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EAN : 9782743613099
503 pages
Payot et Rivages (01/10/2004)
3.91/5   346 notes
Résumé :
Paris, 1870.
Une série de meurtres sauvages semble obéir à une logique implacable et mystérieuse qui stupéfie la police, fort dépourvue face à ces crimes d'un genre nouveau. Le meurtrier, lui, se veut " artiste " : il fait de la poésie concrète, il rend hommage à celui qu'il considère comme le plus grand écrivain du XIXe siècle, Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, dont il prétend promouvoir le génie méconnu.
Dans le labyrinthe d'une ville grouillant... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (66) Voir plus Ajouter une critique
3,91

sur 346 notes
Mon premier Hervé le Corre et un énorme coup de coeur !

Quel souffle anime ce roman total qui embrasse tous les genres romanesques sans entrer dans aucune case !

- un polar : on suit la traque d'un tueur en série atypique qui commet d'atroces crimes en hommage à l'oeuvre de son ami, le poète Isidore Ducasse, Les Chants de Maldoror signés sous le nom du Comte de Lautréamont, dans laquelle il lit une prophétie des temps à venir. Cette idée assez géniale est parfaitement maitrisée, on retrouve même plusieurs fois Isidore Ducasse dans le roman, c'est même lui qui accélère la résolution de l'enquête.

- un roman noir : l'identité du sérial killer est rapidement dévoilé, pas de faux suspense, mais une plongée assez stupéfiante dans sa psycho délirante. Un peu comme si la créature avait échappé à son Frankenstein de créateur, belle métaphore de la puissance de la littérature.

- un roman historique : la toile de fond de ce roman est le Paris de 1870, à la veille de la chute du Second Empire de Napoléon III, dans une ambiance fin de règne où tout se délite et où tous les espoirs sont également possibles. On découvre un autre Paris, celui des faubourgs ouvriers, des bas-fonds. L'inspecteur Letamendia a du mal à supporter les priorités de sa hiérarchie obnubilée par la répression des émeutes ouvrières. Sur la fin du roman, on glisse vers la guerre contre les Prussiens et vers la naissance de la Commune.

- un roman social : la classe ouvrière est magnifiquement décrite, exploitée, réprimée, vivant dans la misère mais solidaire, avec de superbes personnages, d'Etienne l'ouvrier républicain plein de révolte à Sylvie, digne prostituée dans un bordel fréquenté par le tueur. Y a du Zola dans l'évocation de ces prolos, y a du Hugo dans la description des émeutes organisées par les syndicats et l'Internationale ouvrière.

Le tout porté par une superbe écriture à la fois travaillé et gouailleuse.

Dense, passionnant, très impressionnant !
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Nous sommes à Paris, en 1870. Un tueur en série - dont nous connaissons dès les premières pages l'identité et le mobile - s'inspire des “Chants de Maldoror” de son ami Isidore Ducasse (Comte de Lautréamont), dont l'oeuvre, à peine publiée, est alors quasiment inconnue, et sème sur son passage un cortège de crimes particulièrement atroces qui mettent la police sur les dents et la population en émoi. Et nous suivons pas à pas les efforts des enquêteurs, tandis que le meurtrier s'enfonce tranquillement dans sa folie et continue à répandre autour de lui des cadavres toujours plus sanglants et une terreur toujours plus profonde…

“L'homme aux lèvres de saphir” est un polar rondement mené, qui nous emporte dans ses filets et qu'on ne lâche plus. Mais c'est aussi - et peut-être surtout - le portrait d'une époque et d'une ville : bien loin des beaux quartiers, des plaisirs et des fêtes, c'est le Paris des gargotes, des bordels, des coupe-gorges et des ruelles obscures où tente de survivre au jour le jour une population besogneuse ou interlope d'artisans, d'ouvriers, de putains, d'artistes et de malfrats ; une ville de miséreux et de crèvent la faim, souvent “montés” de la province pour y chercher fortune, exploités jusqu'à plus soif et recrus de fatigue, placés sous la coupe d'une bourgeoisie triomphante et cynique, et d'une police omniprésente, brutale et corrompue.

