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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Rentrée littéraire 2023.

Magnifique est, sans conteste, un des romans les plus forts de cette rentrée littéraire 2023 et pourtant, on en parle très peu. Peut-être parce que le quatrième roman de Jean-Félix de la Ville Baugé dérange vraiment en soulignant une fois de plus le rôle de la France dans le génocide rwandais en 1994.
L'auteur qui était au Rwanda cette année-là pour une association venant en aide aux réfugiés du génocide, donne la parole à Magnifique Umociowari, jeune fille du village de Massongo. Avec ce personnage imaginaire mais tellement réel, il m'a plongé dans les souvenirs de cette femme qui vit maintenant en Suisse. Alors qu'elle doit être opérée, incapable de raconter à son mari ce qu'elle a vécu, elle décide d'écrire cela. Commence alors un récit à la fois simple et très fort, à la fois direct et d'une immense sensibilité.
Comme je l'ai entendu récemment sur France Inter, à propos du génocide arménien, ce genre d'horreur inimaginable ne se produit pas subitement, sur un coup de colère. Non. Tout cela est préparé, le peuple conditionné grâce à une montée de la tension palpable mais volontairement ignorée par ceux qui pourraient tirer le signal d'alarme.
Au Rwanda, depuis 1990, le Front Patriotique Rwandais (Tutsis) et l'armée rwandaise (Hutus) se font la guerre, l'hostilité des Hutus envers les Tutsis est manifeste à l'école où l'attitude des enseignants est scandaleuse, Radio Mille Collines (Hutue) diffuse des messages de haine et Kangura, journal hutu, fait de même.
Ainsi, en quelques pages, Jean-Félix de la Ville Baugé, au travers du témoignage de Magnifique, rappelle ce qui a précédé un génocide déclenché juste après la mort du Président rwandais dans un accident d'avion. Tout le pays retenait son souffle et voilà que tous les Tutsis de Massongo sont envoyés dans l'église ! Ils y vont en silence au lieu de se révolter. L'évêque, Hutu, ne bouge pas alors que le massacre commence…
Magnifique utilise ce verbe anodin, couper, verbe qui devient d'une horreur absolue : « Les Hutus ont commencé à couper. Ils étaient concentrés, ils avançaient comme sur la parcelle de bananiers, sûrs, calmes, ils levaient leur machette, coupaient – au lieu d'herbes, de branches – des têtes, des bras, des jambes. »
Si Magnifique échappe par miracle au massacre, elle fait preuve d'une volonté et d'un courage exceptionnels. Tout cela est raconté très simplement, sans oublier ceux qui auraient pu arrêter cette ignominie - notre pays en fait partie - et qui n'ont rien fait !
Ces pages sont terribles mais ce qui suit est aussi instructif comme l'hostilité du père de celui qui a sauvé Magnifique et veut l'épouser. J'ai aussi vécu un moment difficile, au cours de ma lecture, avec cette émission intitulée « Vingt-cinq après le génocide, quelle réconciliation ? » Magnifique hésite beaucoup pour accepter l'invitation mais y va quand même pour rappeler la mémoire de celles et de ceux qui sont morts. Là, elle se retrouve face à un chercheur au Centre de défense de la culture hutue à Bruxelles. Devant tant d'outrecuidance, de mensonge maquillé derrière quelques faits historiques manipulés, j'ai beaucoup souffert car Magnifique ne trouvait pas la force de se défendre…
Certes, il y a eu d'autres livres consacrés au génocide des Tutsis au Rwanda mais celui-ci, dans sa simplicité, est d'une force incroyable. Il faut le lire pour ne pas oublier et aussi pour savoir dans quelles circonstances, Jérôme, le mari de Magnifique, a pu la sauver.

