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EAN : 9782021461824
224 pages
Seuil (10/09/2020)
3.41/5   149 notes
Résumé :
Claude a quarante ans, et elle les fait. Sa vie est un désert à tous points de vue, amoureux et professionnel ; au RSA, elle va être expulsée de son appartement. Aussi quand un mystérieux juriste américain la contacte sur Linkedin – et sur un malentendu – pour lui demander d’enquêter sur la disparition d’une famille moyennant un bon gros chèque, Claude n’hésite pas longtemps. Tout ce qu’elle a à faire c’est de louer la villa « isolée en pleine campagne au fond d’une... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (59) Voir plus Ajouter une critique
3,41

sur 149 notes
Merci à l'équipe de Babelio pour la Masse Critique d'octobre et aux Editions du Seuil pour cette super surprise !

Claude a quarante ans, elle est chômage et va être expulsée de son appartement. Elle est contactée par un juriste américain qui lui demande d'enquêter sur la disparition d'une famille l'année précédente pendant leur séjour dans une villa " isolée en pleine campagne au fond d'une région dépeuplée”

Un roman trépidant où Claude affronte la précarité, le froid, la solitude ainsi que le rejet des villageois et du Manoir. Elle nous mène du rire à nos terreurs enfantines sans temps mort !

Quelle imagination fertile et quelle maîtrise de l'intrigue ! La fin est inattendue et je me demandais par quelle pirouette Catherine Dufour allait sortir son héroïne de la situation complexe où elle l'avait mise !

Un roman agréablement déjanté qui traite d'une façon improbable la vie d'une chômeuse désargentée mais pas dépourvue d'idées et de caractère !

CHALLENGE MAUVAIS GENRE 2020
CHALLENGE ABC 2020/2021
MASSE CRITIQUE OCTOBRE 2020
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On pourrait dire que Au bal des absents est un livre de genre. Mais, après avoir dit ça, bien malin celui qui arrivera à lui coller une seule étiquette.

Roman horrifique sans aucun doute, mais plus proche du détournement. Roman social, clairement. Un vrai roman noir donc, de ceux qui allient divertissement et sujets de fond. Avec, en prime, l'ingrédient essentiel pour bien l'ancrer dans l'imaginaire : une plume virevoltante.

En 210 pages, Catherine Dufour m'a retourné la tête (souvenons-nous de la scène de L'exorciste), s'est insinuée dans mon esprit (à la manière des Griffes de la nuit), m'a scotché aux lignes (comme Poltergeist à l'écran), à la limite de me rendre dingue (comme Jack dans Shining). Avec une envie de hurler digne de la scène culte de Psychose (sauf que c'est de rire).

Ce roman est à strates. Une bonne partie des scènes est à lire à plusieurs niveaux, au minimum à double sens.

Alors, si on lit les mots sans réfléchir, oui c'est une histoire d'horreur qui part dans tous les sens. Sauf que ce serait perdre raison que de lire un livre ainsi, non ? A fortiori celui-ci.

Au-delà de l'ambiance anxiogène (venant de l'au-delà), le récit est aussi un hommage aux livres et films de ce mauvais genre. Figurez-vous que le personnage principal décide de s'informer sur les moyens de combattre le Mal occulte en lisant et visionnant les classiques. Les références défilent, Stephen King ou Graham Masterton, et de nombreux films (que notre « héroïne » regarde en se cachant les yeux et en accélérant les scènes les plus dures, c'est dire son courage initial).

Hommage et parodie, car qui aime bien charrie bien. L'autrice s'en donne à coeur joie dans la singerie de ces références, pour apporter une grosse touche d'humour noir. Avec respect.

Mais très vite, on comprend qu'il faut gratter derrière les apparences (quitte à se casser les ongles et se retrouver métaphoriquement en sang). Claude, notre héroïne qui s'attaque aux forces du Mal, les voit surtout comme une symbolique de sa vie ratée, dans une société pourrie par les racines. Alléluia allégorique.

Son vrai monde, son quotidien, c'est le RSA, les parcours interminables et les formations ubuesques de Pôle emploi, la déchéance. Alors, quand on a vécu des telles horreurs au quotidien, ce ne sont pas quelques monstres ou fantômes qui vont lui faire plus peur que de devoir déposer un dossier en ligne sur les serveurs défaillants de l'Agence.

Très vite, on comprend que ce récit, sombre, drôle et irrévérencieux, sert à divertir mais surtout à dresser le portrait d'une laissée-pour-compte à laquelle on s'attache. Sans doute parce que jamais l'écrivaine ne tombe dans le larmoyant.

