_ L'homme est capable de faire ce qu'il est incapable d'imaginer.
_
René Char.
Les hommes normaux ne savent pas que tout est possible.
Même si les témoignages forcent leur intelligence à admettre, leurs muscles ne croient pas. Les concentrationnaires savent. le combattant qui a été des mois durant dans la zone de feu a fait connaissance de la mort. La mort habitait parmi les concentrationnaires toutes les heures de leur existence. Elle leur a montré tous ses visages. Ils ont touché tous ses dépouillements. Ils ont vécu l'inquiétude comme une obsession partout présente. Ils ont su l'humiliation des coups, la faiblesse du corps sous le fouet. Ils ont jugé les ravages de la faim. Ils ont cheminé des années durant dans le fantastique décor de toutes les dignités ruinées.
Ils sont séparés des autres par une expérience impossible à transmettre.
_
David Rousset.
Puisque impossible à transmettre,
David Rousset, lui qui a été déporté et connu plusieurs camps, va de l'intérieur analyser cette machine concentrationnaire pour nous en témoigner toute l'horreur, tenter de comprendre... l'incompréhensible, son fonctionnement, son pourquoi.
Décrypter cette organisation diaboliquement pensé, ses fonctionnements multiples selon les différents types de camps ; la rentabilité que l'extermination génère, la hiérarchie intérieure, les postes convoités et donc les avantages qu'ils procurent aux prisonniers (une clef essentielle au bon fonctionnement d'un camp). Puis la peur, la terreur instaurée à tous (prisonniers, peuple Allemand, ennemis politiques du Reich, pays voisins...)
_" Les camps n'étaient pas un secret bien gardé, ils étaient connus de tous, et chacun pouvait, devait craindre d'y être envoyé a tout moment. Ils étaient l'endroit idéal où expédier des millions d'hommes et de femmes, pour terroriser les restants".
L'ombre de la mort omniprésente, comme une promesse ; les matraques qui tombent régulièrement sur les corps mous, les bottes qui cognent, les chiens qui grognent, les jeux sadiques, les tortures à vous rendre fou, à vous retourner le cerveau, à faire de chaque victime un potentiel bourreau.
Sans oublier cette odeur infecte, celle de la sueur, de la mort, de la merde. le froid bien sûr, pluie, neige, vêtements mouillés ; et cette faim qui creuse les corps, les âmes, poussant certains par instinct de survie, à des pratiques extrêmes.
Les camps sont eux aussi passés au crible...de travail, de représailles, d'extermination ou même dit de"sport"... puis toute cette bureaucratie, complexe, ordonnée, pierre fondamentale à la bonne marche du plan nazi.
Un essai/docu Capital, un témoignage au combien précieux, enfin un avertissement, un rappel nécessaire à prendre en ces jours pour le moins "troubles", avec la plus grande attention...
_C'est toujours un grand mystère, un secret pesant
Tout ce que l'homme peut faire, tout l'acharnement
Pour éliminer ses frères, radical et sanguinaire
Il a besoin de tout son talent.
_B. Lavilliers.
(comme pour la poésie, j'ai décidé de ne pas le noter).