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Alors que 2024 marquera les 30 ans du génocide du Rwanda, Jean-Félix de la Ville Baugé publie un roman, Magnifique, un titre porté à merveille tant il correspond au ressenti que j'ai pu avoir lors de sa lecture !
Ce cinquième roman de l'auteur, relatif au Rwanda, pose la question de savoir s'il est possible de construire une histoire d'amour après avoir assisté aux pires atrocités et survécu à l'abomination.
Trente ans après le génocide rwandais auquel elle a survécu, Magnifique Umuciowari, sur le point de subir une intervention chirurgicale, décide de coucher sur le papier, ce qu'elle n'a jamais pu dire à son mari : écrire le récit halluciné et bouleversant qui l'a menée, juste avant leur rencontre à l'hôpital du camp, des collines du Rwanda aux rives du lac Léman, à Genève où ils demeurent.
Dès les premières pages, j'ai été happée par le récit de Magnifique, cette adolescente tutsie qui pensait avoir toutes ses chances pour remporter le titre de Miss Massongo.
Mais les mois qui précédent le génocide, la tension est partout, en allant à l'école, en sortant de l'école, pendant les cours, la nuit, et son père a toujours peur pour elle. Quant à sa mère, elle tricote, elle tricote sans arrêt, même quand elle n'a plus de laine...
Quand le 6 avril 1994, son père entend à la radio que l'avion du Président est tombé, il lève les yeux sur sa fille et lui dit : « Tout peut arriver maintenant… le meilleur comme le pire... »
Elle décrit alors les horreurs qui ont suivi, comment elle a pu échapper à la mort, comment elle a été retrouvée puis sauvée par le regard et l'attention d'un homme qui deviendra son mari. Mais les souvenirs et les traumatismes même en essayant de les tenir à l'écart, sont toujours là et ressurgissent à l'occasion d'un mot, d'une conversation, l'empêchant de vivre un vrai amour.
C'est tout cela, ses peurs, ses réminiscences, ce qu'elle n'a jamais pu dire à Jérôme son mari, qu'elle écrit pour lui faire enfin partager son ressenti…
Jean-Félix de la Ville Baugé réalise un véritable tour de force à explorer ce génocide du Rwanda, encore présent dans tous les esprits, avec une extrême et exceptionnelle délicatesse.
Il fallait beaucoup de talent pour faire ressentir au lecteur les sentiments de cette femme tutsie rescapée de l'horreur avec une telle finesse, une telle pudeur et une telle subtilité sans occulter pour autant les scènes atroces inoubliables dont elle a été témoin.
J'ai été émue et bouleversée aux larmes par son impossibilité à parler à son mari ou à ses enfants des traumatismes dont elle a été victime.
Magnifique est un puissant et superbe roman sur la reconstruction.
Jean-Félix de la Ville Baugé n'hésite pas à évoquer la part de responsabilité de toutes les parties prenantes lors de ce génocide et pose également la grande question du pardon.
La photo de couverture dont on ne voit que la partie supérieure a été prise en juillet 1994, au Rwanda par Patrick Robert, grand reporter à l'agence Sygma. Elle fait écho de manière horrible et inoubliable à un passage du livre.
Elle est visible dans son intégralité sur le site des éditions Télémaque que je remercie infiniment ainsi que Babelio pour la découverte de ce roman absolument MAGNIFIQUE.
Une fin comme je les aime, toute en poésie, finesse et élégance, avec un brin d'humour, clôt ce roman qui restera pour moi inoubliable.

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"J'ai coupé à la machette des hommes, des femmes, des enfants qui vivaient à côté de moi.
J'ai fait ce qu'aucun animal ne fait.
Je l'ai fait tous les jours de huit heures du matin à quatre heures de l'après-midi. Pendant cent jours.
Je rentrais ensuite dîner chez moi avec ma femme et mes enfants.
Parfois, je leur rapportais de la viande, parfois des jouets ou des vêtements volés dans les maisons de ceux que je tuais.
Je me racontais et me raconte encore aujourd'hui que nous pensions ainsi résoudre tous nos problèmes, que nous n'avions pas le choix, que nous pouvions être punis de mort si nous ne le faisions pas, que tout le monde au village le faisait.
Je prends conscience de ce que j'ai fait et, vous, survivants, je vous demande pardon pour vous et pour tous vos proches que j'ai tués de mes mains, pour vos maris, vos femmes, vos enfants, vos parents, qui ne m'avaient rien fait et que j'ai coupés à la machette."

