Dans un futur proche marqué par les catastrophes climatiques, l'Homme ayant irrémédiablement abîmé la planète, deux soeurs séparées luttent pour se retrouver. Roman d'anticipation, fable écologique doublée de questions plus philosophiques sur la nature de l'homme et la question classique sur la primauté homme/robot… autant de thèmes étreints par «
Ceux qu'il nous faut retrouver » de manière plus ou moins attendue.
«
Ceux qu'il nous faut retrouver » nous plonge dès le début dans les pensées de Kasey Mizuhara, une jeune adolescente vivant dans l'une des plus hautes strates de l'éco-cité, cette immense cité en forme de goutte d'eau flottant dans le ciel créée par ses parents au moment où les aléas climatiques ont rendu la Terre invivable et dangereuse. Régie par l'organisation C2P, cette cité accueille de manière très sélective les réfugiés climatiques, ceux-ci étant choisis en fonction de leur empreinte écologique mais aussi de celles de leurs aïeux (inutile de préciser que les gens ayant travaillé de près ou de loin pour des entreprises écocides resteront sur la terre souillée…). Une fois sur place, ils profitent d'ailleurs de privilèges plus ou moins grands en fonction de leur rang « écologique », lequel s'affiche publiquement, avec leur nom au-dessus de leur tête, à certaines occasions. Tout le monde vit dans cette cité de la manière la plus « propre » possible en ne projetant que leurs hologrammes depuis leur caisson ; les logements sont réduits au strict nécessaire ; plus personne ne s'alimente vraiment, et une puce implantée à la base de leur crâne, l'Intraface, leur procure les applications plus ou moins essentielles à la vie (des calculs de leurs statistiques médicales et conseils pour les améliorer à la proposition de sujets de conversation…).
Dans cette vie aseptisée, Kasey se sent seule, depuis la mort de sa mère, haut-responsable du C2P, qui a creusé une distance entre elle et sa soeur Celia, puis depuis la disparition, il y a quelques mois, de cette dernière (Celia, dernière adepte de baignades en pleine mer et étouffant dans le cadre de l'éco-cité, a pris un bateau et disparu en pleine mer). Kasey est en effet une jeune fille assez dénuée d'empathie et de compétences sociales, ce qui l'isole d'autant plus des autres, elle qui ne cherche déjà pas vraiment leur compagnie. Kasey se culpabilise donc de ne pas chercher plus activement sa soeur, jusqu'au jour où elle perçoit le signal de l'Intraface de sa soeur, quelque part dans les strates inférieures de l'éco-cité… C'est le début d'une quête qui mènera Kasey très loin, l'éco-cité faisant face au même moment à un mégaséisme causant sur Terre la mort de millions de personnes et poussant le C2P à trouver une solution durable pour sauver l'humanité de la disparition.
Mais Kasey n'est pas la seule narratrice du roman, ses chapitres étant intercalés avec ceux dédiés à Cee, une jeune fille échouée depuis quelques années sur une île déserte, et qui cherche par tous les moyens à s'en échapper, obsédée qu'elle est par l'idée de retrouver sa soeur se trouvant quelque part au-delà des mers. Qui est Cee, cette jeune fille intrépide et sympathique, dont les souvenirs semblent revenir au fur et à mesure ? A-t-elle un lien avec Kasey ?
N'étant pas une férue de science-fiction – ce roman est d'ailleurs le premier que je lis de ce type –, je ne suis peut-être pas la plus apte à juger l'originalité de ce roman. N'empêche que je l'ai bien aimé, même s'il faut s'accrocher au début pour bien comprendre et s'habituer aux subtilités de la vie dans l'éco-cité ou même les réflexions et réactions de Kasey, tant elle est spéciale (on peut reprocher d'ailleurs à l'autrice d'avoir un style un peu plat, et de faire quelques raccourcis dans ses développements, bien que le roman soit un gros bébé de plus de 500 pages !). le rebondissement principal n'est pas terriblement surprenant non plus (il faut dire qu'il se devine très facilement) même si c'est bien joué de la part de
Joan He de l'avoir placé aux deux-tiers du roman en ce qu'il offre un regain d'intérêt (cela m'a rendue curieuse de savoir comment l'histoire allait continuer et se terminer).
J'ai surtout aimé le fait que cette histoire, malgré ses côtés attendus, permettent de réfléchir sur des questions variées, et d'importance en ce moment : comment sauver l'humanité de catastrophes climatiques dont elle est responsable ? Est-ce que repartir de zéro permettrait de recommencer sur des bases plus saines, ou l'Homme est-il de nature un égoïste avide de confort personnel au détriment de la nature ? D'ailleurs, qu'est-ce qu'être humain, dans un monde où la technologie semble prendre le pas ? Quelle vie est alors la plus importante : celle d'un robot ou celle d'un humain ?
La quatrième de couverture évoque la série Black Mirror, ça n'est pas complètement faux en ce que le roman dispense une ambiance futuriste et eschatologique plutôt sombre et semblant sans espoir (la fin ouverte laisse le choix au lecteur).
Joan He réussit ainsi à créer un monde très crédible, notamment par ses nombreux détails, qui même s'il n'est pas très optimiste, m'a sortie du quotidien. Une bonne lecture !