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sur 713 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai reçu le roman de DOA «Pukhtu Primo», dans le cadre d'une masse critique en prévision de la rencontre avec l'auteur au siège des éditions Gallimard.
Je ne connaissais pas DOA, et en déballant de son enveloppe à bulles ce pavé de 658 pages, sans compter les annexes, j'avoue avoir eu une réaction mitigée du genre « il va falloir que je m'infuse toutes ces pages !».
En écrivant ces lignes, je ris de ma réaction, je suis triste d'être arrivé à la fin de ce roman, lu d'une seule traite, d'avoir cessé de vivre avec ses personnages, d'avoir quitté les montagnes afghanes et pakistanaises et attend maintenant, avec impatience, le 8 octobre 2015 date prévisionnelle de sortie de «Pukhtu Secundo», la suite de «Pukhtu Primo».
Doa a bien fait les choses, Primo se termine sur une accélération des événements et sa fin nous laisse haletant, désireux de voir comment les différents personnages, notamment ceux qui se retrouvent en situation inconfortable, vont s'en sortir.
Mais revenons au début de «Primo». Nous avons à faire à un auteur consciencieux qui ne laisse pas son lecteur en rade.
Avant de partir pour ce long récit, un prologue et des cartes associées, nous préparent à la randonnée, (un peu comme un guide de montagne vérifie l'état des sacs à dos - pain pour lutter contre l'hypoglycémie, eau en quantité suffisante, polaires, vêtements de pluie, chaussures, compeed pour soigner les ampoules, gants etc...), et Doa nous incite à lire les annexes, pour :
nous familiariser avec les acronymes (anonymes ?) des forces en présences (militaires, civiles, ONG, forces gouvernementales, armées, rebelles, clans etc...),
mieux connaitre les différentes versions des armes utilisées (les nombreux types de Kalachnikov, acronyme AK et toutes ses désinences, les calibres, les lances-roquettes, les drones etc...)
bien nous faire connaître les personnages et les relier à un pays, une organisation, un parcours personnel.
Ces annexes sont une aide précieuse, non pas qu'il faille sans arrêt les consulter pendant la lecture, mais comme assistance permanente, en ligne, indispensable avant la lecture et le cas échéant pendant la lecture.
L'action se déroule en Afghanistan et au Pakistan essentiellement pendant l'année 2008, le contexte de l'après 11 septembre 2001, la chute du premier gouvernement des Talibans, (celui du Mollah Omar), la mise en place du gouvernement Karzaï, la permanence de la force d'intervention de la coalition et la reprise des attentats des moudjahidines depuis leurs bases arrières au Pakistan.
Pour la compréhension du contexte on trouve de nombreuses références à la situation de ces pays au XIXème et au XXème siècle, partition des zones tribales, entre l'Afghanistan et le Pakistan au mépris des réalités ethniques, par les Britanniques (Ligne Durand), position à géométrie variable des USA qui pour lutter contre l'impérialisme soviétique ont armés des clans qui rejoindront les Talibans, puis après l'invasion du pays par la coalition sont confrontés à leur incapacité à comprendre la complexité des données ethniques, la culture des clans et leur code d'honneur.
Le roman parle de la guerre, pas n'importe quelle guerre, une guerre où se mêle le bizness : « le bizness dans la guerre solution à la guerre. » :
Avec tous les aléas de l'acceptation de ce bizness par les populations locales : « L'homme semble d'un âge proche de ceux qui les entourent et a sans doute été confronté aux mêmes choix, la guerre pour Dieu et l'honneur d'une mort debout, ou la peur et la lente agonie de la misère. Ou la honte du pain de l'ennemi. »
Avec les incertitudes sur la destination finale des aides au développement : « Enveloppes, sacs plastiques, mallettes, inutile de faire un dessin, tout le monde se sert.»
«La guerre d'ici est une guerre de pauvres. Elle emmerde la gouvernement des Etats Unis, qui les a pourtant envoyés dans cet enfer. Et aussi les soi-disants alliés de l'OTAN, dont les troufions ont interdiction de se battre.»