Ce qui a scandé ma lecture du roman de Jean-Félix de la Ville Baugé, c'est l'étrange, insistante, cruelle mais sans pathos "litanie" du verbe "couper".
Il est omniprésent, tout-puissant et pourtant si "banal" dans sa simplicité lexicale.
C'est ça "la banalité du mal" dont parlait Hannah Arendt, couper pendant cent jours tel un fonctionnaire, de huit heures du matin à quatre heures de l'après-midi, plus de 800 000 chairs, 800 000 vies, rentrer le soir pour retrouver son train-train quotidien, faire sonner le réveil le matin pour repartir à la tâche et effectuer cette dernière machinalement, répétitivement...
Comme le disait Primo Levi : "ceux qui sont dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires, prêts à croire et à obéir sans discuter."

Cette "banalité du mal", l'auteur a su la faire passer à travers un style épuré, d'une simplicité telle, que les 236 pages de son roman se lisent d'une traite avec aisance.
Mais l'épure et le banal ont cette qualité presque inattendue, surprenante, insoupçonnée, qu'ils sont à "double tranchant"; ces mots simples portent en leur sein tout le poids du tragique, toute l'horreur du crime, toute l'injustice de la faute inexpiée... parce que inexpiable ?

J'ai pas mal de lectures à mon actif sur le génocide rwandais de 1994. Les dernières étant – Notre-Dame du Nil – de Scholastique Mukasonga et – Petit Pays - de Gaël Faye.
J'avoue qu'il faut un très bon bouquin pour ne pas me donner l'impression du "déjà lu"...
- Magnifique – a réussi par son apparente simplicité, sa force contenue, ses cris rentrés à m'offrir ce type de lecture revisitée, renouvelée...

Magnifique est une jeune fille tutsie d'une grande beauté, une petite villageoise de dix-sept ans, qui vit dans un petit village rwandais où cohabitent, sous tension(s), Hutus et Tutsis.
Magnifique est la fille d'un couple dont le père est un agriculteur modeste ; la mère tricote.
"Elle tricotait des pulls, des jupes, des napperons, dont nous n'avions nul besoin. Quand la laine se mit à manquer, elle continua à tricoter. Elle restait le plus souvent dans la maison, entrechoquant ses aiguilles sans fil."
Leur vie est rythmée par le travail du père, l'école où se rend Magnifique, les brimades que les Hutus réservent aux "cancrelats" que sont pour eux les Tutsis et l'écoute de la Radio Mille Collines.
Le 6 avril 1994, après le crash de l'avion du Président rwandais, le massacre commence.
Magnifique va être l'unique rescapée tutsie de son village.
Recueillie par une organisation humanitaire, elle va s'éprendre de Jérôme, un jeune homme suisse qui est tombé sous le charme de Magnifique et qui la veille jour et nuit durant ses longues semaines d'hospitalisation.
Jérôme est Suisse.
Follement amoureux de Magnifique, il va l'épouser.
Ils vivront à Genève dans une belle maison, auront des enfants... mais la jeune fille tutsie portera toujours en elle l'indicible...
Au cours d'une visite médicale, elle apprend qu'elle est atteinte d'une tumeur et doit être opérée.
Sentant sa fin possible, Magnifique décide de coucher sur le papier tout ce qu'elle a vécu et dont elle n'a jamais parlé.
Le cahier devra être remis à Jérôme si l'intervention se passe mal...

À travers le drame intime de Magnifique, l'auteur réussit le tour de force de faire revivre celui du génocide et, ce passage m'a bluffé, au prétexte d'une émission télé à laquelle Magnifique est invitée en qualité de témoin face à un contradicteur érudit, le génocide en question est abordé, "analysé" sous différents angles qui sont rarement ou peu évoqués dans des romans de ce genre. Beaucoup de questions sont alors posées dont L Histoire donnera un jour peut-être les bonnes réponses... Un passage très "déstabilisant" mais subtilement insidieux de l'ouvrage.

Je ne veux pas en dire davantage.
Lisez ce livre, dont la lecture est à la fois plaisante, touchante, interpellante et offre matière à réflexion.

Je tiens à adresser un grand merci à Babelio et aux éditions Télémaque pour cette excellente découverte.
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« La journaliste m'avait interpellé un après-midi : « Nous avons eu connaissance de votre histoire et l'avons trouvé fascinante. Nous voudrions vous inviter à notre prochain débat qui sera consacré au vingt-cinquième anniversaire du génocide rwandais. »

Magnifique est son prénom. Horrifique est son histoire.

