech, lui ai-je dit, a l’apparence lisse et luisante d’un marsouin qu’on aurait érigé en monument mouillé. Une besace dure. Au sommet, comme un sourire. Cromlech est une cloche, un carillon, dont Kedgistel n’entend pas le chant, et qui appelle. En revanche, les marsouins, les péleraines, les phoques l’entendent. J’ai dit à Sobrane que notre fauconne était d’accord. Qu’elle comprenait aussi les stridulations claires de Cromlech. Cromlech éloigne les migrateurs, attire les algues, les pollens… Et nous ? a demandé justement Sobrane.
Et nous ?
Et si Cromlech ne nous prêtait aucune attention ? Si c’était ça, la leçon de sa bouche cyclopéenne ? S’il dercapodascassait pour tout le reste du vivant, sauf nous ?
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Cromlech est achevé depuis plusieurs années. Sa silhouette ne nous étonne plus. À sa base, les graines qu’on a semées forment de petits arbustes juteux, de sorte que l’esplanade n’a plus rien de ce dos de main chauve, aplati, poudreux, qui nous la rendait antipathique.
Cromlech s’élève sur l’îlot le plus austral, frappant de contre-jour au levant, dans la brillance nébuleuse. L’îlot est un caillou âpre. Autrefois, il était blanchi chaque saison par la fiente des oiseaux migrateurs. Curieusement, c’est le seul caillou de la baie à ne jamais avoir eu de nom. Aujourd’hui, il s’appelle simplement Cromlech. Si ce terme a une signification, je ne la connais pas.
Autour de Cromlech, pour adoucir la subite étrangeté minérale du monument, nous avons planté des fuchsias, des agapanthes, des hortensias, des lilas, des jonquilles, des artichauts, des anémones et du chèvrefeuille. Les oiseaux ne migrent plus, de sorte que nous ne sauront pas ce qu’ils auraient pensé de cette jungle. Peut-être les oiseaux sont-ils restés en Arctique ? Comment savoir ?
Nous sommes Kedgistel. Nous parlons au vivant et les oiseaux nous manquent.
Les pèlerinages ont commencé peu après l’édification de Cromlech. Nous ignorons si les bâtisseuses avaient prévu qu’il en irait ainsi. Nous ignorons presque tout des bâtisseuses, en particulier leurs desseins.
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Deux enfants sont assis à l’embranchement exact des pentes, sur la pierre tombée.
Aujourd’hui, ils ont décidé de s’appeler Zeb et Urzak. Zeb est occupée à ôter l’autocollant qu’elle s’est apposé il y a sept marées, pour s’épargner un bout de peau, à l’endroit où la chair tendue entre le pouce et l’index forme un trampoline. Triangle correspondant peu ou prou à la gueule du chien lorsqu’on projette l’ombre de sa main sur un mur.
« #4012 DULCIMIEL cœur d’agrume » est-il écrit sur l’autocollant.
Zeb et Urzak sont les enfants de la Crête. La ruine grise bayant derrière leur dos les indiffère. Elle a toujours été là, gueule cassée interrompue en pleine phrase. Produit éreinté de la Crête, ce que la Crête fait aux choses, ce que la Crête fait des gens : des bascules. Entre eux, ils se nomment les bascules, les tordues, les chavirés, les pendues, car si les séismes les élaguent et les mutilent, des bouts d’eux s’accrochent obstinément, comme les produits d’une pirouette bien exécutée. Chaque séisme, chaque grande marée, tous ces surgissements du sous-sol, sont une purge. Le coup de ciseau d’une sculpteuse qui serait un dentellier. Ce qui tendait déjà vers le vide, l’inutile, passe au vide pour de bon. Ce qui demeure est utile, beau, indestructible.
Les enfants de la Crête ne sont pas solubles dans la pente.
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des lutteurs de sumo affligés de pieds bots
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Hier, les bâtisseuses ne nous ont rien dit. Elles sont arrivées, elles ont fait Cromlech, elles sont parties. Aujourd’hui, les péleraines partagent nos repas – et souvent nos nuits – mais gardent pour auz la chanson de ce qu’als cherchent, de ce qu’als voient. Lorsque cette rétention m’agace, je vais aux pies. Elles, au moins, me parlent. Ou bien kilo’rtent à mes côtés.
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Dehors existent encore :
– le peuple des limaces,
– les mots sans visage, sans conscience, des publicités,
– la lamentable vérité de l’inégalité,
– les chiens.
Je regretterai les chiens.
Du toit de l’immeuble pendent des affiches. « La colonuit : le plus bel objet prédit par les mathématiques depuis le trou noir ».
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La distance, me dit la passeuse, est une sorte de fungus. Imaginez un puzzle incomplet, dont un tiers des pièces se serait égaré en brocante. Imaginez.
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un vigile Securitas conditionné en noir, façon armadillo primesautier
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Avant d’être tabassée par les sports d’hiver, la neige est un temps immaculée.
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