Claude est une femme qui n'a plus rien, qui personnifie ses malheurs au travers de portraits de gens rencontrés à Pôle emploi. Et qui n'a donc plus rien à perdre. Quitte à tenter de gagner une maison hantée en bottant les fantômes dehors.

Claude se croit faible, mais elle est forte. Un personnage auquel on s'agrippe, parce que ce qu'il a vécu sonne juste. La vraie vie vs les inventions de l'imaginaire.

Franchement, ce roman est un vrai pari. Il aurait pu faire un four (désolé pour ce mauvais jeu de mots…). L'intrigue semble vite partir dans tous les sens et dans le délire. Foutraque, démentielle, déviante. Au point qu'on se demande si Catherine Dufour n'est pas en roue libre.

Sauf que non. Parce que sous un ton frivole, il y en a un autre, plus grave. Mieux vaut rire de l'enfer. Parler de la déchéance sociale à travers une intrigue aussi folle, il fallait oser. L'emballage ne fait pas le contenu, et une fois le grand déballage de la vie de Claude étalé, on ne peut que réfléchir au sens de sa vie.

Et puis, cette fin… Parfaite conclusion et formidable résumé de ce qu'est l'esprit de ce livre. Horrifiquement sociale.

Le bal des absents est sans doute un livre à ne pas mettre entre toutes les mains, mais qui pourtant est à recommander chaudement. Catherine Dufour propose un univers atypique, à la forme délirante et au fond qui parle de la plus vraie des horreurs : la déchéance sociale. Très étonnant moment de lecture.
Lien : https://gruznamur.com/2020/1..
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Rien ne va plus pour Claude.
A 40 ans, elle se retrouve au RSA et doit quitter son studio.
Un message sur Linkedin lui sauve la mise : contre un chèque plus que confortable, elle est chargée d 'enquêter sur la disparition d'une famille américaine dans un coin perdu de France.
Sans aucune attache, elle accepte et se retrouve dans un charmant petit manoir mis à sa disposition.
Et là, c'est le début de l'horreur :
Une foule de fantômes s'acharne à lui pourrir la vie.
Mais……. elle n'a pas dit son dernier mot.
Ah oui, elle s'accroche Claude, mais le lecteur aussi doit s'accrocher, et avoir le coeur solide.
L'ambiance est tellement bien rendue qu-il faut lâcher le livre de temps en temps pour reprendre pied dans la vie réelle.
Catherine Dufour nous entraîne avec talent dans une aventure éprouvante pour les nerfs, et tout cela tambour battant, sans qu'on puisse bien reprendre notre souffle.
Mais ce n'est pas qu'une histoire d'horreur.
C'est aussi un tableau de la société où il est si facile de nos jours de perdre pied, comme Claude.
D'ailleurs elle identifie le plus virulent des fantômes de la maison à sa conseillère Pôle Emploi, qui se délecte à mettre à genoux ceux que le sort a abandonné.

Merci infiniment à Babelio, à Catherine Dufour et aux éditions du Seuil
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Septembre 2020 aura été un mois chargé pour Catherine Dufour puisque cette rentrée s'accompagne de la parution de deux nouveaux ouvrages de l'autrice, publiés respectivement chez le Bélial et au Seuil. « L'arithmétique terrible de la misère » est un recueil de nouvelles sombres et corrosives décortiquant différents aspects de notre futur (la flexibilisation du travail poussée à l'extrême, les réfugiés climatiques, le nucléaire…), tandis que « Au bal des absents » est un roman d'horreur-fantastique bourré d'humour noir pour lequel j'ai eu un énorme coup de coeur. L'autrice y met en scène une quarantenaire, Claude, qui a été victime il y a quelque temps de ce que la « start-up nation » appelle aujourd'hui un « plan social » (comprenez plutôt « plan de licenciement »). Or, avec toute la bonne volonté du monde et malgré les formations plus infantilisantes et inutiles les unes que les autres proposées par Pôle Emploi, Claude ne parvient pas à retrouver un travail. La voilà en fin de droit, seule, et bientôt à la rue. C'est alors qu'une opportunité se présente à elle sous la forme d'un message sur Linkedin : on lui propose de se rendre dans un petit village paumé de province pour y enquêter sur la disparition d'une famille américaine qui se serait volatilisée il y a plusieurs mois après avoir loué un magnifique manoir isolé dans la région (son CV indique toujours la trace de son très bref passage à la préfecture de police, d'où le probable intérêt de cet étrange employeur). L'affaire paraît louche mais la rémunération est plutôt conséquente, et il est prévu qu'elle puisse être hébergée sur place. C'est comme ça que Claude débarque à Tante Colline, superbe domaine où a été aperçu la famille concernée pour la dernière fois et où il est prévu qu'elle loge. le problème, outre le fait que personne dans les environs ne semble se soucier de la disparition des Américains, c'est que Claude manque mourir de terreur la première nuit, lorsqu'une présence manifestement très hostile lui fait comprendre qu'elle n'est pas seule dans le manoir, et surtout qu'elle n'y est pas la bienvenue. Un fantôme, donc. Mais un fantôme du genre coriace : méchant, vicieux, sans pitié… Tout le portrait de sa formatrice Pôle Emploi à qui Claude décide de donner le nom au spectre qui hante Tante Colline : Colombe. Or, ce que Colombe n'avait pas anticipé, c'est que cette nouvelle intruse se révélerait aussi déterminée puisque n'ayant plus grand-chose à perde. Pour Claude, la situation est simple : c'est le fantôme, ou elle.