Lorsque je raconte cette lecture à des amis, les mots affluent comme un torrent, la colère se déverse en vrac contre tous ces manipulateurs et tous ces pantins manipulés armés de machettes. Contre toute cette haine. le dégout me fait débiter des idioties dont je ne suis même pas capable.
Pourtant, devant ma feuille blanche, rien ne s'évacue, un peu comme Magnifique dont les mots restent bloqués dans la gorge, refusant d'expulser l'horreur. Garder les images de la traîtrise et de la lâcheté derrière ses paupières fermées mais tremblotantes c'est comme protéger ses proches.

« Ta mère s'est penchée sur moi. Elle m'a caressé la joue avec son doigt. Elle a dit : « le voyage a dû être long...» Elle savait surement que le voyage avait commencé avant l'avion...»

Magnifique est retrouvée inconsciente sous les corps de ses parents morts. Coupés.
L'amour de Jérôme, médecin Suisse, patiemment, passionnément, courageusement, l'arrachera à son destin de Tutsie.

« Je découvrais que, quand tu étais là, les souvenirs s'éloignaient. C'est pour ça qu'encore aujourd'hui, je déteste quand tu pars en mission, j'ai toujours l'impression que les souvenirs vont en profiter pour revenir m'écraser.

Ce roman est passionnant autant que bouleversant. Pudeur, tendresse, émotion et monstruosité sont dans la même civière.

Grâce à son parcours professionnel, l'auteur maitrise parfaitement ce sujet. J'ai eu parfois l'impression que ce roman pourrait être qualifié de récit tant son analyse des causes profondes de ce génocide est clairement formulée.

Et puis, « Ce qui est drôle, c'est que tu sois un des hommes les plus informés au monde sur les massacres et que tu croies encore qu'il y a des bons et des méchants. Il n'y a que des méchants dans cette affaire. »

Heureusement, qu'il n'y a que des gentils chez Babelio de m'avoir choisi en MPC et d'autres gentils aux éditions Télémaque de l'avoir mis sous pli. Je les remercie.

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Quand le médecin annonce à Magnifique Umuciowari qu'elle a une tumeur sur le nerf auditif et qu'il doit l'opérer, la petite voix et les souvenirs reviennent. Elle pense que c'est le moment de raconter à Jérôme, son époux, ce qu'elle a vécu vingt-huit ans plus tôt. Mais elle n'arrive pas à parler. Elle décide alors de lui écrire son histoire. le texte lui sera remis si l'opération tourne mal.

Magnifique est née le 27 août 1977, à Massongo, au Rwanda. Elle est tutsie. En 1994, elle avait dix-sept ans. Son père avait peur pour elle, il l'implorait de ne pas s'attarder sur le chemin de l'école, de ne parler à personne et de ne pas réagir aux provocations. « Il m'avait expliqué que, depuis 1990, la guerre entre le Front Patriotique Rwandais tutsi emmené par Kagame et l'armée rwandaise aux mains des Hutus faisait rage. » (p. 13) Pendant les mois qui précédèrent le génocide, il ressentait la tension montante. Quand le 6 avril 1994, l'avion du Président a été abattu, il lui a dit : « Tout peut arriver maintenant… le meilleur comme le pire…» (p. 23) C'est le pire qui s'est produit. « Pendant trois mois, de 800 000 à 1,2 million de personnes furent massacrées, en majorité des Tutsis, mais également des Hutus modérés opposés au pouvoir hutu en place. » (p. 154)

Dans la première partie, Magnifique relate le massacre auquel elle a, miraculeusement, survécu : le rassemblement dans l'église des Tutsis du village, puis les « chlak, chlak » des machettes et les corps qui tombaient. Elle a vu les Hutus couper ses voisins et les membres de sa famille. Dans tous le pays, les mêmes scènes sanglantes survenaient avec une régularité de métronome, avec pour objectif de supprimer tous les Tutsis. La rescapée raconte l'instinct de survie qui lui a permis de s'échapper, de se cacher et de survivre. Avec une économie de mots poignante, elle décrit l'indicible ; son récit est âpre et factuel. J'ai été ébranlée par les horreurs auxquelles elle a assisté et par la violence des faits. J'ai été admirative de son ingéniosité et de son courage. J'ai été touchée par sa difficulté à affronter ses souvenirs traumatisants.

