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sur 785 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La Veuve Aphrodissia est la septième nouvelle de ce recueil en contenant une dizaine. Marguerite Yourcenar s'est inspirée de fables, de contes ou de faits divers orientaux pour les retranscrire avec son propre style.

Le texte s'ouvre sur la mort de Kostis le rouge, un hors-la-loi ayant tué le pope d'un village De Grèce. Si les habitants se réjouissent de cette mort, la femme du Pope, elle, en est affectée – douloureusement affectée. Car Aphrodissia aimait en secret Kostis. Elle est obligée cependant de paraître respectable en mémoire de son époux. Et c'est bien là tout son dilemme. Car, finalement, elle est doublement veuve : administrativement (le Pope) et amoureusement (Kostis). La révolte de cette femme est accentuée par ce deuil qui n'en finit pas. En Grèce, comme dans l'Antiquité, les pleureuses doivent venir se lamenter devant le corps du défunt. Mais ici, il lui faut attendre trois jours et trois nuits, que l'on ramène le mort, avant d'entamer ce long travail sur soi. Et ce qui est fabuleux avec l'écriture de Yourcenar, c'est que l'on ne comprend pas de suite. Ce n'est que lorsque la veuve veut offrir à manger à ses « vengeurs » que l'on commence à apercevoir son ressenti : « (…) comme elle n'avait pu assaisonner de poison les tranches de pain et de fromage qu'elle leur avait présentées, il lui avait fallu se contenter d'y cracher à la dérobée, en souhaitant que la lune d'automne se lève sur leurs tombes. »

Certes, le sujet de l'amour adultère n'est pas nouveau. Mais l'auteur le transcende ici par la magie de son écriture. On entend presque le coeur de cette femme qui hurle. le Pope ne lui avait donné qu'une image sociétale. Elle n'était rien aux yeux de ceux qu'elle appelle « les paysans », avec tout le mépris qu'elle insuffle dans ces termes. Avec Kostis, elle était Femme. Et lorsqu'elle aperçoit sur le bras de cet être aimé que son prénom y est gravé, elle ne se maîtrise plus.