Avec “L'homme aux lèvres de saphir”, Hervé le Corre dresse un portrait au vitriol du Paris de Napoléon III juste avant la guerre franco-prussienne, la chute du Second Empire et la Commune - là où précisément s'enracine toute l'oeuvre de Zola - avec en arrière-plan la présence lumineuse de Louise Michel et le peuple exsangue qui commence à gronder…

Avec une écriture remarquable, une restitution socio-historique saisissante, des personnages hauts en couleurs, criants de vérité, avec lesquels nous entrons en immédiate empathie, et une intrigue originale et bien construite, Hervé le Corre va, dans “L'homme aux lèvres de saphir”, bien au-delà du simple polar et nous offre, tout simplement, un excellent moment de littérature.

Un livre que j'ai beaucoup aimé, et que je recommande sans réserve !

[Récompensé en 2005 par le Grand Prix du Roman noir français au Festival de Cognac, et le Prix Mystère de la Critique.]

PETITE NOTE EXPLICATIVE POUR MIEUX COMPRENDRE LE ROMAN :

Le crime de la place Vendôme, qui ouvre le livre, est la retranscription par Hervé le Corre du meurtre commis par Maldoror sur la personne d'un adolescent, Mervyn, à la fin du 6ème des “Chants de Maldoror”. C'est également là que se trouve l'explication de l'énigme du crabe tourteau (que Le Corre n'élucide pas), tout comme le titre du roman, “l'homme aux lèvres de saphir” :
“Le Tout-Puissant avait envoyé sur la terre un de ses archanges, afin de sauver l'adolescent d'une mort certaine.(...) Pour ne pas être reconnu, l'archange avait pris la forme d'un crabe tourteau (...). L'homme aux lèvres de jaspe (...) épiait l'animal, un bâton à la main (...). Le crabe tourteau (...) aperçut notre héros (...) “O Maldoror, est-il enfin arrivé le jour où tes abominables instincts verront s'éteindre le flambeau d'injustifiable orgueil qui les conduit à l'éternelle damnation !” (...) Mais l'homme aux lèvres de saphir a calculé longtemps à l'avance un perfide coup. Son bâton (...) va frapper à la tête l'archange bienfaiteur (...). Et Maldoror, penché sur le sable des grèves, reçoit dans ses bras (...) le cadavre du crabe et le bâton homicide !”

P.S : Petite info, que je viens de découvrir : une suite ("Dans l'ombre du brasier") paraîtra le 2 janvier 2019...
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Salut les petits rats, comme promis, on se retrouve pour un nouveau tuto : comment planter un cadavre sur la colonne Vendôme.

Si vous êtes sages, on verra aussi comment en semer plein d'autres, façon tueur en série aux manies plutôt macabres. Comment mettre la police sur les dents, tisser de belles amitiés, quelques bluettes pour souffler et surtout frissonner à perdre haleine à la poursuite d'un tueur vraiment, vraiment méchant et vraiment, vraiment cinglé. Vous êtes prêts, les canaillous ? Z'est partiii !

Bon, vous récupérez la place Vendôme, de nuit, en 1870, un pauvre bougre venu de sa province encore éberlué avec son fatras de meubles sur le dos, ce sera notre témoin, et, oui, un futur macchabée. Là, j'en ai pris un blond mais faites avec ce que vous avez sous la main. de la corde, un scalpel ou un fin poignard et pas mal de coeur au ventre. Non, Bichette, pas de loup ici. Je sais bien que c'est à la mode, mais là, y en n'a pas. Pour un autre tuto peut-être ? Un tueur aussi, il vous faudra un tueur. Grand, le visage en lame de couteau et des motivations sombres comme la nuit.

Voilà, vous avez tout votre matériel ? Chauffez-vous avec une ambiance pleine de gonds qui tournent, de silhouette encapuchonnée, de « râle ou peut-être grognement », ajoutez une « physionomie statufiée aux yeux immenses, écarquillés par l'étonnement, allumé par la rage ». Z'avez vu le rythme ternaire, les précisions qui ne font qu'en rajouter dans le mystère ? Vous me balancez une allusion à un cimetière, parsemez de sang, d'os et de cervelle quelques-unes de vos phrases. Vous me pendez le futur cadavre par les pieds sans vous appesantir sur la manière dont vous l'avez hissé, zigouillé, accroché. Et voilà, vous l'avez votre scène ! Alors, les p'tits loups, simple comme bonjour, non ?

