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EAN : 9791025205952
260 pages
LES PEREGRINES (06/10/2023)
4.19/5   51 notes
Résumé :
Qui a tué la gourmandise féminine ?

On lie souvent les troubles alimentaires féminins à l’intensification du diktat de la minceur dans les années 1970, mais ce phénomène, encouragé par l’industrie capitaliste, est bien plus ancien. Du mythe d’Ève, soumise à perpétuité au désir masculin pour avoir goûté au fruit défendu, à l’émergence des premiers restaurants – réservés aux hommes –, en passant par leur exclusion de la gastronomie, les femmes semblent ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Impossible d'ignorer les injonctions culturelles et médiatiques à la minceur qui sont adressées, plus ou moins subtilement, aux femmes. Être mince, c'est être belle : donc, manger, c'est le risque de ne pas/plus être belle. C'est donc un besoin vital, une nécessité absolue qui sont diabolisés. « Les hommes n'ont pas besoin, par nature, d'aliments plus énergétiques que les femmes, si ce n'est pour entretenir leur domination sociale et politique. Les femmes, en revanche, payent très cher – dans certains cas, de leur vie – les conséquences de cette répartition inégalitaire. » (p/ 217) À suivre la démonstration de l'autrice, on comprend que l'obsession névrosée pour le poids des femmes n'est pas récente : depuis toujours, on leur impose la minceur tout en exigeant des courbes bien placées qui leur rappellent qu'elles ont des fonctions nourricières à remplir.

De l'appétit alimentaire à l'appétit sexuel, le pas est simple à franchir. La femme qui mange trop est forcément débauchée et tentatrice. « Ève se retrouve non seulement accusée d'avoir commis le péché de gourmandise, mais aussi celui de l'incarner en devenant elle-même aussi dangereuse et appétissante qu'un fruit défendu. » (p. 65) Il appartient donc aux hommes, malheureuses victimes (non) des comportements féminins déviants et immoraux, de corriger les gourmandes.

En contrôlant l'appétit, voire la satiété des femmes, la société patriarcale (oui, disons les termes !) contrôle les forces de ces dernières et les tient bien sages. « Priver les femmes […] de nourriture est la façon la plus radicale de les isoler, d'amoindrir leur parole et d'invalider leur combat. Partager le pain de la sororité et le plaisir de manger apparaît alors comme un point de départ crucial pour s'émanciper. » (p. 17 & 18) Ce qui est terrible, c'est que les femmes se sont approprié ces restrictions : l'autocontrôle intégré facilite grandement la coercition des hommes !

La grande cuisine et la gastronomie ne seraient pas des affaires de femmes, si l'on en croit ces messieurs : il ne faut pas confondre la popotte domestique et l'art culinaire. On dénie donc aux femmes le talent de créer des plats fabuleux et l'intelligence d'être gastronome et on se moque de leur ambition d'être aussi qualifiée qu'un homme sur le sujet. « Il y a donc un effort supplémentaire à fournir pour ne pas être sexualisée ni traitée d'idiote. » (p. 143) Heureusement, les lignes bougent : les femmes s'emparent de tous les sujets, et gare à celleux qui voudraient les empêcher !

Nourri de références littéraires, universitaires, cinématographiques et télévisuelles, l'essai de Lauren Malka fait la part belle aux entretiens et aux confidences de femmes. L'autrice elle-même parle de son rapport à la nourriture. S'il semble indispensable de réfléchir à l'acte de manger ou de ne pas manger, il est tout autant indispensable d'écouter ce que racontent celles qui souffrent de troubles du comportement alimentaire. Chacune doit s'approprier son récit alimentaire et accueillir celui de ses soeurs attablées ou désattablées. « Le féminisme est un voyage qui, comme tous les autres, commence par la question : qu'y a-t-il à manger ? » (p. 14)

J'ai depuis longtemps un rapport tendu avec mon corps. Adolescente obèse, le corps débordant de bourrelets et le souffle court au moindre effort, je suis devenue une femme adulte perpétuellement complexée. Certes, je ne suis plus obèse et mon cardio va très bien, merci le sport. Mais mon image dans le miroir est un tableau d'horreur pour mes yeux. Je suis gourmande, irrémédiablement, mais je mange équilibré, surtout depuis que je suis devenue végétarienne. Pour autant, je culpabilise à chaque bouffée, à chaque gourmandise, à chaque pensée alimentaire. de nombreuses pages du texte de Lauren Malka m'ont émue au coeur parce qu'elles parlent de moi et me renvoient à mes fêlures. Cet ouvrage intelligent et sensible rejoint sans faillir mon étagère de livres féministes.
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Ceci est un récit-enquête incarné écrit ou une journaliste. Ce n'est pas un essai. Même si de nombreuses sources sont indiquées, cela reste donc un temoignage  / plaidoyé. Une fois ceci dit, il n'en reste pas moins que ce livre pose des questions intéressantes.

