Dans un futur proche, Scott se dispute avec sa femme. le jeune homme est un américain expatrié vivant en Thaïlande, un peu à la dérive, profitant de la vie au jour le jour, sans avoir complètement assumé son statut de père de famille.
Cette dispute matrimoniale est la dernière d'une série mettant son couple à l'épreuve. C'est d'ailleurs la dernière du genre car ayant décidé de se prendre une nuit sabbatique, il ne reverra pas de sitôt sa petite famille. En effet, a proximité de Chumphon un objet immense est apparu. Soudainement. Il se rend sur place en compagnie de leur voisin pour découvrir les proportions énormes du monument. D'une centaine de mètre de haut, érigé dans une matière inconnue, un peu comme du verre foncé ou une pierre magnifiquement polie, ce monolithe en impose.
Le texte est rédigé en Thaï et en anglais, porte la mention « Kuin » et une date future. Dans 20 ans et 3 mois, exactement.
RC Wilson maîtrise ses personnages comme peu d'auteurs. le cocon familial et le parcours personnel de ceux-ci sont systématiquement fouillés et charpentés avec soin. J'avais déjà apprécié cette qualité lors de la lecture de
Blind Lake. L'humanité et la vraisemblance qui se dégageaient alors m'avaient séduite, compensant largement une trame intéressante mais finalement pas aussi explosive qu'attendue. Dans
Les Chronolithes, ils sont aussi réussis, que ce soit Scott, Sue, ou Ash. Loin d'être des héros, ou des acteurs directs des événements, il s'agit simplement de personnes lambda présentes au moment clé. du coup, cette exploration des personnes ancre ce récit de SF dans notre réalité, et renforce son impact.
D'autant plus que l'humanité est déjà familiarisée avec des chronolithes. Ces monuments aux proportions gigantesques, témoignages de puissance, démontrant l'ambition de s'affranchir à l'emprise du temps et de l'oubli existent depuis des millénaires. Nous avons les pyramides d'Egypte ou celles des mayas, les temples d'Angkor (à moindre échelle), nous avions aussi un Bouddha gigantesque,…
L'impact des pierres de Kuin est en sus dévastateur. C'est l'effet feedback, ou le retour d'amplification. L'idée m'a énormément séduite car l'angoisse s'installe peu à peu dans le roman, et quand de grandes villes « accueillent » leur géant de pierre, le symbole est d'autant plus frappant que l'humanité se trouve désarmée face au futur. Angoisse et désarroi sont au diapason, les marchés s'effondrent, les économies se fragilisent. l'homme n'a que des pieds d'argile, incapable de lutter et de donner un coup de tatane aux fesses à la prochaine génération, celle de dans 20 ans et 3 mois.
Le roman alterne donc avec un aspect intimiste, avec ce journal tenu par Scott à la première personne, le thriller scientifique et les prémices d'une dystopie annoncée.
Les Chronolithes offre un thriller scientifique condensé, prenant et angoissant dans un univers se vouant peu à peu à la paranoïa et au repli. Les événements sont vécus à travers les yeux de Scott, donnant à l'ensemble un relief intimiste, attachant et angoissant. Un beau roman de SF comme je les aime avec du coeur, des tripes et des neurones.
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