Cette guerre comme le dit à juste titre Doa, est la conséquence de : « l'aveuglement sur son modus operandi d'un système désormais en roue libre, la disparition de toutes forme d'honorabilité en faveur du fric et le traumatisme d'un 11-Septembre autorisant les réactions expéditives sont autant de conditions ayant permis, en Amérique, l'élan de privatisation de la chose militaire sans précédent constaté à l'occasion des invasions de l'Afghanistan et de l'Irak.»
C'est sur ce substrat de guerre nouvelle que se déroule Pukhtu Primo.
Mais, comme dans tous les bon romans, si le contexte est important, l'intérêt du récit se trouve dans les personnages. Une galerie hallucinante de personnages gérant au mieux leurs priorités personnelles dans des situations souvent inextricables, avec la mort comme récompense.
Le récit fait bien ressortir les différences de culture entre des soldats qui viennent en Afghanistan pour des raisons d'opportunités et les combattant pachtounes ou talibans :
«...et ce n'est pas nécessairement un ardent patriotisme ou une volonté de venger la lâche agression terroriste du 11 septembre 2001 qui a amené la plupart de ces recrues ici. Pour beaucoup, c'est un premier déploiement. Endosser l'uniforme a été une façon d'obtenir la nationalité américaine, ou payer ses études, ou de nourrir sa famille. Ou simplement de se sortir d'une situation difficile. Néanmoins, Fox le voit aux visages, aux regards, pour la quasi-totalité d'entre eux, le drapeau flottant au-dessus du tarmac a finit par devenir un symbole assez fort pour penser au-delà de soi et se battre pour autre chose que soi et peut-être en crever.»
La qualité essentielle du roman, est qu'il ne sombre ni dans le «complotisme», ni dans la complaisance, ni dans le cliché, ni dans le manichéisme. Pukhtu est «l'anti-breaking news», il fuit le sensationnel et la mousse, chaque situation chaque personnage chaque action est décrite en nous donnant un choix impressionnant de clefs de lecture.
On entre dans le récit par un coup de poing qui assomme. La description de l'attentat du14 janvier 2008 contre l'hôtel Serena de Kaboul, et, comme l'assistante du Ministre norvégien des affaires étrangères, nous sommes plongés dans l'horreur avec nos a priori d'occidentaux, incapables de nous extirper de cette horreur qui remet en cause notre vie insouciante et notre confort économique.
Aussitôt après cet attentat, nous voilà partis pour la Chine, près de Shenzhen, toujours en janvier 2008. La production d'une usine de produits chimiques est embarquée à destination de «Jebel Ali le principal port du golfe persique». Mais une tonne de ce produit, de l'anhydride acétique, est détournée sur le quai et poursuivra un périple particulier jusqu'au Pakistan via l'Inde et continuera jusqu'en Afghanistan. Ce convoi clandestin va concerner la plupart des personnages du roman et reviendra se rappeler à nous de façon récurrente.
Peu à peu on assimile cette nouvelle logique de guerre où : « Pour les hérauts du capitalisme, l'enjeu commercial premier n'a jamais été la captation des richesses du pays, mais la guerre elle même, source d'immenses profits.»...Un grand nombre d'opérations ne font plus partie du pouvoir régalien des états et de leur armée, «tout cela n'est plus du ressort de l'armée, mais de celui de boites privées ; elles se livrent un combat sans merci, afin d'obtenir leur part d'un énorme gâteau qui après six ans de Barnum mortifère, se chiffre déjà à près d'un millier de milliards de dollars.»
C'est dans ce «Barnum» qu'interviennent les héros du roman, ce sont tous des personnages en rupture de quelque chose, société, femmes, passé, voire eux mêmes, mais ils ont des projets plein la tête pour un après guerre qui se défile au fur et à mesure qu'ils avancent vers lui : Gareth Sassaman dit Voodo et ses collègues de l'organisation 6N, Tiny, Ghost et Wild Bill, avec lesquels Fox, alias Majid Anthony Wilson Jr, tente de communiquer malgré son passé de français musulman, fils de harki, «récupéré» par la CIA.
Eux ce sont des combattants, des mercenaires, qui se frottent aux réalités de l'infiltration, dont le boulot est d'aller sur place, vérifier de visu que les cibles des drones sont bien au rendez-vous, un boulot hyper dangereux qu'ils adorent, pour lequel ils sont bien payés, et dont ils pensent qu'il les autorise à faire un peu de gratte, via la culture du pavot...leurs priorités personnelles ne sont pas stratégiques, mais ils ne sont pas forcément cyniques, ils font leur métier en professionnels, soucieux de réussir :
« Les nouveaux mouchards sont efficaces, notre embryon de réseau s'est bien démerdé et sinon, je ne crois pas au renseignement à coups de missiles.»
«Il y a plein de mecs qui se font un max de blé entre l'Irak et ici sans jamais être allés au front. Beaucoup plus que toi, moi et les autres.»
« C'est mieux payé. « « Faut raquer les traites de la baraque.»
« Ghost fait partie de ceux-là et il résiste de plus en plus mal. Et seulement à grand renfort d'expédients. »
Mais ils sont rattrapés par la patrouille : « Pourquoi ça part en couilles maintenant putain ? Une grosse année, il a encore besoin d'une grosse année. Pas question que des connards, journalistes, camé», colonel de merde ou planqué affairiste, lui niquent sa retraite.»
Peter Dang un journaliste en mal de scoop pour compenser ses échecs personnels croise la route du sergent Canarelli,un soldat honnête qui à la suite d'une machination se trouve le nez sur le trafic de Fox et de ses petits camarades.
Dès lors, ils se battent sur plusieurs fronts :
«Les politiciens nous ont muselés par tous les moyens pendant vingt ans et ils nous l'ont mis bien profond après New York. Pointer notre incompétence du doigt leur éviterait d'avoir à admettre leur manque de couilles passé. Et ils sont en train de recommencer»
Les shabnameh, ces lettres d'avertissement des talibans aux populations locales rendent de plus en plus difficile le recrutement de pachtounes pro-américains, elles mettent en garde «...tout ceux qui travaillent avec ou sont au service de l'armée croisée...»
«..chaque nouvelle victime collatérale ne fait que renforcer le sentiment anti-américain.»
La description des opérations menées est toujours palpitante, on les vit avec les combattants, Doa nous les montre dans la nuit, cherchant leur chemin dans un relief hostile et complice, suant leur sang, de peur, de froid, risquant leurs vies à chaque minutes pour faciliter le travail de drones contrôlés par des pilotes qui sont confortablement installés au chaud : Kristen Robertson et Naomi Wright papotent en attendant le signal pour tirer, « Nouvelle photo ? fais voir. » «Aussi beau que son père.» «pour elle cette nuit c'était Mocha Frappuccino.» «A la hauteur du regard de Naomi et Kristen, un paysage apparait avec, en fine surimpression blanche .....des échelles latérales agrémentées de curseurs....pour les renseigner sur l'orientation géographique générale et le cap suivi.»
Dao joue sans arrêt sur l'opposition entre la position inconfortable des combattants sur place et la technologie avancée dont ils sont la prothèse indispensable.
De même on est toujours surpris par la froideur et la terminologie laconique des rapports d'opérations, qui se contentent d'enregistrer le lieu, l'heure, le nombre de blessés ou de tués, les armes et les forces engagées, sans témoigner de l'énergie dépensées par les combattants, et les séquelles de toutes sortes qu'ils conserveront de la répétition des ces opérations à haut risque.
Le personnage le plus attachant du roman, n'ayons pas peur des mots, est Sher Ali, le combattant pachtoune. Très jeune, il s'est illustré contre les soviétiques et y a gagné ses galons en tuant un officier russe, «Ce grand russe si blond était le dernier survivant d'un bunker et refusait de capituler....Pourtant, il fut incapable de tuer ce gamin surgi de nulle part et brandissant une kalachnikov trop grande pour lui.». «La fameuse embuscade » fait sa gloire encore aujourd'hui.
Il est un vrai chef de clan un Khan, Sher Khan, le roi lion, il y a du commandant Massoud derrière ce personnage, il est musulman mais considère sa fille Badraï comme celui de ses enfants qui mérite le plus son attention, en cela il surprend et étonne ses combattants, « Nos femmes sont là pour faire du pain et des enfants, rien d'autre. Ce sont des vaches dans leur étable.» et aussi son propre fils Adil : «Pourtant son père n'est pas avec lui, fier de lui. Il a préféré partir marcher dans la montagne en compagnie de Badraï. Que font-ils là haut ensemble, il se le demande.»
Sher Khan est un combattant, intègre, qui croit en l'honneur de la guerre. Il méprise les méthodes de combat indignes des croisés (les américains) : « Sher Ali se tient près de l'Américain aux longs cheveux. Il l'a vu s'immobiliser et refuser de s'en prendre à son jeune guerrier. Ce sont des lâches, ils préfèrent laisser leurs machines assassiner les enfants pour eux. » ; mais aussi celles des Talibans : « Sher Ali se crispe, le recours aux kamikazes lui déplait. C'est pour lui une fin indigne d'un guerrier et il l'a exposé clairement à l'occasion de la réunion secrète de Khost. Il n'a pas été entendu.»
L'homme intègre va être rattrapé par le conflit, une attaque de drones tue ses deux enfants, pour se venger de ce meurtre, il épouse, en connaissance de cause, la cause des talibans, acceptant de se lier à eux : « Sher Ali brise le silence après une éternité de secondes. « Si vous êtes mes alliés, je serai le votre.»
La réplique de Tajmir ne tarde pas. « Nous sommes tes alliés.
Alors mon territoire vous appartient. Et ma parole vaut beaucoup mieux que celle de beaucoup d'autres. »
Je laisserai la conclusion à cette phrase échangée entre Voodo et Ghost :
«Ils tuent des gens, on tue des gens. On lutte pour le bien, eux contre le mal.»
Vivement le 8 octobre 2015 !

Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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Un thriller dans son expression la plus vive. Un roman d'une extrême complexité, terrifiant, atroce, révoltant, désespérant... mais absolument passionnant. Pukhtu (*) est un tableau hyperréaliste de péripéties dramatiques s'enchaînant en 2008 au coeur de la guerre d'Afghanistan menée contre les Talibans.

La complexité des intrigues est inouïe. Elles mettent en scène une multitude de personnages de toutes origines, aux patronymes – ou noms de code – difficiles à mémoriser. Pour ceux qui ne veulent pas comprendre : d'un côté « les croisés », de l'autre « les insurgés »... Mais c'est bien plus compliqué que cela. Dans la coalition des Américains et de leurs alliés, chacun dépend d'organismes militaires, paramilitaires, civils, secrets ou officiels, tous plus ou moins rivaux et antagonistes. Chez les autochtones, il y a les Talibans et des populations partagées en un écheveau inextricable de nationalités, d'ethnies, de tribus, de clans, de pratiques religieuses. En arrière-plan, infiltrés de part et d'autre, des réseaux de trafics et de corruption dont les ramifications s'étendent jusqu'aux quatre coins du monde.

Une guerre polymorphe où les motivations des uns et des autres sont diverses, changeantes, parfois surprenantes : défense d'une cause, allégeance identitaire, fanatisme religieux, culte de l'honneur, sens de la discipline, goût de l'aventure, vénalité, préservation de sa sécurité personnelle... Les affinités et les alliances basculent d'un jour à l'autre.

La complexité est parfaitement maîtrisée par l'auteur, dans un ensemble très documenté et d'une grande cohérence. L'ouvrage est toutefois difficile à suivre pour le lecteur. Tout au long des huit cents pages, il faut s'accrocher pour ne pas perdre le fil. le recours au glossaire final est utile mais pas suffisant ; pour ma part, j'ai utilisé à plein les possibilités de recherche en arrière de ma liseuse.

Le récit est terrifiant, car là-bas, nul – homme, femme, enfant – n'est certain d'être vivant ou indemne le lendemain. La menace est partout, pour tous, à chaque instant. Combattant ou neutre, chacun doit affronter la violence de l'autre, absolue, mortifère, sans merci. Comment vivre avec la probabilité de faire partie un jour ou l'autre des dommages collatéraux d'un acte aveugle, attentat suicide ou bombardement d'un drone ?

Des passages atroces, des scènes insoutenables. Aucun détail réaliste n'est épargné des ravages causés par les lames, les fusils mitrailleurs, les explosifs, les bombes.

Des développements révoltants, du fait des ignominies commises au nom d'Allah, mais aussi parce que des prétextes nobles et humanistes, pour lesquels certains déclarent combattre, masquent des intérêts financiers fondés sur des trafics de drogue et d'armes à une échelle invraisemblable.

Désespérant, le dédain des meneurs islamistes pour les jeunes imbéciles candidats à la mort en kamikazes. Désespérant, l'enfermement des occidentaux dans leur certitude naïve d'être les sauveurs de la civilisation. Désespérante, la corruption, véritable cancer généralisé. Désespérante, la haine qui, dans chaque camp, se nourrit de la peur et de la paranoïa.

Passionnant, Pukhtu m'a tenu en haleine de bout en bout. Les événements, très réalistes, sont narrés comme de véritables chroniques de guerre. L'auteur sait maîtriser ses effets. le détail de chaque péripétie est dévoilé graduellement, comme une mosaïque d'écrans qui s'allumeraient l'un après l'autre, démasquant chacun une partie de l'image, jusqu'à en pouvoir saisir toute la signification.