Le roman est court (un peu plus de deux cents pages) et se dévore à une vitesse ahurissante : prévoyez une large plage horaire de lecture en journée ou préparez-vous à passer une nuit blanche ! Impossible en effet de reposer l'ouvrage tant la tension et le suspens entretenus par l'autrice sont presque insoutenables. le récit alterne entre des scènes de répit qui permettent de souffler un peu et de tenter de mieux cerner la situation, et des scènes d'action mettant les nerfs du lecteur à rude épreuve et qui voient Claude retenter plusieurs incursions dans le domaine. Les confrontations entre l'héroïne et le fantôme sont toutes plus terrifiantes les unes que les autres, sans que l'autrice ne se livre pourtant à une débauche d'effets. Il suffit d'un regard qui ne devrait pas être là dans le miroir, de bruits de pas entendus à l'étage, ou encore d'illusions qui brouillent les repères spatiaux, et voilà Claude et le lecteur avec le palpitant à dix milles et une furieuse envie de courir se mettre à l'abri de cette présence écrasante d'intelligence méchante. Entre deux visites à Colombe, l'autrice dépeint les conditions de vie extrêmement précaires de son héroïne ainsi que les minutieuses recherches auxquelles elle se livre afin de tenter de se protéger du fantôme et de l'éliminer. On passe ainsi des heures aux côtés de Claude à la médiathèque du bourg, à lire et regarder des romans et des films d'horreur ou à surfer sur internet pour se renseigner sur l'exorcisme, le spiritisme et autres thèmes du même acabit. On passe aussi des heures dans sa voiture, à tenter de dormir malgré le froid et la peur, dans les bistrots ou bars du coin pour tenter de se réchauffer et trouver un peu de compagnie. On compte aussi la moindre dépense, on choppe tout ce qui peut servir dès qu'on en a l'occasion et on apprend des stratégies pour pouvoir s'abriter, aller aux toilettes ou encore manger ailleurs que dans la rue. Cette plongée dans la grande pauvreté est au moins aussi terrifiante que l'idée de ce fantôme mal intentionné, et c'est en cela que réside le tour de force de l'autrice. Pour Claude comme pour le lecteur, il paraît plus acceptable de tenter de venir à bout d'une créature surnaturelle dangereuse et malveillante que d'imaginer continuer à vivre dans des conditions aussi précaires. Une prise de conscience sacrément dérangeante.

N'allez toutefois pas croire que l'autrice nous livrerait ici un récit empli de désespoir et totalement plombant pour le moral. Ce serait mal connaître Catherine Dufour et sa propension à l'humour qui transparaît dans le moindre de ses textes, et qui se manifeste une fois encore de manière savoureuse. Car Claude est quand même une sacrée héroïne ! En dépit de la précarité de sa situation et des frousses terribles que lui infligent Colombe a chaque visite, notre quarantenaire encaisse choc après choc et fait montre d'une détermination et d'une capacité d'adaptation absolument ahurissantes… le tout avec humour. Un humour noir, bourré d'ironie et qui s'accompagne souvent de rires jaunes, voire de quelques larmes, mais qui, par sa seule présence, permet au personnage (et par extension au lecteur) de trouver le courage qui lui manque et de dédramatiser la pire des situations. Difficile par conséquent de ne pas s'attacher à Claude, quand bien même elle n'a rien d'une héroïne classique et a pas mal de choses à se reprocher. La preuve qu'il n'est pas nécessaire de faire de chaque personnage féminin une bombe jeune et séduisante pour que le lecteur y trouve de l'intérêt (ce qu'un sacré paquet d'auteurs / autrices ont visiblement toujours du mal à comprendre aujourd'hui). Les personnages secondaires suscitent quant à eux majoritairement la méfiance, et à raison, puisque les capacités de nuisance de Colombe sont bien plus étendues qu'on pouvait le croire, ce qui donne là encore lieu à plusieurs scènes d'anthologies absolument glaçantes. Finalement, les seuls autres véritables protagonistes de cette histoire ne sont autre que le(s) fantôme(s) et le manoir en lui-même, dont on en vient à connaître l'histoire, les spécificités et les failles. La conclusion du roman est quant à elle pleinement satisfaisante puisqu'elle ne sombre ni dans le happy-end, ni dans la fin dépressive. Parfait !