Bon, je fais ma fiérote et la joue à la blague mais il faudrait un peu plus qu'un tuto pour pouvoir écrire L'homme aux lèvres de saphir. Déjà, 500 pages, ça tient pas en une minute trente. Et puis, il faut savoir brosser le climat, les ambiances et les détails historiques. Cette période très particulière avant que Napoléon III fasse un coup d'Etat, lorsque les émeutes ouvrières menacent le bon bourgeois, que l'Internationale socialiste enflamme les esprits et que les révolutions de 1830, 1848 sont encore dans les coeurs.

Après Lemaitre, qui, dans Au revoir là haut, prend pour toile un Paris de 50 ans plus vieux, Fouassier et son Bureau des affaires occultes autour de 1830, il ne me manquait plus que l'entre deux. Ce n'est plus le cas : Paris, ses révoltes, ses crimes et sa police en un siècle, j'ai toute la collec !

C'était mon premier le Corre. Je ne suis pas certaine qu'il y en aura d'autres. C'est dense, il faut s'accrocher, moins à la vraisemblance d'une intrigue cohérente qu'à l'originalité d'une idée fondatrice sur une trame littéraire, ma foi… aussi scabreuse que peu plausible. Mais originale, ne chipotons pas, originale. On sent toute la jubilation qu'il y a à peindre un Paris populeux et révolté, chaud comme la braise, dans les alcôves comme sur les barricades. L'application à nous faire frémir d'horreur à force de lire la violence des rues, la violence des flics, la violence des patrons, la violence… du tueur. Ah oui, tiens, le tueur ! L'homme aux lèvres de saphir est un roman rouge. Rouge sang, rouge communard, rouge passion, rouge meurtre. Rouge.

J'avoue avoir été très souvent à la peine, dégoutée par certaines scènes que je trouvais un peu trop là pour choquer sa bourgeoise (ça a fonctionné), ennuyée par les méandres d'une intrigue qui ne choisissait ni le profilage psychologique, ni l'enquête à la Papa, ni la fresque purement historique mais assumait plus ou moins vaillamment les trois. Lassée aussi des bagarres, traques, effets de surprises, scènes de bordel qui se succèdent en une ritournelle très mécanique. J'avoue, à la deuxième partie du roman, une fois qu'il était avéré que je ne l'abandonnerais pas puisque j'avais fait le plus gros, m'être contentée de temps en temps de lire en diagonale certaines pages pour ne choper que l'élément nécessaire à la poursuite de l'histoire et avoir laissé le reste sous une étiquette intérieure « scène attendrissante de gouaille populaire », « illustration de la cruauté des pognes », « cascades et bataille de rue à l'issue incertaine ». C'est ça d'avoir de la bouteille en tant que lectrice, one ne se laisse plus aussi facilement attraper que si ç'avait été son premier roman historique...

Les personnages sont… des personnages. La pute au grand coeur, la maquerelle odieuse, le flic pourri, le commissaire obtus, l'inspecteur au coeur tendre et pugnace, la famille ouvrière généreuse du pain qu'elle n'a pas et notre provincial inaugural, loyal homme du peuple, les meilleurs, camarade ! Pour le prix, vous avez même une innocente aux yeux hébétés et une choupinette de cinq ans à qui la société, le tueur, qui sait, promet bien des malheurs. Une vraie démonstration, ce casting !

Sans doute que je n'ai décidément plus la fibre pour les polars, historiques encore moins. Ca en fait trop qui me déçoivent (oui, Anna, je t'entends fulminer depuis le début de ce billet que tu me l'as déjà dit et que c'est tout de même incroyable qu'il me faille encore m'ennuyer dans ce type de bouquins alors qu'il est évident qu'ils ne sont plus pour moi.)