Le développement romanesque s'appuie sur le parcours de quelques personnages. Un contrebandier, chef de clan patchoune, devenu un moudjahidine acharné après un bombardement tragique pour les siens. Un paramilitaire de la coalition, français fils de harki, en rupture de ban et tenu par la CIA, tourmenté par les notions du Bien et du Mal. Un journaliste canadien sur la piste d'un immense trafic impliquant des officiers américains et des dirigeants occidentaux.

J'ai souvent dit qu'un livre qu'on aime est un livre dont on regrette qu'il se termine. En l'occurrence, mon regret à été proche de la frustration, car Pukhtu – en fait Pukhtu primo – s'achève sans réelle conclusion. Il me faut attendre la suite, Pukhtu secondo, pour aller au bout des aventures des trois personnages que je viens d'évoquer. Et en savoir plus sur d'autres, des Français, dont deux jeunes femmes très sexy et sur une mauvaise pente. Ces Français, semble-t-il présents dans des romans précédents de l'auteur, pourraient être impliqués dans les trafics...

Pukhtu primo, formidable chronique romanesque qui peut quasiment se suffire à elle-même, est aussi l'élément central d'une vaste fresque regroupant plusieurs ouvrages. Mais n'ayons pas trop d'illusions sur la fin. Ce n'est pas sans raison que l'auteur, qui préserve son anonymat, à choisi comme pseudonyme DOA, pour Death On Arrival.

(*) Pukhtu est un être mythologique, père spirituel du peuple patchoune, établi en Afghanistan et au Pakistan.
Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Une petite virée touristique de 650 pages en Afghanistan avec DOA comme « fixer » :je viens de passer un week end pascal bien dépaysant !

Enfin quand je dis virée touristique…je me comprends : depuis quelques jours les FATA -zones tribales-, les talebs et les moudges, les chefs de clan – Haqqani et Zadran- les services secrets ISI - Pakistan- , ISA - armée de terre US -, et autres CIA , n'ont plus de secrets pour moi..

Je peux aussi vous en remontrer en matière d'armes : la kalache, c'est le BA-BA pour les nuls, que dites-vous des AK47, AKM, AKMS : autrement plus bichant et plus précis, non ? Sans parler des AGM-114Hellfire ou des Airbust qui vous éparpillent un terroriste, un moudjahiddine, un taliban ou un G.I. façon puzzle –pas trop regardants sur la personne à éparpiller, ils tuent très salement de toute façon.

Mais qu'est-ce qui m'arrive, à moi qui , il n'y a pas trois jours, vous parlait poésie, métaphores et allitérations ? C'est simple, je viens de finir, au grand galop, en enchaînant séquences haletantes et guets-apens- frissons, la dernière brique de DOA. Si passionnée que je fusse, je dois quand même confesser que le lexique de fin de volume m' a bien aidée dans tous ces sigles guerriers et top secrets, et que mon meilleur ami a été…mon crayon HB pour prendre au vol quelques notes utiles !

Mais revenons à nos moutons afghans.

Sher Ali Zadran , un contrebandier pachtoune, chef de clan et père de famille, se voit brutalement privé de la joie de ses vieux jours :Adil, son fils aîné et surtout, Badraï, sa cadette adorée aux yeux verts, meurent dans la frappe « ciblée » d'un drone US visant un leader d'Al-Quaeda, provoquant son ire et sa/son ( ?) BADAL (vengeance, dans le code pachtoune). le dit chef de clan perd un oeil dans la bagarre mais y gagne le surnom guerrier de Shere Khan. Là les enfants peuvent suivre : Kipling, Disney, le Roi Lion.. folklore connu. Sans plus barguigner il s'enrôle dans la mouvance des talebs (un taliban, des talebs, non mais !), perd son indépendance et gagne une réputation de cruauté redoutable.

Ses pires ennemis deviennent les USA, et en particulier la responsable directe du meurtre de ses enfants, une petite unité de combat faite de mercenaires en civils, des durs à cuire, des tatoués, dont les noms de code –Voodoo, Ghost, Rider, Data, Tiny et Fox – camouflent à peine le passé douteux, de même que des sociétés-écrans aux noms étranges : Longhouse, Oneida, et surtout 6N masquent celui de la CIA. Mais peut-être ce commando de tueurs a-t-il aussi quelque chose à cacher à la CIA elle-même ?… Nous sommes en Afghanistan, plaque tournante du Brown Sugar, les Russes sont partis, mais le trafic de dope alimente celui des armes, et réciproquement…l'argent sale circule dans les cantines militaires, se blanchit à Dubaï, passe par le Kosovo, grand fournisseur d'armes, revient dans les poches des fonctionnaires véreux pakistanais, afghans, des sociétés bidons franco-ivoiriennes qui se sucrent au passage…et quelquefois dans les poches des gilets de combat US !

Dans ce bourbier -pour rester polie- difficile de ne pas se salir les mains. Alors, quand on veut les garder propres, attention les yeux !

Peter Dang, un journaliste canadien d'origine viet' observe et fouine, flaire un énorme scoop, un scandale à côté duquel l'Iran-Gate serait une sorte de pipi de shah ( oh, elle m'a échappé, celle-là, je ne le ferai plus, promis !). Il se met en danger.

