Citations sur Scénarios urbains (11)
Pensé pour les annales
L’incident ou du moins ses conséquences ?
Des vagues d’humidité,
Air dense comme de serre, au-dessus
de l’ostentation des gestes amples.
Ceci est le cadre,
il permet l’action
sans la rendre nécessaire
Il déclenche l’atmosphère
sans la figer, sans l’imposer, non
Le conflit, ses conséquences ?
Une forme de timidité, de maladresse morne
qui persiste dans les pleurs transparents
Mais pleurer n’est pas réel,
il est pensé pour les annales, Bas Jan,
ou s’il est réel, trop ostentatoire.
S’il est ostentatoire, il n’est pas pour autant timide,
pas même pour l’amour du paradoxe,
c’est par orgueil et lutte.
Même ainsi, lui non plus il ne décide pas
de l’atmosphère
Il la pressent seulement, la hume
Et, eh bien !
Même ce reniflement n’est pas à toi.
(L’événement, ses conséquences ?)
Il semble seulement te prévenir, Bas Jan,
de te frayer un chemin dans l’air dense,
dans ta propre disparition.
Les annales tout aussi immatérielles, éphémères
Elles n’enregistrent point ta disparition
Ne la figent pas, non
Ne l’encadrent pas, dans l’orgueil et la lutte.
Ton absence — nous la laissons perler sur
l’ostentation des gestes amples.
(p. 57)
Il ya des jours fades de vacances
quand je m'assoupis sur le béton glissant au bord
de la piscine,
avant mon réveil, l'eau s'est entièrement écoulée,
un cygne en caoutchouc est coincé dans le siphon,
il a mes yeux
ni la pureté, ni le complexe de diva ne le préoccupent,
ne le hantent.
Les yeux avec lesquels il me fixe ont la perfection
des polymères,
dépourvus d'expression, exhalant le pétrole.
Sa présence m'encourage à faire un saut
Ce serait un geste éloquent,
bien qu'improbable.
Avec lui dans mes bras, je me plonge dans le mélodrame
comme dans des lupanars de cynisme et de paresse.
Je sais grâce à McEwan (et même grâce à Netflix) que
les petits mélodrames demandent à être construits avec
précision
tels que les grands crimes.
On peut reconnaître ici
un style difficile à maîtriser,
un scénario où le geste ne t'appartient plus,
tu es condamné à courir immobile,
à t'enliser suivi d'un
saut en arrière jusqu'en 1909
au manifeste futuriste
qui tue le clair de lune,
le premier fantôme, le premier rêve étrange
l'éclat, la candeur, le désir de la lune
et tout le reste.
Advient tout ce que tu voulais qu'advienne,
tout ce qui était prévu. Y compris l'inattendu
également préemballé.
Garde ton rang
Quand advient le grand événement
Tu sais bien que ce n’est pas toi qu’il cherche
Non, pas la première personne
Non, pas l’exaltation sur des échasses
Non, pas le destin, non
Il cherche ton acceptation
Et l’absence
de la troisième personne, celle qui sonne faux
et la disponibilité jusqu’à la nausée
Si le grand événement vient
Reste en rang, ne lève pas les yeux,
Ne laisse rien t’échapper
Rassemble, serre le poing
Souffle en vue de l’évaporation
Eteins,
descends.
Et je ris
Ici l'état de la matière
et l'état de l'émotion
se superposent.
Et quoi qu'il en soit
qu'on sache qu'aujourd'hui
j'ai brièvement passé la tête à travers la fenêtre
et je ris à la vue des voisins
Bienfaisance
Nous entrons dans l'imposant bloc des années 80
Il est construit pour les travailleurs de l'usine d'outillage lourd
Cette information digne de tout respect nous est répétée
Et regarde, ici on peut nous aussi profiter d'un brin de respect
Ou de mépris, qui est aussi une forme de respect.
Nous sommes accueillis de temps en temps
par une assemblée de citoyens
avec des "standing ovations".
C'est le scénario, je me dis, laisse tomber,
le moment viendra aussi pour la moquerie
les querelles rituelles, la gymnastique d'entretien
le sexe tôt le matin
une avalanche de générosité
un gros câlin
assez pour fixer fermement les murs en béton.
Les dépressions du dimanche se transforment soudainement
en un optimisme collectif.
Nous reconnaissons cette forme de bienfaisance
Nous sommes éternellement redevables
envers qui prend soin de nous
Du plaisir gratuit, on en distribue ici
[...]
P. 25
(...) Pendant quelques secondes, Tori
n'est plus l'arrière- grand-mère de personne
elle n'est plus la mère de personne
elle n'a été l'objet sexuel d'aucun mari honorable
Elle se tient sur la pointe des pieds
Si légère, qu'elle tient dans les mains
Dans le miroir
Veturia danse
Nous entrons dans l'imposant bloc des années 80
Il est construit pour les travailleurs de l'usine d'outillage lourd
Cette information digne de tout respect nous est répétée
Et regarde, ici on peut nous aussi profiter d'un brin de respect
Ou de mépris, qui est aussi une forme de respect.
Nous sommes accueillis de temps en temps
par une assemblée de citoyens
avec des standing ovations.
C'est le scénario, je me dis, laisse tomber,
le moment viendra aussi pour la moquerie
les querelles rituelles, la gymnastique d'entretien
le sexe tôt le matin
une avalanche de générosité
un gros câlin
assez pour fixer fermement les murs en béton.
Les dépressions du dimanche se transforment soudainement
en un optimisme collectif.
Nous reconnaissons cette forme de bienfaisance
Nous sommes éternellement redevables
envers qui prend soin de nous
Du plaisir gratuit, on en distribue ici
La pièce est lumineuse de chez lumineuse
Ses murs s'éloignent soudainement
au toucher à la respiration
jusqu'à ce que nous soyons étourdis pour de bon
jusqu'à ce que nous remarquions à peine les panneaux
clandestins.
On guette dans la soupe le rétrécissement de la
patte de poule
Elle arrive aussi la moquerie, je me dis, arrive
le moment où nous sortirons d'ici
les yeux baissés.
Nous y voilà, toujours là. Scintillant de manière suspecte.
Et jure-moi, maintenant, que tout scintillement
tout souvenir de la brillance
n'est finalement pas à vendre.
(P19)