Yourcenar reconstitue ici une tragédie avec ce climat propre aux dérèglements passionnels. Aphrodissia est digne de Phèdre et d'Antigone. Elle laisse s'exprimer l'amour et l'exaspération. Cela ira jusqu'à la folie. Un texte magnifique à lire absolument !
Lien : https://promenadesculturelle..
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Entre contes et légendes, fables et mythes, les dix Nouvelles Orientales de Marguerite Yourcenar, perles sauvages d'une intense beauté, emportent leur lecteur, bercé par les eaux primitives ou balloté par les peurs ancestrales, au delà du réel pour mieux le diluer dans un inconscient collectif.
Fines touches picturales pour transmettre une autre perception de l'art à travers le récit de la vie du sage peintre chinois Wang-Fô, qui tel un magicien, suscite des émotions diverses allant de l'amitié fidèle de son disciple Ling à la cruauté de l'empereur "Dragon Céleste", et qui tel un dieu, accomplit des miracles pour donner naissance au réel à partir d'une image.
Emotions démesurées entre trahison, haine et horrible vengeance d'une bourrelle, contre lesquelles le mur du stoïque "héro serbe" Marko Kraliévitch force de la nature indomptable s'élève pour résister à tout. Et pourtant, quelques chapitres plus loin, ce même Marko trouvera son maître pour stopper sa propre violence.
Amour maternel infini de la femme emmurée continuant l'allaitement de son enfant. Mais "il y a mères et mères", n'est-ce pas?
Oubli impardonnable d'un vieux séducteur raffiné pour rappeler que l'amour ne se décline pas avec la même intensité.Et pourtant la douce et fidèle "Dame-du-village-qui-tombe" se devait d'être inoubliable!
Fantasmes tachés d'interdits, les Néréides nues, ces démones sensuelles font perdre parfois la tête au simple et au figuré.
Défenseur d'une pureté de l'âme, le moine Thérapion, exorciste bien intentionné vis à vis des "Maudites" n'outrepasse-t-il pas sa quête de bien en s'armant d'un crucifix et d'une truelle contre le pêché de chair.
Hypocrisie quand tu nous tiens! Cruel dilemme lorsque l'on est veuve d'un insipide époux assassiné par "Kostias le Rouge" et l'amante du meurtrier sanguinaire.
Le monde est imparfait. La déesse Kali, "Noire horrible et belle" courtisane en est la preuve vivante.
Ô Misère du monde! Pourquoi Dieu, au lieu de l'Univers ne s'est-il pas contenté de peindre de simples paysages? conclut Cornelius Berg le portraitiste devenu lucide au fil du temps.
Marguerite Yourcenar, femme de lettres française et américaine du XX° siècle, académicienne, poète, dramaturge, romancière, a toujours évoqué les problèmes du monde moderne à travers les mythes antiques.
Nouvelles Orientales, bien que d'un genre différent de ses autres écrits (car apparentées à des contes) sont pourtant d'actualité. Langage de l'Art pour dépasser le quotidien, stoïcisme face à la cruauté, abnégation, inégalité des sentiments, désir, fanatisme aveugle,hypocrisie, imperfections, rapport de forces, misère............le monde est un drôle de kaléidoscope vu à travers maux et mots.
Comment ne paspenser à Sept histoires qui reviennent de loin de Jean-Christophe Rufin, aux couleurs et parfums du monde, parfois fantastiques, qui portent le lecteur sur leurs ailes entre vie et mort et dont l'écriture limpide est empreinte de poésie?
Comment ne pas penser aux nouvelles de Jean-Marie-Gustave le Clézio: Histoires du pied et autres fantaisies, leçons de vie et voyages initiatiques?
Car Nouvelles Orientales, telles des Fables de la Fontaine, sont porteuse de morale, celle de "la voyageuse qui sait marcher dans le ciel"....celle de l'élévation, du dépassement de soi et du bien.
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Pour savourer cette lecture délectable (réédition datée de 1978), il convient tout d'abord de prendre connaissance du post-scriptum rédigé par l'auteur qui permet de mieux comprendre l'ossature de ce recueil, (première publication en 1938), de savoir qu'il a été remanié au fil du temps (corrections de style, réécriture de la chute d'une nouvelle, suppression d'une autre, nouveau titre …) de découvrir les matériaux qui ont servi à façonner ces textes : fables, apologues, légendes, contes, faits divers , superstitions, mythes, ballades captées au cours de ses nombreuses pérégrinations , rencontres avec les indigènes… mais aussi écriture imaginative personnelle.
L'orient exotique , mythique, sauvage, captivant que Marguerite Yourcenar nous donne à explorer par le biais de ses nouvelles est un vaste territoire qui s'étend, du sud de l'Europe Albanie, Balkans , en passant par la Grèce, voyage fait de va et vient qui se poursuit en Inde , en Chine, au Japon et se termine à Amsterdam en compagnie de Cornélius Berg qui lui aussi séjourna en Orient. Un long périple géographique et historique, dans le lointain passé, dans le présent aussi.
Toutes les caractéristiques de son style intemporel et la magie de sa plume se déclinent dans ces dix nouvelles : poésie, érudition, imagination, puissance...
C'est inutile d'en dire plus, il faut lire ces nouvelles orientales , elles offrent le dépaysement, elles font voyager sans bouger de son fauteuil et chacun sait que pour aller loin , il faut ménager sa monture !
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Un magnifique condensé de légendes, de superstition, d'allégorie…
Des Balkans, de la Grèce, du Japon, de la Chine, de la Hollande… des voyages de l'antiquité qui n'ont pas pris une ride.
C'est là tout le génie de cette écrivaine Marguerite Yourcenar.
Son écriture vogue et flotte aux rythmes de ces histoires. Souvent cruelles, les textes sont courts et très précis.
Mes préférées seront:
- Comment Wang-Fô fut sauvé ?
- le dernier amour du Prince Genghi.
- L'homme qui a aimé les Néréides.
- Notre Dame-Des-Hirondelles.
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Ce petit bouquin m'a enchanté. Il s'agit plus de contes que de nouvelles et l'Orient commence dans les Balkans, mais peu importe, l'ensemble est cohérent. L'écriture est précise, sobre et poétique. Marguerite Yourcenar nous dit au travers de ces textes inspirés de légendes ; la vanité, la cruauté et la folie des Hommes. Elle nous montre également qu'il (nous) faut trouver la Sagesse dans cette fatalité, mais aussi parfois, dans la fantaisie et le rêve. Merveilleux petit recueil donc.
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Amoureuse des mythes et fascinée par la culture gréco-latine en général, Marguerite Yourcenar ne s'est pas pour autant désintéressée de la culture orientale ; la preuve avec ce recueil particulièrement envoûtant.