Dans la deuxième partie, l'auteur s'attarde sur la perception des responsabilités du génocide rwandais, sur les aspects géopolitiques et historiques, sur le stress post-traumatique des survivants et sur leur impossibilité d'affronter leurs souvenirs. Vingt-cinq ans après le cauchemar, une émission de télévision illustre ces thématiques. Magnifique est confrontée à un chercheur du Centre de défense de la culture hutue. le débat, dont le thème est « La réconciliation entre Hutus et Tutsis après les évènements de 1994 », est houleux et paralysant pour elle. J'ai été intéressée par l'analyse historique des événements. L'opposition des deux ressentis est perturbante.

Je terminerai par un mot de la photographie de couverture. L'éditeur indique qu'elle « fait écho de manière terrible et troublante à un passage du livre. » Elle est visible dans son intégralité sur le site des Éditions Telémaque. Je l'ai visualisée à la fin de ma lecture et j'ai été meurtrie par la scène saisie au Rwanda, en juillet 1994, par Patrick Robert, grand reporter à l'agence Sygma.

Magnifique est un devoir de mémoire qui m'a bouleversée.

Je remercie sincèrement Babelio et les Éditions Télémaque pour cette masse critique privilégiée.

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Magnifique est la fille unique d'un couple Tutsi. Elle est belle, soigne ses ongles, rêve de devenir « Miss » de sa région quand son pays bascule dans l'horreur. Témoin de la pire abomination, elle est une des rares rescapées. Elle est recueillie dans un centre du CICR. le directeur général, Jérôme, un jeune huguenot de Genève, la remarque. A partir de ce moment va commencer une de ces histoires d'amour rares, difficiles, sublimes.

Dans ce roman, où, tel un funambule, le lecteur passe de la vie paisible d'une banlieue chic de Genève aux pires massacres d'un genocide ignoré de notre XXIEME siècle, Jean Félix de la Ville Baugé nous emmène aux limites intimes de notre propre humanité, aux confins de nos lâchetés, mais aussi, aux splendeurs de l'amour qui, parfois, rarement, sauve.
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Jean-Félix de la VILLE BAUGE. Magnifique.

Je dois remercier chaleureusement Babelio, en particulier Nathan et les éditions Télémaque pour l'envoi de ce merveilleux roman. Magnifique le prénom de l'héroïne est dévolu comme titre à ce roman. Mais il nous narre une histoire horrible, nous rapporte des faits abominables, nous décrit des scènes apocalyptiques, irréelles, des exactions dignes de personnes complètement hors normes. C'est la GUERRE et qui plus est une guerre tribale, fratricide….

Je reviens du Rwanda, et par un étrange concours de circonstances, ce livre reçu dans la cadre d'une masse critique privilégiée, je me rends à nouveau dans ce pays.. Après avoir suivi le périple de CORNEILLE, chanteur, rappeur, compositeur, écrivain, auteur, je pose mes pas dans ceux de Magnifique. Qui est donc cette femme ? Nous allons faire sa connaissance. Une victime du génocide de 1994, une rescapée, une naufragée saisie par un homme qui lui a sauvé la vie, l'a reconduite sur la rive et lui a donné beaucoup d'amour.

L'action se déroule à Massongo. Au Rwanda, en 1994, il y a environ un million de tutsis et 10 000 hutus. Jeune adolescente, âgée d'environ dix-huit ans, Magnifique Umuciowari est née de parents tutsis. Son père est un éleveur, un homme de la terre, paisible mais fort lucide ; sa mère tricote même lorsqu'elle n'a plus de laine. le cliquetis des aiguilles dévore le silence. Magnifique est une jeune lycéenne, encouragée fortement par son père à poursuivre ses études afin de quitter son pays natal. Une enfance banale, heureuse, dans une ville calme où tutsis et hutus vivent en toute quiétude, se fréquentant au quotidien, se saluant. Les enfants de ces deux ethnies fréquentent les mêmes établissements scolaires. Au cours des années 1990, des tensions s'élèvent entre les deux tribus. Chacun veut exercer sa prédominance et assujettir son voisin. le père de Magnifique est un visionnaire. Il anticipe les futurs évènements dramatiques qui se dérouleront dans son pays, exhortant à sa fille unique de ne pas répondre aux attaques de ses compagnons hutus.