Mais je continue à aimer l'idée que j'aime me perdre dans un polar et que je vais me prendre de passion pour son intrigue. Il va falloir que je change de fantasme. Les cadavres et la traque des bandits ne me divertissent visiblement plus.
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En voilà une idée !!!
Paris, hiver 1870...Gla gla gla, déjà, c'était avant le réchauffement climatique...Et le chauffage tout court, on dirait...Bref...
Etienne, un jeune ouvrier révolté (hommage à Zola ? ) arrive à Paris avec juste sa charrette et son barda (une table, notamment...)Et tout seul place Vendôme, voilà qu'il voit pendouiller les tripes à l'air, sur la colonne elle-même, bien scalpé, un jeune homme...Bienvenue à la capitale...Le meurtrier est encore sur les lieux, le darde d'un regard meurtrier, glacial, effrayant, et s'enfuit en oubliant son carnet de notes...Car le meurtrier est un poète...Etienne ramasse le carnet, le met dans le tiroir de sa table, et appelle la police...La police de l'empereur -car c'est encore l'empire pour quelques mois- est, je ne dirais pas incompétente, mais disons empêchée par le régime politique un peu trop autoritaire et corrompu et plus effrayé par les risques de soulèvement populaire que par les serial killers (dans la logique de son intérêt, l'empire me semble avoir raison ...)
C'est un roman policier extrêmement original et plus que ça, mais qui risque de ne pas plaire à certains lecteurs. D'abord on sait tout de suite qui est l'assassin et pourquoi il assassine : c'est un fan de Lautréamont, qui se prend pour Maldoror. Isidore Ducasse est présent dans le livre. de même que Verlaine (hommage), qui apparaît dans un bar au tournant d'une page...On guette Rimbaud, mais il était encore à Charleville à cette date...Moi, ce rassemblement de poètes maudits, ça me plaît...
Ensuite, Hervé le Corre utilise une langue très écrite, à la manière du XIXème siècle, et les dialogues correspondent à l'argot de l'époque, ce qui peut faire reculer. Bon, ça me plaît aussi.
Ce qui est excellent pour tout le monde, par contre, c'est la reconstitution de ce Paris de l'Empire qui va s'effondrer et qui l'ignore. le peuple de Paris gronde sourdement puis sauvagement : un siècle de révolution, et la Commune approche. On comprend qu'elle est possible. La pauvreté règne dans la Capitale. Dans certains passages, on se croirait au Moyen Age, niveau confort...La société est pourrie, elle doit impérativement se renouveler : privilèges, disproportion des richesses, prostitution et avilissement des femmes, corruption, mépris de classe...Autant de maux dont Maldoror et son incarnation fétide, Henri Pujols, ne sont que le reflet, le symptôme...
Un excellent roman, donc, à mon avis. Mais qui pourrait en rebuter certains. Donc à feuilleter d'abord...
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Voici un roman noir historique qui a pour toile de fond le Paris de 1870. Nous sommes dans cette période très agitée à la fin du Second Empire, une fin de règne marquée par des mouvements sociaux de plus en plus forts et réprimés par la force et la violence du pouvoir en place.
Ce décor posé, Hervé le Corre va faire de cette histoire un véritable polar social, à mi-chemin entre le thriller et le roman populaire, prenant fait et cause pour la condition ouvrière de l'époque, faisant ainsi entrer en scène des personnages attachants, mûs par l'entraide et la débrouille, rêvant d'un monde meilleur : Étienne, Garance, Fernand et son épouse Marthe, Alphonse...
Mais venons-en à l'intrigue. Toute son originalité tient au personnage principal, ce serial killer, dont l'identité nous est dévoilée dès les premières pages, un certain Henri Pujols. D'entrée de jeu, l'auteur prend en effet le parti de nous dévoiler son identité et sa personnalité, de nous faire coller au plus près de sa déambulation et de son effroyable folie. C'est un jeu de fuite, de travestissements et de cache-cache auxquels nous livre Hervé le Corre, ce qui n'est pas sans rappeler un certain Hannibal Lecter, dont les points communs peuvent se mesurer au volume d'hémoglobine versé et au raffinement des crimes commis. Lecteurs sensibles, s'abstenir ! Bon, me direz-vous, où se situe donc l'originalité de ce serial killer dans tout ceci ? Dans la sauvagerie des meurtres qu'il commet, Hervé Pujols est animé d'une sorte de pulsion créatrice, se sentant persuadé que son destin est de servir le génie d'un poète injustement méconnu à ses yeux, Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont et de mettre en scène son oeuvre sulfureuse : les chants de Maldoror. Au début du roman, les deux hommes sont épris d'amitié, voire même plus. Sans dévoiler l'intrigue, il y a alors un tournant dans le roman qui n'est pas sans nous rappeler le mythe de Frankenstein où ici aussi le créateur se sent brusquement dépassé par l'effet de l'oeuvre qu'il a produite.
Et la police ? Mais que fait la police dans tout ça ? La police, au service d'un pouvoir qui perd pied, est corrompue. Parfois on se demande de quel côté se situe la racaille. Et cela ne sert pas l'enquête. Un flic atypique, donc intègre (je m'exprime bien sûr ici toujours dans le contexte historique !) l'inspecteur Létamendia tout droit venu de son pays basque natal, va à son tour entrer en scène...
Mais revenons au contexte qui fait côtoyer des personnages ordinaires avec la Grande Histoire, dans une fin de Second Empire à l'agonie. Telle une tragédie grecque, la trajectoire du meurtrier va lier d'une amitié indéfectible Étienne, Fernand, Alphonse et les autres et les propulser à la fois au coeur de l'intrigue et dans les agitations sociales qui seront réprimées de manière sanglante. Au loin, se profilent déjà les événements de la Commune de Paris. On aperçoit d'ailleurs brièvement Louise Michel au cours d'une réunion politique.
Il y a aussi la prostitution et ce beau personnage de Sylvie, alias Clarisse qui ne rêve que d'échapper à sa sordide condition afin de pouvoir élever dignement sa fille.
Sans être Zola, Hervé le Corre nous livre, dans ce roman foisonnant, le réalisme d'un contexte social peint avec beaucoup de détails. Il se trouve que, dans le même temps, par un hasard étrange (mais est-ce vraiment le hasard qui nous conduit dans le choix de nos lectures ?... Mais je m'égare...), je lisais en parallèle le premier volume de l'oeuvre des Rougon-Macquart, " La Fortune des Rougon ", dont le décor se situe, quant à lui, aux prémices de cette même période du Seconde Empire, non moins violente.
Alors, me demanderez-vous ? Vous avez donc aimé totalement ce roman ? Je dois avouer que j'ai été emporté par l'intrigue, les rebondissements, mais aussi par le réalisme social qui donne de l'épaisseur à ce roman volumineux (503 pages). Je reprocherai à l'auteur d'en faire parfois un peu trop à certains endroits. Certains personnages sont un peu trop caricaturaux : le flic pourri, la tenancière de bordel gouailleuse, le titi parisien,... le style peut paraître inégal quand certaines phrases deviennent excessivement lyriques, alors que deux pages auparavant nous étions plongés dans l'argot des parigots... Enfin, je ne sais ce qu'il faut penser lorsqu'un auteur s'arrange avec l'histoire de personnages qui ont réellement existé en les plongeant dans une oeuvre romanesque. Je pense bien sûr ici au Comte de Lautréamont et son improbable rencontre avec le serial killer... D'autres l'ont fait avant lui et c'est un procédé de style parfois osé. Je pense qu'il sent sort plutôt bien sur ce coup-là. Mais tout ceci est secondaire face à la singularité du roman et à sa richesse. Et je ne peux que saluer le travail très documenté...
Je ne vous ai pas dit la signification du titre... À vous de chercher...
Il s'agissait de mes premiers pas dans l'oeuvre d'Hervé le Corre et cela m'a donné envie de poursuivre en direction de cet auteur. Il m'a permis aussi d'écrire ici sur le site de Babelio ma première critique et j'espère que c'est un long chemin qui commence...
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Citations et extraits (56) Voir plus Ajouter une citation
