Rien ne s'effaçait, bien sûr. Rien ne s'oubliait. Et pourtant, à chaque étape de la vie, il était possible de dépasser ses blessures. De ne pas ressasser les situations qui les avaient vues naître. Recouvrir le mur d'hier de la peinture fraîche d'aujourd'hui, la seule couche qui comptait vraiment.
Chacun son iceberg, et les phoques seraient bien gardés.
De l’avis des Groenlandais eux-mêmes, l’île avait la réputation d’offrir les plus beaux panoramas de tout le pays, été comme hiver. À l’oreille de Panninguaq, son nom sonnait avant tout comme une promesse de paix. Uummannaq était son havre. Son refuge lorsqu’elle ne parcourait pas les villages du littoral ouest pour ses diverses missions.
Westen s'étonnait toujours d'entendre des Inuits de souche employer ce verbe, éplucher, dans un pays où l'on ne voyait pas la couleur d'un légume frais de toute l'année. Sans doute une influence linguistique du danois.
Rien ne s'ouvrait. Et pourtant, à chaque étape de la vie, il était possible de dépasser ses blessures. De ne pas ressasser les situations qui les avaient vu naître. Recouvrir le mur d'hier, de la peinture fraîche d'aujourd'hui, la seule couche qui comptait vraiment.
Dieu est parti, reste son ombre.
Il en va de certaines révélations comme des cadeaux que nous offre la vie : on ne les perçoit vraiment qu’après coup. Quand nous sommes sous leur emprise depuis déjà longtemps.
Certains hommes avaient ce don : instiller le poison de mots qui, une fois entrés dans vos pensées, colonisaient tout votre organisme.
Ilulissat – 3 mars 2021
Panik ne paniquait jamais.
C’était sa réputation, pour ainsi dire sa marque de fabrique. La sûreté de ses gestes, son expertise douce et appliquée, son calme affiché quelles que fussent les complications rencontrées au cours du travail, tout dans sa pratique dénotait un sang-froid hors du commun. Cela lui valait non seulement la confiance des femmes qu’elle accompagnait, mais aussi celle de leur entourage. La preuve, on la sollicitait y compris dans des cas et des lieux où le service médical local aurait très bien pu prendre l’accouchement en charge.
On l’avait choisie. Elle. La sanaji itinérante venue d’on ne sait où.
Car derrière la formule facile, « Panik ne panique pas », derrière ce masque tatoué et impavide, chacun le sentait, sommeillait une compassion, une tendresse qui, le moment venu, ne demandait qu’à sourdre. Sans enfants elle-même, Paninguaq était riche de cet amour à prodiguer. Et, faute de pouvoir le répandre sur sa propre progéniture, elle en distillait à chacun et chacune d’infimes cristaux, aussi légers et purs que la neige.
Aussi tentant que ce soit, on ne réécrit pas un passé douloureux en massacrant le présent.