La Rune et le Code est un livre original mais dépassé par sa propre ambition. Réunir et opposer un univers de fantasy et de science-fiction est un concept qui m'a initialement intrigué... avant que la réalisation ne douche mes espoirs. L'auteur,
Arnaud Dollen, s'est entouré d'un collectif d'écriture chargé d'élaborer les personnages, l'univers, les émotions. Méthode intéressante mais ces différentes visions n'arrivent pas à faire consensus et le texte se dilue et éparpille le peu d'âme de cet univers.
Comment en est-on arrivé là ?
Premier tome d'une saga dont l'ambition est d'atteindre sept volumes, ce roman est le prolongement littéraire d'un jeu vidéo d'échange de cartes NFT nommé Cross the Ages (un peu comme comme Yugioh à l'époque, mais en version dematérialisée mais bien monétisé malheureusement). Il semblerait donc que certains personnages et concepts existaient préalablement au livre. Malgré tout, le travail d'élaboration du lore témoigne d'une belle inventivité.
Parlons déjà des personnages. Les deux dirigeants, Solis et l'Ordonnateur, mis à part, les autres personnages n'accrochent pas. Plusieurs des personnages importants pour l'intrigue sont terriblement mal écrits. Aurèle, un jeune gladiateur, personnage assez creux, est ramené à un secret incessamment évoqué donc immédiatement de polichinelle. L'antagoniste principal est caché de tous mais réserve lui-même une salle de réunion où tout le monde s'y rend. Personne ne s'en rend compte alors qu'on attire notre attention juste avant sur le fait que les registres sont rigoureusement tenus par l'administration Arkhante (normal l'administration, c'est du carré, quelque soit l'univers). le reste des personnages secondaires n'inspirent rien et leur écriture est même parfois contradictoire comme le garde du corps de la Malkah ou la nourrice.
A contrario, les bons personnages se démarquent vraiment. L'ordonnateur claque. J'ai aimé son intelligence, son intériorité, ses motivations et son peu de scrupules. Solis est aussi captivante. Elle dégage une puissance et une sincérité renversantes. Elle n'est pas exempt de quelques contradictions mais a beaucoup de potentiel. Elle est d'ailleurs l'instigatrice de la plus belle séquence du livre, lorsque le héros de l'Appologium revient à Arkhante.
Côté scénario, je n'ai pas été emporté. Je n'ai que peu ressenti l'aventure, la tension, l'horreur ou les pulsions. le tumulte est sans saveur, les échanges entre personnages oscillent contradictoirement entre la grandeur et du creux. le système politique et l'univers autour de Mantrix est bon et original mais les autres décors et séquences s'enchaînent sans goût que ce soit le combat dans l'arène, la traque de l'égorgeur ou le monde d'Arkhante très stéréotypé, vu et mal-calqué. le système Un pays-une magie / des personnages Légendaires / des boosts qui donnent des pouvoir supplémentaires : tout ceci est un jeu vidéo. le Rift, qui aurait pu être un atout, est juste un macguffin. Même l'écriture est parfois terrible ! Je n'ai pas compris le choix d'assommer aussi rapidement le lecteur au début du livre de concepts évasifs et de mots-valises.
Bref, La Rune et le Code a des atouts indéniables : quelques personnages forts, un univers à double avers, original s'il est bien traité, et quelques scènes clés. Il est pourtant vérolé par une écriture erratique, des anticlimax sur des anticlimax et des personnages sans âme. Dans un livre de SF ou de fantasy, je m'attends toujours à ressentir de l'émerveillement et ce n'a pas été le cas pour ce livre. J'ai souvent eu l'impression d'être dans un MMORPG avec ses factions et personnages stéréotypés. Il faut certainement y voir un effet du lien de ce livre à son univers étendu, avec ses qualités comme ses défauts. Je ne suis pas bien sûr de comprendre pourquoi Bragelonne s'est lancé dans cette aventure. Vous allez me trouver étrange comme type, mais je suis même triste, incroyablement triste.
Merci tout de même à Bragelonne et à Babelio pour ce livre.
(V2)