La première partie évoque la façon dont les enfants ont été et sont éduqués face à la gourmandise/ alimentation. Cette éducation est très differente pour les garçons et les filles. Pour les filles, la gourmandise est associée à la sexualité. Dans le passé, les hommes ont eu peur de la puissance supposée des femmes dans la cuisine (empoisonnement, sorcellerie, ...)
Bref la nourriture comme élément de contrôle.

Dans la seconde partie, il est question de l'exclusion des femmes de la gastronomie hier et aujourd'hui  pour les reléguer à la cuisine quotidienne même si la situation évolue petit à petit mais cela reste très, très lent.

Enfin dans la dernière partie, la plus intéressante selon moi, il est question des Troubles du Comportements Alimentaires mais pas que...

On apprend que la différence de taille entre les hommes et les femmes viendrait en partie du fait que les protéines étaient réservées aux garçons. Differents travaux scientifiques ont démontré cette causalité.

Il est ensuite question de grossophobie.

Un chapitre sur le backlash  / retour de bâton suite à l'émancipation féminine du 20eme siècle m'a particulièrement intéressée. Ou comment les femmes en choisissant de ne plus être "matrones" vont vouloir reconquérir leurs corps...

Mais les magazines, l'industrie agro-alimentaire, de l'amincissement, du fitness vont pousser les femmes vers cette obligation d'être mince en créant le problème de la graisse féminine, il faut créer un "corset musculaire" en lieu et place du corset des siècles passés.

Les TAC sont de plus en plus communs et touchent principalement les jeunes filles (1 homme pour 8 femmes). Cela serait la maladie mentale avec le plus fort taux de suicide...

Un livre qui permet de prendre conscience de l'influence du passé et de l'ampleur des progrès à faire.
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Le titre et la photo de la couverture m'ont fait de l'oeil et j'ai trouvé le sujet plus qu'intéressant, la relation du sexe féminin avec la nourriture est très particulière un peu comme avec le sujet de l'âge.

En effet la ou un homme sera considérer comme gourmand ou épicurien il n'en est pas de même pour les femmes à qui l'on recommande sans cesse de faire attention au sujet du poids et ce dès le plus jeune âge. Un peu comme le fait attention (à comment on s'habille, à l'heure à laquelle on sort, etc....).

Je n'avais jamais trop fait attention à cela mais quand j'ai lu ce récit cela m'a sauté aux yeux, il est également question des troubles de l'alimentation qui sont encore une fois plus présent du côté féminin que du côté masculin, que ce soit pour la boulimie ou l'anorexique ou d'autres maladies de ce type.

Un récit bourré de différentes sources que l'on trouve en bas de pages ou à la fin de ce livre.

Une lecture très instructive.
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Parmi les paradoxes les plus étranges du patriarcat, on trouve en haut du classement l'injonction faite aux femmes de ne pas manger (parce qu'on te demande d'être jolie, pas d'être grosse... les deux n'étant visiblement pas compatibles) tout en restant aux fourneaux. de rester aux fourneaux, oui, mais pour faire une cuisine de ménagère (il ne faudrait quand même pas se piquer de créativité). Et d'être la gentille ménagère qui picorera trois graines et finira par piquer une frite dans l'assiette de son voisin, mais pas plus, ohlala c'est si gras.
Si vous avez l'audace, mesdames, d'aller chez le boucher pour demander de l'onglet pour vous seule... sachez que le bûcher n'est pas loin... sorcière, va ! Ne manquerait plus que vous y ajoutiez une sauce au roquefort (ohlalala c'est si gras).
Si c'est la sauce au chocolat qui coule sur votre doigt que vous léchez, sachez que c'est forcement suggestif, vous êtes une gourmande, et c'est un péché (le bûcher est à deux rues juste après le calvaire). Non, vraiment, être une femme c'est sympa. Même un acte aussi essentiel que celui de se nourrir est soumis à la question. Vous serez jugées coupables, forcément coupables.

Dans Mangeuses, Lauren Malka nous dit que le lien entre les femmes et la nourriture est complexe, malsain souvent. Que les troubles alimentaires touchent majoritairement les femmes, que même les plus instruites, les plus éclairées, les plus militantes, un jour, ce sont posées des questions sur leur poids, leur consommation de sucre, l'image que la nourriture donnait d'elles. Elle reprend des donnés historiques, utilise aussi des témoignages de femmes croisées au cours de l'écriture... mais.

