Hummm... et pas n'importe quel hummm. le hummm perplexe. le hummm du je ne sais que penser de cet ouvrage.
J'aime ou je n'aime pas n'a pas de réel sens ici car la souffrance et la manière choisie pour l'exprimer est difficilement évaluable. Je me garderai bien de donner un avis sur cette histoire de vie, sur ces traumatismes vécus, mais reviendrai plutôt sur la forme qui me laisse aussi sceptique qu'une fosse.
Chez les Bellegueule et dans tout le village, ça picole, ça bosse pas des masses, ça critique à tout va sans voler bien haut niveau argumentation, ça ne se lave pas, ça bouffe mal, ça aime pas les pédés, ça aime pas les arabes, ça aime pas les bourges, ça aime pas les livres.
Naître et grandir là-dedans, autant dire que ce n'est pas le meilleur départ dans la vie. Manquerait plus être gay, pas trop con et avec un minimum d'ambition, et là on fait tâche à coup sûr dans cette famille de demeurés alcooliques.
Er c'est tout le problème que j'ai eu avec cette lecture : présenter et réduire cette famille et ce village à des demeurés alcooliques, sans le sou et sans cerveau.
Le harcelèment dont fut victime le jeune
Edouard Louis, notamment à l'école, est évidemment inexcusable, intolérable et abject, et merci à lui de le dénoncer. Il s'en est sorti, psychologiquement marqué et ravagé par tant de haine. Son parcours est admirable, sa réussite respectable, son écriture prometteuse.
Mais pour ce qui est de la profonde misère sociale et bêtise dans lesquelles baigne la famille Bellegueule, peut-on leur reprocher de manière aussi virulente? Les conditions de vie et d'épanouissement intellectuel sont certes déplorables, pour autant le milieu défavorisé mérite-t-il ce regard aussi cynique, impudique voire obscène? Opposer continuellement le milieu ouvrier à la classe aisée avec tous les clichés habituels m'a gênée, interrogée.
Le village picard se résume ici à bouseux, chômeurs, fainéants, alcooliques, racistes, ignorants, miséreux. A la limite de la caricature. Et surtout, sans aucune nuance.
Pour un auteur qui dénonce l'intolérance et notamment l'homophobie dont il fut l'objet, avouons que le ton péremptoire et tranchant est plutôt étonnant, déroutant. Aucune forme de transigeance.
La haine, la colère et la revanche sur une enfance douloureuse sont palpables du début à la fin.
Etre spectatrice de ce déballage familial, de ce lavage de linge sale et lynchage public m'a donc souvent mise mal à l'aise.
A chacun de se faire sa propre idée. Ce livre mérite d'être lu quoique j'en pense.
Mais hummm... le hummm de je me tâte: lirai-je ou pas le prochain
Edouard Louis?