le 6 avril 1994, l'avion présidentiel est abattu en plein vol. C'est le début des exactions Les hutus, nantis de machette massacrent les tutsis.Le carnage dure environ cent jours…. Hier, votre voisin vous adressait la parole, aujourd'hui il vous poursuit avec sa machette et vous tranche la gorge. Magnifique sera témoin de l'assassinat d'une grande partie de la population de son village. Un gigantesque massacre de la population a lieu dans le lieu sacré : l'église du village. Magnifique fait partie des rescapés miraculeux de Massongo, elle qui se voyait miss va connaître une autre destinée. Elle va vivre des jours, des nuits, s'ensevelissant dans la terre, au milieu des décombres, des morts, dans un véritable no man's land, sortant uniquement la nuit afin de manger, boire, disparaissant dans son trou, pour échapper aux belligérants qui égorgent à tout va. Il faut trouver la solution finale et régler définitivement le problème des tutsis. Un génocide mené de main de maître : tout avait été prévu en amont.

Magnifique va poursuivre son périple. Sortant de sa cache, elle va se mêler au flot de réfugiés qui fuient le pays en ordre dispersé. Des hommes, des femmes, des enfants, tous, le regard hagard mettent, tant bien que mal un pied devant l'autre. L'exode…. Et au détour d'une route : un camion blanc et des militaires, veste et pantalon kaki…. . Magnifique s'évanouit. Elle se réveillera quelques jours plus tard à l' hôpital du camp de réfugiés. Sauvée, et par quel miracle ! Jérôme Auskl, le chef de la délégation du Comité International de la Croix-Rouge, va prendre soin de notre héroïne. Il veille quotidiennement sur sa protégée. Il la conduit même en Suisse, là où il réside et l'épousera, malgré l'opposition de son père à cette union : un blanc s'unissant à une noire ! Elle lui donnera deux enfants. A la veille d'une délicate opération de l'oreille, Magnifique écrit une confession à son époux, son sauveur. Elle lui raconte son parcours, sa traversée de ce pays en proie à une guerre fratricide. Est-il possible de se reconstruire après avoir vécu de tels évènements, des meurtres accomplis de sang-froid sous ses yeux, avoir assisté à l'assassinat de ses parents, découvrir sur le bord des routes des centaines de cadavres, d'hommes, d'enfants, de bébés, de vieillards, avoir connu la faim, la soif, le froid, marcher, marcher encore et encore pour s'éloigner de ces lieux maudits.

Ces aveux qu'elle désire lui faire partager, la replonge dans son deuil. Des images insoutenables sont imprimées à tout jamais dans sa mémoire. Jean-Félix de la VILLE BAUGE, nous dresse un portrait saisissant de Magnifique. Cette femme qui, au fil des ans a pu se construire, se reconstruire, entourée, portée par l'amour de son époux et de ses enfants. Cependant cette reconstruction n'est pas complète. Des cicatrices, des larmes, des gouttes de sang jalonnent son quotidien. Est-il possible d'avoir une vie dite « normale », après avoir traversé de telles épreuves ? Peut-on et doit-on accorder son pardon à ceux qui nous ont blessés, amputés d'une partie de notre famille, piétinés nos racines, nous ont forcé à l'exil ? Jean-Félix a trouvé les mots pour faire vivre, revivre la vie d'une rescapée des exactions commises dans ce pays détruit par ses propres habitants et qui ne peut effacer les traces de ce génocide. Merci pour ce récit vibrant, pathétique. Toutes mes félicitations pour la qualité de l'écriture, incisive, mordante, accrocheuse. Je recommande la lecture de ce témoignage extrait des diverses missions humanitaires au quatre coins de la planète de cet auteur. Je vais me plonger dans ses précédentes narrations. Bonne journée à tous et découvrez de nouvelles pépites littéraires, que vous nous ferez partager.
(08/08/2023).
Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Vous savez pourquoi je passe tellement de temps à vous présenter des livres sur ma page web ? Parce que c'est mon dernier espace de liberté, avec mes livres. Sur les réseaux sociaux, je suis libre, mais pas autant.