Ce recueil comporte donc une dizaine de nouvelles d'inspiration orientale, lesquelles sont des fables et légendes que l'auteure a réécrites plus ou moins librement. Passionnée et passionnante, Yourcenar nous propose de nous plonger dans l'imaginaire des Balkans, de la Chine et même du Japon.

Tout cela sans aucune difficulté de lecture puisque le genre choisi, la nouvelle, n'est que peu compatible avec les mots superflus ou un style nébuleux. Par conséquent, ces petites histoires se lisent très facilement, tranquillement tout en demeurant d'une grande richesse.

La toute première nouvelle s'intitule « comment Wang-Fô fut sauvé », ce dernier étant un peintre chinois parcourant le pays sans presque aucun biens matériels, ce dont il se moque pour peu qu'il puisse exercer son art. Vu par les gens, il est tantôt considéré comme un sage, tantôt comme un sorcier. L'ambiguïté du personnage correspond alors à ambiguïté de son art, à la fois créateur et destructeur. Un jour, un empereur désire tuer le peintre qui, selon lui, est à l'origine de tous ses maux. Pourquoi ? En fait, il a vécu confiné, « éloigné de ses sujets futurs » avec à proximité de lui les oeuvres de Wang-Fô. Plus tard, l'empereur fait face à la réalité mais ne la trouve que fade et sans éclats... Il dit d'ailleurs devant l'artiste : « tu m'as fait croire que la mer ressemblait à la vaste nappe d'eau étalée sur tes toiles, si bleue qu'une pierre en y tombant ne peut se changer qu'en saphir… »
Il faut alors y voir le caractère nocif de l'art, qui est celui d'amener au dégoût de la réalité, terne en comparaison. La fin de cette nouvelle est également magistrale ; grâce à la peinture, Wang-Fô et son disciple sont immortalisés.

A mon sens, la deuxième nouvelle digne d'intérêt est « le dernier amour du prince Genghi », directement inspiré d'un des monuments de la littérature japonaise, le dit du Genji.

Cependant, toutes ces nouvelles ont leur valeur et permettent de nous éclairer, entre autres, sur les contradictions inhérentes à la condition humaine.
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Les nouvelles que j'ai eu la satisfaction d'écouter grâce à la voix de Christian Gonon sont parues en librairie en 1938. Je confirme le dithyrambe de l'Express Livres (2011) : "elles constituent un véritable joyau où la langue française semble s'enivrer de sa beauté et de son invention."

Dix nouvelles, dix contes qui sont, pour la plupart, des transcriptions de fables et légendes authentiques, plus ou moins librement développées par Marguerite Yourcenar. "Comment Wang-Fô fut sauvé" s'inspire d'un apologue taoïste de la vieille Chine, "Le sourire de Marko" et "Le lait de la Mort" proviennent de ballades balkaniques, "Kâli décapitée" dérive d'un inépuisable conte hindou, "L'homme qui a aimé les Néréides" et "La veuve Aphrodisia" viennent de faits-divers et légendes grecs, et "Notre-Dame des hirondelles" a été inspirée à l'auteur pour expliquer le nom d'une chapelle de la campagne attique. Enfin, "Le dernier amour du prince Genghi" invente audacieusement une fin à un grand texte littéraire japonais qui raconte les aventures d'un donjuan asiatique.


