Père maîtrise l'ensemble des catalogues, mais ne souhaite pas qu'un de ses élèves puissent un jour rivaliser avec lui. Ainsi la moindre tentative est brutalement châtiée. Il génère ainsi la méfiance et un esprit de pré-carré entre les enfants ou la compétition acérée remplace l'idée d'entre-aide. David devient d'une cruauté saisissante s'épanouissant avec la découverte et l'apprentissage de son catalogue. Que peut faire une Carolyn avec les langages mis à part s'endurcir ?…
Ces premiers chapitres furent presque une épreuve, j'ai même été sur le point de refermer le roman dès le premier, ce qui ne m'arrive quasiment jamais.
Cependant, une petite flamme maintenait mon intérêt. Une flamme qui a pris davantage d'ampleur au fur et à mesure.
Déjà le récit alterne entre le présent qui relate la recherche de Père qui a subitement disparu et le passé qui détaille les phases clés de l'éducation. Cette structure d'une fausse simplicité apporte du suspens et renforce la dramaturgie, soulignant habillement chacune des phases. Ainsi, plus le lecteur avance dans le récit, plus se trouve-t-il pris dans la toile de
Scott Hawkins.
Carolyn happe le lecteur. Elle exerce une forme de fascination entre cette vulnérabilité initiale, un sentiment de petite chose fragile, et l'intuition qu'elle possède une force et une détermination incommensurables. Elle est si paradoxale, si énigmatique dans ses forces et faiblesses qu'elle éveille une grande curiosité. En tant que lecteur, j'ai navigué entre l'empathie et la répulsion…
Répulsion, oui car aucun de ces enfants/adultes ne provoque la sympathie ou l'attachement tant ils sont tarés, barrés, flingués du cerveau, barbares du coeur. La compassion nous en éprouvons, mais elle est systématiquement douchée par un acte ou un comportement dérangeants. Seuls les protagonistes secondaires comme Steve et Erwin, pleinement humains nous raccrochent à une certaine « rationalité ». Ou les animaux (Naga, la lionne).
Outre son originalité, cette fantasy urbaine est marquée par cette folie qui imprégne la psychologie des personnages, le cadre démesuré de la Bibliothèque, la démence de certains comportements,… Mais les motivations demeurent rationnelles, tout comme la trame qui ne sombre jamais dans le délire. D'ailleurs cela peut paraître paradoxal car sous ce parfum timbré, nous sentons bien que Scott Hawkin mène son histoire et que jamais il ne se laisse déborder par les lubies ou l'extravagance de ses personnages. Tout à un but, ici.
A la suite ce cette lecture, vous verrez les bibliothécaires d'un oeil nouveau et peut-être admiratif.
La Bibliothèque de Mount Char se paie le luxe de l'extravagance et cela fonctionne, exerçant une fascination sur son lectorat grâce à une imagination débordante, des personnages solides et une histoire qui donne dans la démesure.
Critique plus complète sur mon blog
Lien :
https://albdoblog.com/2017/1..