Je pèse mes mots : écrit avec un nom de plume (féminin et à consonance étrangère), ce livre gagnerait des prix. Il est meilleur que des Goncourt que j'ai lus.

Malheureusement pour ce livre, heureusement pour l'émergence de nouvelles têtes, les livres de quinquagénaires blancs, sauf des transclasses, ne sont pas à la mode. Un prénom composé et un nom à particule font fuir même les plus curieux. Je n'aurais jamais lu ce livre si je n'avais pas écouté l'auteur lors d'une rencontre littéraire à Lisbonne. Cet écrivain avec 4 romans dans sa besace, juriste, un port altier à la BHL, avait prouvé qu'il avait des heures de vol dans l'humanitaire. Techniquement, Magnifique n'est pas un roman, il comporte moins de 40 000 mots, c'est une novella. Les éditions Télémaque savent que c'est moins vendeur de le dire, ils imitent Albin Michel qui nous font le coup chaque année avec les « romans » d'Amélie Nothomb.
Bref, en un mot, son livre est une « réussite ». Magnifique est l'histoire d'une rescapée tutsie du génocide rwandais, de son village jusqu'aux lacs suisses. Il vous imposera des réflexions tant intimes que politiques.

Le style de Jean-Félix de la Ville Baugé (vingt secondes pour écrire son nom) est épuré, sans adjectif ou presque. Les rares descriptions confèrent aux présentes une efficacité redoutable. Les phrases, délibérément courtes, sans sentimentalisme, collent avec un récit où les coups de machette traumatisent.

Toute ma reconnaissance envers cet auteur pour nous proposer un livre si intelligent.

Lien : https://benjaminaudoye.com/2..
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Vingt-huit ans après le génocide rwandais, Magnifique Umuciowari est contactée par une journaliste de la télévision suisse afin de lui demander de participer à un débat sur la question de la réconciliation. Elle accepte et se retrouve face à un blanc bec d'à peine trente ans, ("face à" il faut le dire vite car il lui tourne quasiment le dos tout au long de l'émission !) qui n'a pas connu ce dont il parle et assène une histoire fermement ancrée sur ses positions de défenseur des Hutus. La haine est encore palpable 28 ans après...

Magnifique, jeune fille Tutsie rêvant d'etre élue Miss Massongo, n'avait pas encore 18 ans lorsqu'elle a vécu le massacre. Seule survivante de sa famille et de son village, elle a été ramenée en Suisse et épousée par Jérôme, membre du Comité International de la Croix-Rouge. Elle a des enfants, mais pour autant arrive-t-elle à se laisser aller à cet amour dont l'enveloppe cet homme depuis tant d'années ?

C'est le quatrième roman que je lis sur le génocide rwandais et j'avoue que j'avais un peu peur, je me disais que ce serait difficile après Petit Pays de Gaël Faye et J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi de Yoan Smadja notamment, d'immenses coups de coeur.
Mais Magnifique est un très beau roman, avec un portrait de femme au prénom prédestiné. Et les connaissances socio-politiques de l'auteur ( Il était au Rwanda l'été 94) en font un roman passionnant loin de tout manichéisme. Ces histoires de rivalités avec la bénédiction des uns, l'inertie des autres, sont absolument terribles et révélatrices de la noirceur qui peut habiter tout homme habilement manipulé pour qu'il fasse appel à des pulsions ancestrales indignes d'un homme civilisé...
Un roman qui se lit d'une traite, porté par une plume très fluide, que je découvre, habilement construit et malgré les horreurs du massacre dont on ne peut, et ne doit, pas faire l'économie, d'une grande délicatesse et justesse humaine...
Un roman que je vous recommande.

Merci à Babelio et aux éditions Télémaque pour cette lecture privilégiée en avant-première. Magnifique sera en librairie le 7 septembre 2023





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« Magnifique » est une magnifique héroïne, un magnifique roman, une magnifique histoire d'amour.
Magnifique est une survivante de la guerre au Rwanda et même si son histoire est difficile à lire, ce roman est une merveille et cette femme porte magnifiquement bien son nom.
J'ai été totalement bouleversée par ce livre.
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