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Pas de Littérature "- le 17 avril 2022
Un immense Merci à Babelio , à une Masse critique privilégiée ainsi qu'aux
Editions Gallimard… pour cette lecture légère et facétieuse !
Une pause bienvenue de dérision et de fantaisie, après un certain nombre de lectures passionnantes mais éprouvantes !...
Avril 1950… Gringoire Centon gagne péniblement sa vie comme traducteur de policiers américains pour la Série Noire. Ce “Gringoire”, il faut le dire est un bien piètre traducteur , pour ne pas dire un véritable “glandeur”, véléitaire à souhait; heureusement, son épouse le sauve en l'aidant énergiquement dans ses traductions et dans les corrections, pour rendre sa "copie" dans les temps.
Lui, rêve indéfiniment au Livre qu'il voudrait écrire; en attendant je ne sais quoi..., il lui faut trouver un moyen de se distinguer dans ses modestes travaux de traducteur, en truffant exagérément ses “translations”, d'argot… qu'il va enrichir dans des bistrots glauques, pour " faire plus vrai"... !
S'ensuivent évidemment des aventures et mésaventures, dont les principales sont occasionnées par “un détective” aussi amateur et “glandeur” que lui, dans son domaine !
Une sorte de comédie déjantée, pétrie d'humour, de dérision, de “pieds de nez”, de loufoqueries … autant sur la société française d'après-guerre, que sur l'Eldorado que représente l'Amérique pour les français, que sur le métier ingrat de traducteur, que sur les mirages véhiculés par la Littérature…Une flopée de thématiques abordées !
Dans cette véritable sarabande, allant dans tous les sens, nous croisons un grand nombre d'individus louches, interlopes, fictifs que de personnages véritables; en tout premier, Duhamel, le créateur de cette célébrissime Série Noire de Gallimard, et patron de notre médiocre traducteur, avec les coulisses de la “Rue Sébastie Bottin”!...Sans oublier,
Jean Meckert,
Boris Vian, que notre auteur égratigne en passant…
La passion de Grégoire pour l'Argot nous vaut quelques pages savoureux sur
François Villon…
En arrière-fond, nous “relisons” l'actualité très mouvementée de cette période d'après-guerre, où il faut reconstruire, et fermer les yeux sur certains comportements détestables des années de conflit avec l'Allemagne , collaboration, résistants de la dernière heure, repentances plus ou moins sincères,prolifération de voyous en tous genres, etc.
Avec cet ouvrage, je découvrais pour la toute première fois Sébastie Rutés, au parcours fort riche… ainsi que très habité par le genre policier, l'argot… la traduction…le monde de l'édition, et la Littérature dans son ensemble...
Un texte, à plus d'un titre, qui offre de nombreuses réflexions sur le Monde de la Littérature, des éditeurs, de l'Ecriture comme des subtilités du rôle du Traducteur…mais aussi sur tous les flottements existant dans un pays, après une guerre mondiale, et des profondes fractures au sein de l'état de ce même pays !
Un bémol, cependant, qui ne concerne que mes attirances toutes personnelles : il y a “surenchère” dans les “délires argotiques”...dans la dérision; comme si l'auteur , en voulant “amuser son public”, en rajoutait trop !!
En dépit de l'ensemble qui reste réjouissant, j'ai senti monter comme une sorte de lassitude et de décrochage...vis à vis des rebondissements aussi rocambolesques que surabondants, à mon sens ?!.
Je n'étais visiblement pas “le bon public”…; Ce qui m'a le plus intéressé ce sont les multiples digressions pleines de dérision, d'humour noir ou de lucidité... sur les livres, les bibliothèques particulières, sur le réel et la fiction, sur le genre du “Polar”,sur le dur métier très fantasmé d'écrivain, etc.
Pour conclure cette chronique "mitigée", j'ai choisi un extrait amusant mettant en parallèle le "Polar"... et ce que toute bibliothèque peut révéler d'intime:
"-Pourquoi m'avoir menti ?
-Il faut toujours mentir sur ses lectures.Les lectures c'est comme des aveux signés. Pas besoin d'interrogatoire,c'est le sérum de vérité. Rien ne vous trahit autant qu'un livre.Alors,si on lit peu,il faut faire croire qu'on lit beaucoup,pour que l'adversaire vous surestime. Si on lit beaucoup, c'est le contraire, pour qu'il vous sous-estime. (...)Il faut garder dans sa bibliothèque des livres qu'on ne lira jamais et brûler ceux qu'on aime,pour tromper l'ennemi."(p.229)