Je pensais que la fin de notre monde était sur le point de survenir par la destruction des conditions environnementales idéales pour l'espèce humaine ou bien par l'esprit dérangé d'un cynique meurtrier dans l'est de notre continent. Ouf, je suis rassuré.
Non,
L Univers va pouvoir disparaître d'au moins cinq manières différentes, dont au moins une peut arriver à n'importe quel moment. Là, par exemple. Non. Ou maintenant ? Hm, toujours pas. Bon.
Katie Mack, l'autrice de ce percutant, fascinant et drôle ouvrage de vulgarisation scientifique, est une astrophysicienne, spécialisée en cosmologie, sur tous les sujets qui en émanent comme la matière noire, les trous noirs ou les fins possibles de l'Univers, ce qui nous intéresse ici. Ce livre est le fruit de ses réflexions et d'un intense travail de concaténation des théories et des connaissances disponibles à l'heure actuelle sur l'état de l'Univers.
La première partie n'aborde pas la fin de l'univers mais est essentielle pour les fondamentaux. On y reprend comment tout a débuté, le Big Bang ; l'existence d'une image thermique de l'univers 380 000 années après le Big Bang qu'on appelle le fonds diffus cosmologique ; les notions de singularité ou de "décalage dans le rouge". La partie permet à la fois de appréhender toutes ces notions et en même temps de retracer les différentes étapes des premiers temps de l'Univers : l'Ere de Planck, le montant de l'inflation co(s)mique, l'Ere des Quarks ou l'allumage des premières étoiles. Je fais le malin avec ce "co(s)mique" mais oui, cet ouvrage est très drôle.
Katie Mack est absolument marrante à lire. Elle glisse de l'humour sur les thématiques abordées, de la dérision au sujet des physiciens et égrène ses sujets d'anecdotes historiques. Elle couvre les coulisses des découvertes, émet quelques opinions, par exemple pour rappeler que l'éminente astronome Vera Rubin et son travail capital sur la matière n'ont pas jamais récompensé du prix Nobel. Ça va sans le dire, ça va mieux en le disant.
Dans la deuxième partie du livre, l'autrice nous présente cinq importantes hypothèses sur les fins de l'Univers possibles. La manière dont c'est amené est intéressante puisque
Katie Mack ne se contente pas de dire "bon, ben, ça explose, ça donne de la bouillie de particules et voilà". Au contraire, elle part d'explications techniques avec des méthodes, des théories pour aboutir sur la fin qu'elle souhaite présenter.
Le Big Crunch, à savoir l'effondrement de l'Univers sur lui-même, se base sur l'exploitation du phénomène de décalage vers le rouge de la lumière reçue, dont découle la loi de Hubble-Lemaître (proportionnalité entre vitesse de déplacement d'une galaxie et sa distance) et de l'action de la gravitation sur l'expansion de l'univers. C'est pas jojo. Les galaxies entrent en collision, les surfaces d'étoiles s'embrasent, les rayonnements dézinguent tout ce qui bougent.
On a aussi la mort thermique qui se base sur l'action expansionniste de l'Energie noire. Elle produit un éloignement puis une dilution de tout dans l'univers, des galaxies aux trous noirs (qu'on imaginait immortels, jusqu'à
Stephen Hawking). L'Univers continuera de s'étendre à l'infini, dans le froid, vers la fin du temps (salut
Fukuyama) et mettra de la tristesse dans nos petits coeurs (il n'y aura plus de petits coeurs, juste un univers vide de matière, rempli d'une chaleur résiduelle d'environ 10 puissance -40 en dessous du zéro absolu).
Mais alors, là, on peut se dire,
Katie Mack, elle veut nous déprimer, il nous manquait plus que ça, gna gna. Mais en vérité, il semblerait que peut s'installer un espace nommé Univers de Sitter, où de temps en temps, peuvent surgir des choses et potentiellement un nouveau Big Bang. Un GD&TOP en somme.
Autre option, nous nous dirigeons peut-être, ô joie, vers le Grand Rip ! L'énergie noire, dont
Katie Mack nous explique avec précision et efforts de vulgarisation que cela correspond à un élément clé de l'expansion de l'Univers, imaginée par feu Einstein, peut aussi être, selon sa pression, une "énergie fantôme" qui viendrait déchirer tout ce qui est structuré au contraire de la Mort thermique, qui laisse un peu de temps aux astres dont la gravitation permet la structuration. Là, c'est du rapide.
La quatrième fin de l'univers possible est liée à une fierté presque nationale : le LHC (Large Hadron Collider) enterré entre la Suisse et la France, fruit d'une grosse coopération internationale mené par le CERN. Avec cet appareil, on cogne entre eux des protons et on essaie de vérifier le modèle standard des particules et de découvrir expérimentalement des particules prévues par la théorie. le LHC a permis de découvrir le Boson de Higgs, la particule qui, attachée à une autre particule, lui donne une masse, grâce à ce qu'on appelle le Champ de Higgs. Ce Champ peut subitement varier et ne plus donner de masse. Et ploup, ça fait une "bulle de vide quantique", qui se propage et qui fait tout disparaître sur son passage. On découvre ici des notions tels que l'effet tunnel ou la brisure de symétrie.
Enfin, se mélangent théories des cordes (ou des boucles quantiques), multivers et gymnastique dans une cinquième théorie nommé le Rebond. Grosso modo, le Big Bang génère
L Univers dans notre espace tridimensionnel, mais aussi dans d'autres dimensions. Ces Univers évoluent et sous l'effet de la gravitation se contractent, rebondissent et engendrent de nouveau un Big Bang, dans un mouvement cyclique.
"Mort lente ? rapide ? Mort seul dans son salon ? Dans d'atroces souffrances ? Mort... empoisonné ?"
Le panel est fameux, les occasions de disparaître variées. On peut facilement hésiter. Toutes celles citées se prêtent à quelques futurs moments de poilade. En tout cas, j'ai beaucoup aimé cet ouvrage de vulgarisation, qui porte sur un sujet pas forcément le plus médiatisé. Si ce livre demande quand même parfois, surtout vers la fin avec le Rebond, de s'accrocher,
Katie Mack fait un gros job pour rendre des théories et notions complexes accessibles et drôles.
Merci à Babelio et aux éditions Quanto pour ce Masse Critique ! Allez, maintenant, on prend son Tardis, on file tout droit à la fin de l'Univers et on essaie de botter les fesses du John Simm à coup de thermodynamique et d'entropie maximale.