Fox, un des mercenaires, joue double-jeu auprès du boeuf-carotte de la CIA, mais a lui aussi une sorte de code d'honneur qui l'empêche de « donner » ses petits camarades en eau trouble : il se met dangereusement en porte-à-faux…

Périlleuse aussi la position d'Amel, belle journaliste beurette qui a assez de matière pour faire tomber un des affreux du renseignement français-le plus gratiné salopard du bouquin qui pourtant n'en manque pas. Elle hésite, au bord du gouffre…

Pathétique aussi le danger –moral cette fois- auquel s'expose notre Shere Khan borgne, à l'origine de toute cette vendetta à la mode afghane , et qui s'y jette à corps perdu…Il perçoit clairement qu'en exécutant sa « badal » il perd son humanité, valeur pachtoune aussi sacrée que celles du « ghairat » et de l' « izzat ».

Un des autres charmes de ce big thriller, scénarisé comme la dernière saison de Homeland, à laquelle j'ai souvent pensé,- les personnages de Pukhtu se poudrent le nez aussi souvent que Carrie, la bi-polaire de Homeland…- c'est de se passer dans un tempo politique passionnant : juste avant l'élection de Barack Obama, à la fin des deux mandats catastrophiques de G.W.Bush, sept ans après le 11 septembre fatidique, et juste après l'élection, en France, d'un certain Sarkozy qui entreprend de fusionner les services de renseignements français avec le succès que l'on sait -guéguerre à tous les étages. le livre réserve même une petite surprise : une description de NKM en bourgeoise tout cuir, très S.M. …Elle n'est pas nommée, mais on la reconnaît très bien…

Bref : complexité de l'intrigue, contexte politique solide et d'une passionnante actualité, documentation fouillée, personnages ultra nombreux mais si bien campés qu'on les reconnaît malgré le foisonnement des péripéties et….grosse frustration finale : ce n'est que le tome « Primo »…Il faudra attendre la parution du Secondo pour trouver les réponses à nos questions, régler le sort inquiétant de nos héros préférés…vous l'avez compris, je vous recommande chaudement cette lecture captivante et dérangeante !

Merci à Babélio et aux Editions Gallimard de m'avoir permis cette équipée sauvage sur les traces du mollah Omar et de son acolyte borgne au pukhtu chatouilleux !

PS: rajouté après la rencontre organisée par Pierre Krause de Babélio :

Un grand merci à DOA en personne, que nous avons eu le plaisir de rencontrer et de questionner, dans un échange dynamique, plein d'humour et aussi d'enseignements: sur la genèse du livre,sur les finalités d'un projet littéraire ambitieux et original,sur les "modèles" voulus ou rêvés de ce type de thriller assez inclassable, entre la fresque politique, le roman de guerre et le roman" noir de noir."..
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Afghanistan, 14 janvier 2008. Traumatisée, une jeune Norvégienne fixe un morceau de doigt ensanglanté collé sur la vitre d’un 4x4. Elle vient d’échapper à l’attaque terroristes menée contre l'hôtel Serena de Kaboul. Bilan : sept morts, de nombreux blessés. L’incipit donne le ton. Bienvenue en enfer ! Vous pouvez débuter cette plongée au cœur du conflit afghan. Plus qu’une histoire dans la guerre, DOA nous offre une histoire de la guerre. Ou plutôt, une fresque avec sa pléiade de personnages de tous horizons: mercenaires de la CIA, moudjahidines, forces spéciales, trafiquants de drogue, journalistes, agents des services du renseignement. Le conflit est rendu dans toutes ses dimensions, sous différents points de vue. Certains pilotent des drones derrière un écran vidéo et pilonnent des cibles aux identités floues, sacrifiant si nécessaire des civils innocents. D’autres combattent sur le terrain et mènent une guerre faite d’embuscades, d’accrochages, d’exécutions sommaires, de règlements de compte, d’attentats, de tortures… La violence est partout. Les motivations des protagonistes sont diverses. Des militants mènent une guerre religieuse. Des belligérants poursuivent une vengeance personnelle ou répondent au code d’honneur pachtoune. D’autres cherchent à s’enrichir par tous les moyens, la corruption , le racket, les trafics de drogue et d'armes. La fin justifie les moyens et lorsqu’il est question d’argent, il n’y a plus de place pour la morale. La violence sans issue engraisse une communauté clandestine aux ramifications internationales (espions, financiers, trafiquants). Toujours dans sa volonté d’étoffer le rendu du conflit et de l'authentifier, DOA utilise de nombreux acronymes et termes techniques et intercale entre les récits des textes de différentes natures : bilans des victimes, articles, communiqués officiels, rapports militaire. L’auteur suit la chronologie de faits réels. La fiction s’entremêle habilement avec les événements du conflit. Le premier tome débute en 2008, année charnière : George W Bush termine son mandat, les faucons sont moins omnubilés par l’Irak, la violence s’intensifie en Afghanistan...