Il aimerait courir, Étienne. Pour fuir plus vite ceux qu'il dépasse ou qu'il croise. Ces trognes hideuses, ces silhouettes cassées, ces corps affaissés sur les trottoirs, peut-être morts ou en train de claboter, peut-être tout simplement un peu plus fatigués que lui. Les femmes l'effraient, partout offertes, jeunes traîneuses avec leur petit sac jeté négligemment sur l'épaule, vieilles gorgones hirsutes qui brandissent leur chair fanée sous le nez des passants, gamines effrontées qui le dévisagent avec des airs vicieux en suçant leur pouce ; les hommes lui font peur, gesticulant dans leur véhémence d'alcool, proférant tout seuls des menaces, des envies de meurtres, reluquant le quidam comme une proie possible, jusqu'aux enfants qui courent dans le noir en poussant des hurlements de haine ou vident des querelles de nains à coups de sabots dans la fange des caniveaux. (p. 93)
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Ce bougre-là, avec sa cervelle confite à la gnôle et sa misère sur le dos, Letamendia a honte de le voir partir enchaîné et battu. Il sent bien, à force, que c'est toujours sur les mêmes que s'acharne le mauvais sort, et qu'ils ont le dos bien large et bien pratique pour qu'on leur tombe dessus et que pionce en paix le bourgeois. Il se doute un peu, lui le flicard intègre, obscur gardien de l'ordre, qu'à faire vivre des hommes comme des chiens, ronfler dans des taudis grouillants de puces et de punaises, s'échiner aux usines douze heures par jour, on en saurait attendre d'eux des civilités de salon ou des colère contenues dans le cristal de la politesse, ce bibelot délicat qu'on s'échange entre gens bien.
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...harassé par ces douze heures chez Wagner & fils, une petite ferronnerie de la rue Montreuil, à tordre, à percer, à limer, à scier, à ajuster du métal, dans la chaleur, avec ce boucan qui lui met les tympans en peau de tambour et oblige les ouvriers à gueuler pour se parler à l'oreille, s'accompagnant de grands gestes, et même le soir dans la rue en sortant quand ça s'est arrêté, parce qu'il leur faut un moment avant que la ville recommence à leur chanter dans les cornets, ils continuent leurs dialogues de sémaphores braillards. [...]
C'est même à ça qu'on reconnaît, bien souvent, un ouvrier : c'est quelqu'un qui parle haut et fort, sans manière, parce qu'il transporte toujours avec lui dans sa tête étourdie le vacarme de sa condition.
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Il avait pris la précaution de lui faire tirer le portrait par un photographe de la préfecture pour être en mesure de le retrouver partout où il essaierait de s'enfuir, lui faisant croire qu'on était en mesure aujourd'hui de placarder sa sale gueule sur tous les murs, dans toutes les gendarmeries et tous les commissariats de France. (...) "Merde alors, avait-il dit en avalant sa bière de travers. La Rousse sait plus quoi inventer pour persécuter les malheureux. Si ça s'trouve, bientôt vous pourrez vous parler par des tuyaux secrets entre poulardins d'une ville à l'autre, et on s'ra attendu avant d'être parti ! Le progrès ça tue le travail !"
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Letamendia, déjà en train de consulter de mémoire son carnet de bal pour savoir qui mène la danse au Caveau du Hibou, ne comprend pas d'abord où il devait être. Il considère l'étudiant d'un air égaré, puis cligne des yeux comme un qui se réveille quand on a ouvert les volets sans prévenir.
- Presque tous les hommes disponibles se trouvent sur le terrain, depuis la veille. Une telle foule, ça rend les autorités méfiantes. Un régiment de ligne a même été mobilisé. Il aurait pu faire très vilain temps si la situation avait dégénérée...
- Le peuple de Paris fait donc si peur ? D'en bas, on ne se rend pas compte.
Le policier sourit d'un air narquois.
- Il hante les nuits de certaines gens. Il n'y a pas pour eux de spectre plus terrifiant. Et puis les gueux s'organisent, ils apprennent à lire et à penser...Ils aiment faire valser les rois, décorer les faubourgs de barricades...
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Nous avons eu le plaisir d'interviewer Hervé le Corre autour de son roman « Traverser la nuit » pendant le festival Quais du Polar. Ce roman lu par Ariane Brousse est en lice pour le Prix Audiolib 2024. Découvrez notre interview !
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