Par l'écriture de ces textes, Yourcenar affirme le « devoir de repenser » d'un écrivain et ceci sans aucune culpabilité. Quelques précisions de l'auteur : "Kâli décapitée" a été réécrite "afin d'y souligner davantage certaines vues métaphysiques". "La fin de Marko Kraliévitch", plus récente, composée en 1978, répond à vieux projet de Yourcenar ayant pour point de départ une ballade serbe qui évoque ce personnage populaire. "La tristesse de Cornelius Berg" n'a rien d'oriental, elle correspond à la fin d'un roman inachevé que Yourcenar a tenu à inclure dans la série pour la mettre en regard du grand peintre chinois Wang-Fô, perdu et sauvé à l'intérieur de son oeuvre (dans le premier récit).

Nimbées de la féerie des ballades anciennes et des chants oubliés, ces nouvelles s'opposent à l'époque contemporaine, celle de Yourcenar, la nôtre, avec la réalité quotidienne d'une société qui perd sens et symboles. Tradition artistique et création littéraire s'y unissent pour remettre l'homme à nu, devant la guerre, la politique, l'amour et la mort. On songe aux "Nouvelles asiatiques" de Gobineau dont elles sont le pendant, dixit Yourcenar. Ne manquez pas l'histoire du peintre Wang-Fô, si vous choisissez de n'en aborder qu'une.

Pour inaugurer les comptes-rendus de livres écoutés, quelques mots brefs sur ma perception du média.

1 Merci pour les yeux : les soucis de vue et d'éclairage sont esquivés. Il est permis d'écouter dans le noir.
2 La perte d'attention demande une manoeuvre sur le lecteur : il est important que ce dernier le permette aisément. Je note qu'il m'est plus facile de revenir quelques lignes en arrière sur une page que de rembobiner mon mp3 pour retrouver l'endroit de la glissade.
3 La voix de l'interprète doit être plaisante : il en est qui peuvent agacer, particulièrement parmi les livres audio gratuits. Un petit défaut d'élocution devient insupportable au bout d'un quart d'heure. Il n'y a pas que des Dussolier ou des Gonon parmi les lecteurs.
4 Avis très personnel : je préfère disposer du texte imprimé (ou électronique) afin d'y revenir après l'écoute ou pour la précéder. La seconde façon me convient pour écouter des passages de Proust par exemple.La lecture audio méritera un billet plus complet après une pratique plus longue, plus fréquente.
5 Durée d'écoute: quinze minutes pour dix pages de texte, en moyenne.
Un site payant: Audiolib. Deux sites libres : Littérature audio et Audiocité.


Lien : http://www.christianwery.be/..
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Un moment de lecture très poétique. Dans ce livre, M.Yourcenar a développé un style que j'ai trouvé quasi mélodique. Les nouvelles orientales vous envoient dans les Balkans, en Grèce, en Inde, en Chine...une vraie bouffée d'évasion. Les histoires racontées sont belles, cruelles par moments.
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J'ai entamé les Nouvelles Orientales de Marguerite Yourcenar un soir de la semaine dernière, quand je me suis mis à éprouver le pressant besoin d'avoir affaire à un peu de beauté, et que je savais l'y trouver là.
Je ne me suis pas trompé. Dans le récit qui ouvre le recueil, Comment Wang-Fô fut sauvé, pas une phrase qui ne soit pas éblouissante ! Quelle poésie ! Poésie néanmoins qui se perd je trouve dans les dernières histoires...
Au long de notre lecture, on se rend en Chine, au Japon, en Inde, dans les Balkans... Yourcenar s'inspire et reprend diverses légendes et fables locales. Sa plume m'impressionne beaucoup.
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Ne connaissant pas Marguerite Yourcenar, je me suis lancée dans un petit ouvrage pour "toucher du doigt" cette auteur.

Les nouvelles ont cette avantage de faire voyage pendant un court instant et ne nous laisse entrevoir qu'une bribe du monde dans lequel l'auteur nous entraîne.
C'est à la fois rafraichissant mais frustrant.
Pour autant, j'ai aimé ce voyage oriental qui s'est trouvé être plus balkanique qu'extrême oriental.
Mélangeant de la fiction et des contes, j'ai beaucoup apprécié les petits voyages dans d'autres pays que nous propose l'auteure.

Une belle lecture qui me permet de dire que je tenterai ses romans.
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