Magistrale ! Cette fresque de la guerre en Afghanistan est magistrale. Pukhtu tient à la fois du document et du roman. Le conflit est décrit dans toute sa densité L'histoire, les personnages et les enjeux sont parfaitement crédibles. Les intrigues, nombreuses, sont efficaces. La lecture du roman est passionnante. La comparaison avec des auteurs comme Don Wislow et James Ellroy est justifiée. J'attends avec impatience les tomes à venir. Bravo !
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Ambitieux roman-fleuve sur la guerre en Afghanistan, Pukhtu, dont le premier [gros] volume a paru cette année en attendant une suite en 2016 s'annonce d'ores et déjà comme un grand roman noir géopolitique du genre à venir taquiner sur leur terrain les Don Winslow de la griffe du chien et autres Robert Littell.
Prolongement du déjà touffu Citoyens clandestins, Pukhtu est un roman qui combine polar, espionnage, géopolitique, drame, aventure, guerre et même romance. DOA, comme tout bon romancier, a bien compris que ce sont les hommes qui font l'Histoire au même titre que celle-ci vient les façonner, qu'ils soient au sommet de l'État ou le nez dans, au choix, la poussière, le sang, les dossiers ou une petite montagne d'héroïne. Et si cet Afghanistan de 2008, bourbier dans lequel s'empêtrent les Occidentaux tandis que les talibans gagnent du terrain, est au centre du roman, des fils se tirent, mondialisation oblige, vers le Kosovo, la France, les États-Unis, l'Iran, la Côte d'Ivoire, la Chine ou Dubaï.
Entrainés dans ce tourbillon d'un monde qui semble exploser, les personnages de DOA, Fox le mercenaire sans patrie désormais, ses camarades de Longhouse, compagnie privée au service de la CIA, Amel la journaliste française, Sher Ali Khan le contrebandier qui rejoint les rangs des insurgés talibans, Peter Dang le reporter canadien, Thierry Genêt l'homme d'affaires expatrié en Afrique, Storay la prostituée défigurée ou le mystérieux et dangereux enfant à la fleur, incarnent tous un point de vue. Des points de vue qui convergent, qui se heurtent, qui s'opposent et qui font apparaître toute la complexité d'un monde interconnecté dans lequel on tue autant avec des machines qu'avec des poignards ancestraux et des hommes et des femmes qui, quel que soit leur camp ne sont ni noirs ni blancs. Un monde gris avec lequel il faut bien vivre et dans lequel, pour nombre de ces personnages, il s'agit avant tout de survivre.
La grande réussite de Pukhtu est là. DOA nous y plonge dans le réel, ponctué par les dépêches de presses, les bilans mensuels des morts et blessés, sans jamais perdre de vue le roman et l'action. Vertigineux et extrêmement documenté, Pukhtu fait ainsi découvrir certaines routes de la drogue, l'opacité des compagnies militaires privées, la guerre technologique désincarnée et celle des corps à corps, des bombes humaines, les raisons d'État, bonnes ou mauvaises, et les états d'âmes de ceux qui se trouvent pris dans l'engrenage immuable de cette guerre afghane.
Il y a des histoires vengeance, d'honneur, de dissimulation, d'amour, de trahison… tout ce qui fait l'Homme et le roman noir. Les données sont aussi là, brutes, et l'auteur leur donne la chair de ses personnages pour en faire un grand roman sur le monde d'aujourd'hui – et peut-être même déjà d'hier – dans toute sa complexité sans jamais chercher à énoncer une quelconque thèse. À chacun d'en tirer ce qu'il veut, en attendant la suite.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Cet ouvrage s'inscrit parfaitement dans la définition du roman noir. Il y a de la violence, beaucoup, un regard sans indulgence sur les sociétés et les individus qui se côtoient, un fort ancrage dans les guerres et les réseaux de trafic de drogue, des femmes peu respectées, et en toile de fond l'histoire de l'Afghanistan depuis l'invasion par les anglais jusqu'à la politique interventionniste menée par les Etats-Unis et ses alliés. Et puis de l'humour, ironique.

Le roman s'ouvre sur une scène d'attentat dans un grand hôtel à Kaboul en janvier 2008. Et tout s'enchaine, la violence appelle la violence, pour venger son honneur, pour se débarrasser de tous ceux qui empêchent les uns ou les autres de se livrer à leurs trafics respectifs ou d'exercer leurs pouvoirs de chefs en tous genres.

Le récit des ‘sorties' des uns et des embuscades des autres se succèdent à une cadence effrénée, entrecoupé d'articles de presse et de rapports statistiques succincts, à la fois repère chronologique et regard ironique sur le décalage entre la réalité sur le terrain et les faits tels que relatés par la presse et les communiqués officiels.

Lire certaines scènes d'action et descriptions de personnages est comme se plonger dans un jeu vidéo, tellement ça bouge et ça explose de tous les côtés, tellement on y côtoie des héros surhommes et des créatures féminines pur produit du fantasme masculin.

Là où ce roman se distingue des autres romans noirs – et peut-être que je me trompe car je n'en ai pas lu beaucoup – est dans la part donnée aux pensées intimes des personnages comme Fox le paramilitaire ou Sher Ali le combattant pachtoune, moments de doute et de réflexion, lorsque Sher Ali se remémore ce matal populaire souvent prononcé par son père le passé ne revient pas, lorsqu'il a le coeur tourmenté par ses assassinats des femmes et des enfants de la famille de Haji Moussa Khan, ou lorsqu'il doute des bienfaits de leurs actions et des martyrs au nom d'Allah.

L'histoire en Afghanistan se répète, la relève est là : Sher Ali s'est illustré très jeune en tuant un officier russe qui « fut incapable de tuer ce gamin surgi de nulle part et brandissant une kalachnikov trop grande pour lui.» et lors de la dernière embuscade du livre, « Sher Ali se tient près de l'Américain aux long cheveux. Il l'a vu s'immobiliser et refuser de s'en prendre à son jeune guerrier. », ce gamin à la fleur dont le lecteur fait la connaissance lorsqu'il fait un croche-patte à une fillette pour lui sectionner - encore maladroit - la tête, qu'il jettera au loin d'un geste désinvolte.

De part et d'autre il y a des gens pris au piège des traditions, de l'argent, des meurtres perpétrés qui s'invitent dans leurs cauchemars, qui doutent et souffrent ; sauf peut-être ceux qui ont pris goût au pouvoir, qu'ils soient Talibans CIA, ou margoulins c'est à dire Border Police, entrepreneur, hommes d'affaire ou fondateur de PEMEO - ou tout à la fois, ou kosovars.

Le roman se termine sur une embuscade et une coupure de presse datée du 11 septembre 2008, relatant la visite des candidats aux élections présidentielles américaines à Ground Zero, sur les lieux de l'attentat du World Trade Center.

Un roman bien documenté, très crédible, même s'il est assez curieux qu'un guerrier aussi aguerri que Sher Ali emmène ses enfants à un rendez-vous avec un responsable d'Al-Qaïda; mais c'est peut-être aussi la faute, sa faute, qui le pousse dans cette vengeance destructrice sans retour pour ne pas l'admettre.
Mon bémol serait pour l'arrivée sans transition d'histoires qui semblent ne pas avoir de lien évident, comme celle de Kayla et Roni au Mozambique, même si le lecteur se doute qu'ils joueront un rôle dans le prochain volume.