Roman d'horreur fantastique à vous glacer le sang, « Au bal des absents » est aussi et surtout un récit sur l'extrême pauvreté et les extrémités auxquelles elle nous réduit. Tour à tour drôle ou terrifiant, le texte se dévore d'une traite tant la tension est grande et le désir de connaître le vainqueur de cette lutte sans merci entre Claude et Colombe impérieux. Un énorme coup de coeur, que je ne peux que vivement vous conseiller.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Si tu es trop pauvre pour te payer une cure de psychanalyse, le meilleur moyen d'exorciser tes démons est d'affronter une maison hantée.

Claude est aux portes de la rue mais un emploi inopiné lui permet d'éviter la case SDF. Avec pour seul bagage un sac et quelques effets, le reste ayant été vendu pour remplir un pécule bien mince, elle s'en va enquêter sur la disparition d'une famille américaine alors d'une villégiature dans un manoir. Bien que lors de cette sortie, j'étais plutôt sceptique : du fantastique, un éditeur généraliste... Mais les premiers retours avec le côté social de la chose me faisait de l'oeil. de ce que j'ai lu des maisons hantées, on y voit toujours de gros richards, et cela est salutaire pour moi. Ici, c'est la misère, la pauvreté, la vraie, celle qui fait compter chaque chose du quotidien, où chaque perte d'un objet est autant de moins sur le compte en banque, que ce soit une brosse à dent ou un rouge à lèvre. Toujours calculer, dès le premier jour du mois, en espérant qu'aucune merde ne viendra mettre à bas cet édifice fragile jusque la prochaine rentrée d'argent.

Mais point de misérabilisme ici, le roman est très drôle, mordant, l'humour n'est pas réservé qu'aux riches... Et n'oublions pas que nous sommes face à une maison hantée, avec ses morts qui peuplent chaque coin d'ombre avec quelques petites frayeurs qui émaillent le récit, entre deux parties de rigolades pour trouver comment exorciser cette faune diaboliques en éclusant tout ce que le genre fantastique a mis à la disposition : web, littérature, audiovisuel.

On ne s'ennuie pas une seconde dans cette enquête absurde, effrayante et sociale. Catherine Dufour n'a pas son pareil pour s'emparer d'un genre, le malaxer et nous le recracher avec toute sa verve et sa gouaille. Un bon moment de détente qui m'a changé du classicisme de la maison hantée. Et puis cette fin...
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
C’était une étrange idée de saisir ''faire mal'' dans Google. « En tout cas, ça donne des résultats bizarres. » Et tous les accessoires coûtaient fort cher. Finalement, Claude alla voir le prix des pinces à papier sur Amazon. « Ca fait le même usage qu’une pince à seins. En plus, j’ai l’intention de me l’attacher à l’oreille. » 1,66 euro. Elle trouverais ces bricoles-là au rayon art et loisirs de Leclerc. Elle pris son résumé à deux mains et le tendit à bout de bras, pour avoir une vue d’ensemble. « Le vrai ennemi, c’est… au fait, c’est la maison. Comme un tout. Un gros estomac. Et le vrai problème… » Elle avait peur d’entendre un rire d’enfant venant du font de la ratire, oui – un petit friselis de rire gai et cruel. Rien que d’y penser, rien que de se figurer, elle, debout dans la cuisine bleue, pétrifiée, avec ce filet de rire venant s’enrouler autour de sa gorge, elle sentait le souffle lui manquer. « Mais ce qui tue, dans un cuisine, ce n’est pas d’entendre rire ; c’est de se prendre un frigo sur la gueule. » Elle reposa ses notes sur la table. « Oui, le vrai problème, ce n’est pas le fantôme dont l’apparition vous plonge dans une terreur indicible qui fait vaciller votre raison. Le problème, c’est le fantôme armé d’un tranchoir. »

