Citations sur La Faille (120)
Ce qui m'a décidé à sauter le pas est la découverte, un jour, au gré de mes recherches, de ces cas de femmes enceintes déclarées en mort cérébrale, mais qu'on pouvait néanmoins faire accoucher.
Je ne comprenais pas : comment un bébé pouvait-il continuer à grandir dans le ventre d'une femme décédée ? Comment pouvait-il naître d'une mère qui n'était plus là pour l'accueillir ? Cela défiait à la fois mon imaginaire de romancier et l'image même que je me faisais de la mort.
J’ai alors lu les histoires de ces tragiques destins avec sidération, et me suis mis à évoluer sur l'incroyable frontière entre le monde des défunts et celui des vivants, avec ces questions centrales qui sont au cœur du livre : où se situe le point de non-retour ?
Il s'arrêta net, haletant et couvert de boue. Lucie se releva d'un coup.
— Tu te couches face contre sol ! Et sans discuter !
L'homme obtempéra. La flic lui écrasa un genou dans le dos et lui passa les menottes. Une fois qu'il fut maîtrisé, elle donna un grand coup de crosse sur sa tempe.
— Et maintenant, je vais te citer tes droits, connard !
Les mots sont importants, je vous l’ai déjà dit. Surtout à une époque où rien ne s’efface. Un mot de travers peut ruiner votre vie. Plus de mea culpa possible. On adule ou on guillotine en quelques jours seulement.
— Ils pourraient... débrancher Audra malgré la présence du fœtus ? C'est légal de faire une chose pareille ?
— J'ai demandé. La loi dit que le fœtus n'est pas un sujet de droit. Il n'est pas assimilé à un être humain. S'il fallait lui donner un statut, ce serait l'équivalent d'un rein greffé, dixit le médecin.
— Un rein greffé ? C'est à vomir.
— C'est la réalité.. . Le fœtus fait partie du corps de la mère, au même titre qu'un organe qu'on aurait introduit en elle. S'ils arrêtent les machines, il y aura mort foetale in utero. Ce n'est même pas un fœticide sur le plan juridique puisqu'il n'y a pas d'action directe sur le fœtus. Le corps médical serait donc parfaitement couvert.
Sur ces mots, il se tut et attrapa son verre. Lucie le lui prit des mains. Après une journée pareille, c'était elle qui en avait besoin. Un fœtus comparé à un simple rein... Jamais elle n'avait entendu une telle aberration. Ils burent, chacun leur tour, de longues gorgées silencieuses.
Le commandant la remercia et disparut dans les rayonnages. Couvertures précieuses, cuir relié, ornements d’or… Il se sentait toujours humble quand il marchait au milieu des livres, de cette masse incroyable connaissances produite par le cerveau humain. C’était fascinant… et vertigineux.
Sharko jeta un coup d’œil au message. Des dizaines de repost, des like et des commentaires à tout-va, la plupart du temps agressifs. Il détestait cette époque où chacun éprouvait le besoin de tout balancer au tribunal des réseaux et s’insurgeait ensuite du retour de flammes.
Les mots sont importants, je vous l’ai déjà dit. Surtout à une époque où rien ne s’efface. Un mot de travers peut ruiner votre vie. Plus de débat. Plus de mea culpa possible. On adule ou on guillotine en quelques jours seulement.
Un requin retombe toujours sur ses pattes.
- Emma m'a fait part d'une très belle image pour représenter ses convictions, une image qui m'est restée en tête et que j'aime partager, depuis, avec les oreilles attentives...
- Je vous écoute, mon père.
- Elle racontait que les forces du vent se matérialisent sur l'eau sous forme d'ondes, mais qu'elles ne dépendent pas de l'eau pour exister. C'est juste que, sans la surface liquide, on ne les voit pas. Selon elle, c'est la même chose pour l'âme : le cerveau lui permet de s'exprimer, mais quand le cerveau n'est plus, l'âme est toujours là, pareille au vent. et elle attend son jugement. L'enfer, le paradis, vous voyez...
L'église abbatiale le frappa en premier, monumentale, si puissamment ancrée au sol qu'elle donnait l'impression d'être un élément minéral né aux origines du monde. Même s'il était subjugué, Sharko ne croyait plus en Dieu. Ses convictions s'étaient envolées des années plus tôt, quand les filles de Lucie avaient été enlevé et retrouvées mortes, assassinées par le pire des monstres. (...) Mais quel dieu pouvait arracher de tels êtres innocents à leur mère ? Quel dieu allait cueillir aujourd'hui une femme enceinte qui avait passé une partie de sa trop courte vie à tenter d'endiguer la violence ? Sharko voyait trop de crasse, chaque jour, pour entrer dans une église et réciter des prières. Si Dieu existait, alors il manquait de temps pour veiller sur toutes les âmes.