DOA, auteur anonyme, on se demande en effet pourquoi, c'est un roman noir pas un essai, mais pourquoi pas, nous utilisons bien des pseudonymes pour nos petites critiques sur Babelio.
DOA, auteur au style succinct, minutieux, efficace, on en redemande.
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Pukhtu primo est le dernier roman de D.O.A. aux éditions La Serie Noire de Gallimard.

J'avais pas mal d'appréhension avant de commencer ce pavé de 675 pages TTC (avant propos, roman, annexes). Pourquoi?
Déjà parce que le sujet est très actuel et donc forcément sensible: parler de la guerre en Afghanistan, de al Qaida etc... c'est extrêmement compliqué et douloureux. Surtout traité dans le cadre d'un roman noir... on s'attend forcément à de l'horreur inouï et absolu.
Ensuite à cause de l'épaisseur du pavé: 23 chapitres d'écritures denses à très denses avec très peu de dialogues. Cela risque donc être long à ingurgiter, surtout vu la présence d'un index des personnages et des expressions utilisés en annexe.
Enfin de part les choix de l'auteur de mélanger des articles de journaux (faits réels) avec son intrigue. Vais-je apprécier ce mélange? Ne vais je pas me perdre?

Je ne laisse pas de suspens: j'ai énormément aimé ce bouquin! Je le note 5 étoiles (il en vaut un petit peu moins selon moi ce n'est pas un coup de coeur absolu mais on n'a pas à disposition de demi-note).
D.O.A., pseudonyme d'un auteur extrêmement mystérieux et souhaitant le rester, manie magnifiquement la plume. Je salue le côté très réaliste de Pukhtu primo et la prose de l'auteur qui a du mener énormément de recherche en documentation pour arriver à un tel chef d'oeuvre (il remercie certains acteurs dans les dernières pages du récit).

Revenons en au roman en lui même. Sans rentrer trop dans les détails (je n'aime pas cela dans mes critiques), de manière très simplifié et très synthétique vous allez lire les aventures du renard, "Fox le combattant du bien, soldat privé jouant sur plusieurs tableaux" et du lion, "Shere Khan ou Sher Ali le combattant du mal, chef patchtoune". Suite à la mort de son fils et sa fille chérie, Shere Khan jure vengeance. La vengeance est au coeur du roman.

Démarrant par la description somptueuse d'un attentat dans l'hôtel le plus sécurisé de Kaboul le 14/04/2008 et se terminant par la visite des candidats Obama et Mc Cain à Ground Zero le 11/11/2008, Pukhtu retrace un peu plus de 6 mois de guerre durant l'année 2008 et offre une exploration géostratégique au Moyen Orient.
Petit bémol: le premier chapitre, la mise en place, est long (trop long...)

Souvent crus et très difficiles, les scènes de guerre ne sont pas maquillées par D.O.A. Nous sommes dans un roman noir, toutes les situations sont poussées à l'extrême. Je dirai même qu'il prend un malin plaisir à tout expliciter en maniant les mots et les expressions les plus illustratrices possibles. On est embarqué au coeur des événements. L'utilisation du présent, temps de l'actuel, corrobore cette impression.
On trouve énormément de descriptions et de détails des différents événements. Tout est expliqué, détaillé, de la scène environnante à l'assassinat ou le viol le plus sordide, des états d'esprits des acteurs aux multiples calculs des chefs. C'est dur à lire mais personnellement je n'ai jamais été choqué ou dégouté. Je n'ai eu aucune envie d'abandonner la lecture, bien au contraire. A de nombreuses reprises, l'auteur utilise le mot suivi de 2 ou 3 ou 4 synonymes ou compléments afin de permettre au lecteur de bien imaginer et comprendre la scène.

Cette immersion quasi totale (on visualise sans souci croyez-moi) est contre-balancé par la froideur des articles de journaux. Reprenant pour la plupart les événements narrés précédemment par l'auteur, ils offrent une respiration salutaire au récit. C'est finalement une très belle trouvaille de l'auteur qui permet de remettre en perspective les choses (j'ai bien apprécié aussi les aventures du journaliste Peter).

Ce roman ultra-moderne illustre formidablement la guerre du XXIème siècle, totalement différente de celles du XXème siècle. On le vit très fort.
La présence de drones, les meurtres gratuits (on tue sans réfléchir!), l'utilisation sans complexes de la drogue, les viols (de femmes ou d'enfants...), les soldats privés mercenaires, les volontés politiques (l'argent de la drogue en Afgha à mettre en parallèle avec le pétrole en Irak)... Rien n'est laissé au hasard, tout est calculé, marchandisé (on comprend que l'auteur le dénonce) cela préfigure les conflits à venir...

De même, D.O.A. dénonce le traitement réservé aux femmes dans ces pays: des moins que rien. Dans Pukhtu, D.O.A. parle essentiellement de 3 femmes à problèmes:
- la prostituée Storay, superbe, dont Fox tombe sous le charme
- Amel, la journaliste aux narines poudrées, aux pensées tourmentées et au coeur plein de rage
- Chloé, la victime paumée...utilisée...
Je ne me souviens plus de la phrase exacte que fait dire D.O.A. à un de ces personnages mais en gros, la femme en Afghanistan, c'est comme une vache dans une étable.

Et cela n'est que le tome 1! Les derniers chapitres ouvrent d'autres perspectives, introduisent d'autres personnages (histoires parallèles qu'ils vont, on le devine, interagir avec le conflit). Et le dernier chapitre laisse le lecteur sur sa faim avec de nombreuses situations en suspens.
Un vrai scénario de série à la 24h chrono par exemple!

