Berthe Wild est née en 1893 dans une famille de la bourgeoisie protestante à Marseille et tout le monde l'appelait Berty. Elle aurait pu mener une vie tranquille mais elle est devenue une féministe puis l'une des deux femmes résistantes inhumées au Mont Valérien au cours d'une émouvante cérémonie. Que s'est il passé ? Sa fille Mireille décrit
Berty Albrecht ainsi « Ma mère mesurait un mètre cinquante, mais elle avait un regard qui vissait les gens au sol. Sa volonté était extraordinaire »
Dès son plus jeune âge, on devine son caractère bouillonnant, exigeant et entêté. Elle passe un diplôme d'infirmière pour soulager les souffrances, ce qui sera l'un des grands combats de sa vie, puis épouse contre l'avis de ses parents, Frédéric Albrecht. Ils auront deux enfants, Freddy et Mireille et habitent bientôt Londres où son mari est banquier. Mais bien vite, elle se lasse de cette vie confortable, trop terne à son goût.
Elle est élevée par des parents pieux mais elle adhère en 1927 à la Ligue mondiale pour la réforme sexuelle et crée en 1933 une revue le problème sexuel pour défendre ses idées en la finançant sur ses propres deniers. Tout en continuant à vivre fastueusement, elle se sépare de son mari pour revenir vivre en France, fréquente des communistes au grand dam de son époux.
Elle va jusqu'au bout de ses idées en suivant une formation pour devenir surintendante d'usine, désormais prête à s'assumer financièrement et à baisser considérablement son train de vie.
En 1935, elle rencontre
Henri Frenay qui deviendra l'homme de sa vie. Il est catholique et a onze ans de plus qu'elle mais ils vont ensemble militer contre le nazisme puis durant la seconde guerre mondiale organiser un réseau de résistance, "Combat".
Dominique Missika, dans cette biographie passionnante et richement documentée, met en lumière le rôle capital de
Berty Albrecht dans la formation politique d'
Henri Frenay. Non, elle ne fut pas une simple secrétaire de son amant mais l'un des cerveaux politiques du réseau et elle a pris des risques considérables jusqu'à sa fin tragique en 1943 à la prison de Fresnes, pauvre, amaigrie mais maitresse de son destin jusqu'au bout.
Ce qui est assez fascinant, c'est la modernité et le courage dont elle a toujours fait preuve, sans jamais renoncer à ses idées et ses principes, même au prix de durs sacrifices. Malgré les souffrances de la guerre, les dangers encourus et les difficultés financières, elle est restée jusqu'à la fin de sa vie une femme élégante, une mère attentive et particulièrement exigeante, une amoureuse, une résistante.
Dominique Missika résume avec subtilité cette femme complexe. « En définitive, son parcours est unique et contradictoire : Marseillaise et cosmopolite, bourgeoise et révolutionnaire, soumise et libérée, affranchie et prisonnière de son éducation, libre penseuse et protestante, épouse et maîtresse, mère de famille attentive et sévère, elle a tout au long de sa vie, essayé de tout concilier. Exigeante avec elle-même, elle s'est montrée intraitable avec son entourage, parfois injuste. Berty a nourri des désirs très différents et cherché des horizons lointains : ce fut une femme enthousiaste, fière de ses enfants, ardente militante, curieuse du monde, entourée d'amis indéfectibles et ayant accompli de grandes choses. »
N'oublions pas cette femme admirable, il faut lire cette excellente biographie.