Mais il m'aura manqué un ton. Ici, on oscille entre l'essai historique, le récit journalistique, l'ouvrage de sociologie un peu drôle. Et finalement, je ne me retrouve pas au milieu de tout ça. Mangeuse et comme toutes les nanas, tracassée par mon poids, je ne découvre pas grand-chose. le texte valide l'intime conviction qu'hommes et femmes à table ne sont pas égaux. Mais au-delà de ça ? Devons-nous lutter ensemble, camarades à la fourchette affûtée ?

La conclusion esquisse un début de solution, qui passe par une reconquête de la parole des femmes par les femmes. Et donc de leur corps. En même temps, difficile pour l'autrice de proposer de partir poing levé à la conquête du gras puisqu'elle nous partage son anorexie mentale, le fait qu'elle calcule les calories, a banni les desserts de son alimentation. J'ai lu un état des lieux. Il n'est pas réjouissant. Il ne peut pas l'être puisque celle qui tient la plume est dans ce même engrenage et ne voit pas d'issue. Alors, en refermant le livre, je me suis sentie triste et toute seule face au pot de Nutella. Pas sûre avec ce mood, qu'on gagne le combat...
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J'ai souffert d'anorexie mentale.
Pendant plusieurs années.
Et si je pense être guérie aujourd'hui, être sortie de cette spirale infernale,
j'avoue continuer à entretenir un rapport conflictuel avec la nourriture. Autrement plus compliqué du moins, que les hommes qui m'entourent.
Et je ne suis pas la seule.
Si les femmes ne développent pas toutes, un jour ou l'autre, de troubles du comportement alimentaire à proprement parler, je n'en connais aucune qui pose un regard parfaitement apaisé sur ce qu'elle ingurgite.

J'aurais pu surligner l'intégralité des phrases qui composent ce brillant essai, tant chacune a résonné en moi avec tant de force que mes entrailles se serrent encore. J'avais l'impression de voir les planètes s'aligner une à une et les questionnements qui s'amoncelaient sous mon front trouver une réponse sans appel. Précise, ultra-documentée, ravageuse.
Plusieurs fois, j'ai senti ma poitrine se comprimer, mes poumons manquer d'air.
Une longue thérapie avait eu beau me permettre de comprendre beaucoup de ce que mon rapport avec la nourriture avait de problématique, et quelles pouvaient en être les origines, sa mise en regard d'avec ce que les femmes (toutes les femmes, j'insiste, quelque soit leur origine sociale et géographique) portaient comme poids depuis que le monde est monde, s'est révélé aussi salutaire que terrifiant. Cette problématique individuelle ne l'était pas uniquement.
Elle était aussi (et peut-être avant tout) sociale et politique.

Ce livre devrait être lu par toutes et tous.
Il est aussi nécessaire qu'absolument fondamental.
Pour appréhender, comprendre et réparer (si tant est que cela soit possible un jour) les atrocités que le patriarcat a commises au fil du temps, et permettre aux femmes de retrouver le sel de ce qui fait leur humanité, pour assoir un rapport au monde sain et serein.
Lien : https://www.mespetiteschroni..
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critiques presse (3)
LeJournaldeQuebec
11 décembre 2023
Cette enquête autour de la table et sur le tour de taille des femmes est un régal qui nous met en appétit pour entreprendre le grand repas de la réconciliation.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LeMonde
21 novembre 2023
"Mangeuses", un essai qui entrelace allégrement enquête et remarques personnelles, exemples littéraires et références universitaires.
Lire la critique sur le site : LeMonde
MadmoizellePresse
09 octobre 2023
Où sont les mangeuses ? C’est à cette question épineuse que s’attaque Lauren Malka dans un ouvrage passionnant, où le rapport intime des femmes avec la nourriture y est passé au crible.
Lire la critique sur le site : MadmoizellePresse
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
« Le féminisme est un voyage qui, comme tous les autres, commence par la question : qu’y a-t-il à manger ? » (p. 14)
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« Les hommes n’ont pas besoin, par nature, d’aliments plus énergétiques que les femmes, si ce n’est pour entretenir leur domination sociale et politique. Les femmes, en revanche, payent très cher – dans certains cas, de leur vie – les conséquences de cette répartition inégalitaire. » (p. 217)
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« Priver les femmes […] de nourriture est la façon la plus radicale de les isoler, d’amoindrir leur parole et d’invalider leur combat. Partager le pain de la sororité et le plaisir de manger apparaît alors comme un point de départ crucial pour s’émanciper. » (p. 17 & 18)
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« Ève se retrouve non seulement accusée d’avoir commis le péché de gourmandise, mais aussi celui de l’incarner en devenant elle-même aussi dangereuse et appétissante qu’un fruit défendu. » (p. 65)
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« Il y a donc un effort supplémentaire à fournir pour ne pas être sexualisée ni traitée d’idiote. » (p. 143)
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Videos de Lauren Malka (27) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Lauren Malka
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