Page 68
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Claude erra dans un labyrinthe de cabinets de toilette, de placards, de débarras, portes communicantes – et renonça à terminer sa visite par le grenier, accessible en haut d’une échelle qui ne lui fit pas envie. L’unique salle de bains renfermait une vaste baignoire en métal émaillé dépoli, surmontée d’un robinet qui datait d’avant l’invention de l’eau chaude. Par les fenestrons du couloir, au premier étage, Claude aperçut le jardin arrière, un ancien verger dont les poiriers étaient devenus fous. Par contre, le parc à l’avant était entretenu : des allées de gravier sinuaient entre des pelouses mal rasées, de grands arbres chevelus et des masses compactes de géraniums. Claude, qui les observait à travers les petits carreaux à bulles d’une des porte-fenêtres du salon, dut secouer celle-ci comme un noyer avant de parvenir à l’ouvrir. Elle la referma avec difficulté, en faisant attention de ne pas écraser les coccinelles qui couraient sur le chambranle. Puis elle revint dans l’entrée, meublée de vieux bambou canné – le porte-parapluies, à lui seul, pouvait atteindre les 70 euros – et de cette étrange lumière gris perle. Dans un grand miroir un peu brouillé, elle se vit chiffonnée et indécise. Elle hésitait à être ravie – ou à partir en courant. Avec la batterie de cuisine, peut-être.
Elle se décida : elle descendit un édredon jaune paille qui sentait la souris et le secoua avant de l’étaler sur le canapé du salon. Elle apprivoiserait le reste petit à petit. Elle sortit quelques affaires de sa voiture et testa l’électricité, qui clignota poussivement. Se penchant sur une prise, elle reconnut la bakélite et les fils de cuivre chemisés de toile d’une installation des années 1930. Dans son jus, n’est-ce pas ? Elle approcha du canapé un lampadaire branlant qui voulut bien s’allumer, et fit du feu tandis que le jour d’automne baissait. Le froid, déjà compact, s’épaississait encore. Elle mangea lentement, devant les flammes, un sandwich qu’elle avait acheté gare d’Austerlitz, et alla se brosser les dents dans un petit lavabo de service, à l’entrée de la salle à manger. Il cracha dans son gobelet une eau brunie par la rouille.
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Elle désinfecta à nouveau ses plaies, remit des pansements, but toute l’eau du robinet, avala une aspirine, fit pipi deux fois et se coucha en gémissant de plaisir. Elle étendit ses jambes dans tous les sens, les yeux mi-clos, sentant ses muscles se détendre, ses articulations se délier, ses tendons crier merci. […] Elle s’endormit en regardant les pubs, émanations enchantées d’un monde parfait où les climats étaient doux, les femmes reposées, les hommes souriants, les enfants joueurs, les ciels bleus, où les ordinateurs s’allumaient instantanément, les voitures faisaient trente mètres cubes à l’intérieur, et où les fromages fondaient sans attacher ni brûler parmi de grands éclats de rire, au milieu de bonnes bouteilles vidées entre ami-es dans un appartement chauffé. (Première nuit à l’hôtel)
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[…] chaque nuit ramenait les mêmes souvenirs – pleurs d’enfant, chute du toit, murmure de jupe contre le dos du canapé, un roulement bizarre dans l’entrée, des pas menus dans l’escalier, des tintements de verre dans la salle à manger, avec parfois un rire, et puis de chevaux dans le parc, sans oublier la chouette du chêne et les grenouilles de la mare. Claude finit par se fier à eux pour savoir quelle heure il était - le gamin tombait du faîtage avant 18 heures, les convives bavardaient de leur bouche sans fond aux alentours de minuit, un cri aigu, toujours le même, quelque part dans les hauteurs, marquait 3 h 10.
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Elle eut la mauvaise surprise, en ouvrant la double-porte d'un petit cabinet de toilette bleu-gris, de trouver ce qu'elle prit d'abord pour un peignoir, et qui se révéla être une adolescente pendue, la langue sortie, les yeux révulsés vers le haut. Elle referma la double-porte avec un haut-le-cœur et se promit de ne plus y revenir.
- Ah, c'est d'un goût ! grommelait-elle en passant le plumeau sur le bois des lits étroits. Pauvre gosse...
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Ce cycle est proposé depuis 2017 par la BIS en partenariat avec la Maison des écrivains et de la littérature (MéL). Un mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé. Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne".
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