Cela fait deux semaines que je cherche la meilleure manière de présenter cette pépite, en vain. Je vais donc simplement laisser mon coeur parler, on verra bien ce que ça donnera.
La fantasy médiévale n'est pas mon genre de prédilection, non pas parce que je ne l'apprécie pas, mais parce que je n'ai jamais vraiment pris le temps d'en lire (à tort, bien sûr). Un vrai comble, alors que je suis fan de récits historiques !
Je ne savais pas trop dans quoi je m'engageais en lisant
Fleur de Cendres, mais je savais pouvoir faire confiance aux recommandations de mon entourage (coucou Caro) et aux publications de Gulf Stream qui recèlent toujours de bonnes surprises. Au final, j'ai découvert un roman qui, tout en reprenant les codes d'une fantasy médiévale « classique », s'en émancipe voire les dépasse.
Premier point qui a tout de suite satisfait mon petit coeur d'historienne : la cohérence de l'univers et la fidélité des références au Bas Moyen Âge/début de la Renaissance (14e-16e grosso-modo). Si la magie est un point clé de l'histoire (et son système aussi fascinant que cohérent !), c'est surtout via leur quotidien que les personnages prennent vie. Quelques combats ou intrigues d'ordre politiques sont certes présents pour pimenter le récit, mais ne vous attendez pas à voir les protagonistes courir sans cesse à l'aventure ou résoudre héroïquement des crimes de cours. Au contraire, vous les verrez surtout tomber, suer, se blesser, rater, recommencer, continuer de mordre la poussière même si les résultats ne sont pas là. Attendez-vous à les voir abandonner, fuir parfois lâchement, mais aussi à revenir (à reculons…), se dépasser. Volontairement imparfaits, physiquement comme mentalement, et remplis de contradiction, ils n'en sont que plus réalistes et attachants. C'est sans doute cette nuance omniprésente qui fait toute l'originalité du livre.
Angre, l'héroïne, n'est pas exempte de cette règle. Si j'avais un peu de mal à l'apprécier au départ, j'ai adoré suivre son évolution au fil des pages. La voir, elle qui a toujours réussi, faire face à l'échec, réaliser les limites de ses capacités, mais aussi l'étendue de ses dons, apprendre à les développer, à se les approprier. Sa force de caractère et sa résilience m'a surprise, et j'ai été ravie de constater les efforts qu'elle réalise constamment pour dépasser ses préjugés sur autrui comme sur sa personne. Ce n'est que petit à petit que l'on saisit toute sa subtilité. Alors que je n'aurais jamais cru lâcher des larmes d'empathie pour elle en débutant ce livre, aujourd'hui, j'ai envie de le recommencer, juste pour elle, juste pour (re)voir ces signes glissés le long des pages. D'indépendante et solitaire, Angre se transforme au contact de son nouvel entourage sororal. Elle prend confiance envers les autres, envers leurs bons sentiments. le récit est toutefois assez bien rythmé pour perturber régulièrement son développement, si bien qu'aucune naïveté exacerbée ne vient perturber la cohérence de son personnage.
Il en est de même pour l'ensemble du casting, très diversifié en matière d'âge, de statut social et de genre. Membre de la sororité d'Autun ou simple acteur secondaire, chacun et chacune a le droit à son moment d'éclat (ou de disgrâce, j'ai encore des comptes à régler avec certains grrrrr). Tous et toutes servent le récit à leur manière, ce qui est des plus satisfaisant. Les personnages masculins ne sont pas non plus laissés pour compte. Leurs caractères et leurs actions, décortiqués avec subtilité, forment un large éventail de masculinités tantôt profondes, violentes, toxiques, tantôt déconstruites ou en voie de déconstruction. Je pense par exemple à un personnage aro/ace qui, malgré ses efforts, garde les traces d'une éducation assez machiste, ou à un autre qui parvient momentanément à dépasser ses valeurs patriarcales profondément ancrées pour les réadopter peu après. Et puis, il y a Hetor, mon petit boulet préféré. Change pas, petit twink malewife, on t'adore comme tu es.