Pukhtu primo est une très belle découverte!

Je conclurai avec la dédicace offerte par D.O.A. que j'ai rencontré dernièrement: "Benoît, guerre sans paix au coeur des ténèbres... Amitiés afghanes D.O.A."
Voila qui résume parfaitement.
Je ne sais pas si je vous aurai donné envie de lire le livre... mais personnellement je vous le recommande très fortement et lirai le tome 2 sans aucun doute (comme je lirai Citoyens Clandestins du même auteur dans lequel on retrouve Fox et Amel).

5/5
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Le peuple pachtoune vît dans les montagnes qui séparent l'Afghanistan du Pakistan. Contrebandiers et moudjahidines de générations en générations, les tribus qui le composent ne connaissent pas la frontière artificielle de la ligne Durand, décision arbitraire des Britanniques à la fin du XIX° siècle. Sher Ali est un des leurs. Héro de la guerre contre les soviétiques , il est devenu le chef de sa tribu sous le nom de Sher Khan : le Roi Lion. Simple contrebandier, il ne collabore pas spécialement avec les talibans. Il souhaite rester en retrait de la nouvelle guerre, celle contre les Américains, mettre ses enfants à l'abris, loin de ce pays de malheur et de poussière ; l'argent amassé par les trafics le lui permet. Une attaque de drone met fin à ses espoirs. Au mauvais endroit au mauvais moment. L'ogive, pilotées à des milliers de kilomètres de là, dans de confortables bureaux aux Etats-Unis, anéantit ses rêves. Ainsi, débute pour Sher Khan un nouveau djihad ...

Parallèlement, Fox, Tiny, Voodoo, Ghost, Viper et Wild Bill, un groupe de mercenaires de la CIA, traquent les talebs sur le terrain. Les Américains ont désormais recours à des sociétés militaires privées pour mener les opérations les plus sensibles. Société occulte, filiale de filiale, 6N est l'une d'entre elles. Encore plus féroces que les Forces Spéciales, dont beaucoup de membres sont issus, ces shootés à l'adrénaline ont chacun leurs motifs personnels de participer à cette guerre, même si ceux-ci sont résumés à un détour de phrase par Voodoo : "le pouvoir, le pognon, les putes" ... Pour arrondir les fins de mois, certains d'entre eux se livrent à de juteuses transactions. Dans ces zones déstabilisées, les polices afghane et pakistanaise, ainsi que les populations locales jouant souvent double, voire triple jeu, il est assez facile de berner la vigilance de quelques douaniers. "Enveloppe, sac plastique ou mallette. Roupi, dollars ou afghanis"... Mais tous les trafics finissent un jour ou l'autre par attirer l'attention, surtout lorsque tant d'intérêts antagonistes sont en jeu. Rencardé par un gradé de l'armée régulière, Peter Dang, un journaliste style grand reporter, commence à fouiner autour de 6N. Et s'il découvrait un vaste trafic d'héroïne, organisé par des paramilitaires avec l'aide de la police afghane ?

Avec ce roman magistral, DOA reprend la trame qui a fait le succès de Citoyens clandestins (2007) premier opus du "cycle clandestin". de très nombreux personnages, disséminés sur quatre continents, avec des liens plus où moins étroits entre eux. La narration passe de l'un à l'autre, parfois par surprise, au gré d'un paragraphe, mettant fortement en avant le contraste entre la rudesse de la vie guerrière, au pays des montagnes, et le confort des élites françaises ou américaines. Les dialogues sont percutants, remplis d'apartés et de non-dit qui leur donnent une immense dimension psychologique. Les 750 pages de Pukhtu se laissent dévorer tant la tension est puissante ... En attendant les 750 suivantes, celles de Pukthu Secondo ...
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tout d'abord, merci à D.O.A., Gallimard et Babelio pour ces 2 cadeaux : découverte d'un livre et d'un auteur ! la rencontre, c'était hier chez l'éditeur, une expérience très sympa, dernier ingrédient mais pas le moindre, pour finaliser le sujet. La critique c'est pour aujourd'hui ! (à votre tour de trembler un peu, D.O.A. ... voici ma réponse à votre dédicace ! )

Clins d'oeil :
- même 1ere impression que pas mal de babeliens à réception du paquet : ouch ! c'est un gros pavé, ce bouquin ... et info de la rencontre : en plus il aurait dû être plus gros (un peu) et finira coupé en 2 volumes ... et bien plus gros ! et OK avec D.O.A : y en a d'autres aussi, des "très feuillus" ! et finalement, on arrive bien à les lire !
- un scoop hier : Lady Gaga aurait remplacé Paris Hilton sur le trône, entre la version "épreuve non corrigée" reçue et la version finale en librairie. Bon, elles font aussi "ovnis" l'une que l'autre dans un tel bouquin et s'avèrent, en l'occurrence, interchangeables ... mais "l'arrêt sur image" provoqué par la stupeur amusée de ce parachutage plutôt inattendu ET a priori incongru permet d'apprécier encore mieux ce passage qui illustre très bien, selon moi, différents éléments intéressants de ce livre (je vous laisse chercher ... et vous faire votre avis)

Digeste ou indigeste, telle sera la dernière dimension de cette critique, accrochez-vous !
Tout le long du livre, mon ressenti pencha pour "indigeste" , type "burger 6 étages de junk food made in USA" (pas ma tasse de thé, quoi !).
La faute à l'auteur ? clairement NON.
Plutôt au(x) sujet(s) évoqués, pas des plus glorieux dans les faits (guerre + drogue + violence + certaines "motivations persos" ... et les dégâts qu'ils entraînent, "collatéraux" ou non ) et quoi que certains essaient de faire croire (ah les "valeurs morales" certes très chouettes à l'origine mais qui sont salies et avilies par l'utilisation dévoyée qu'en font certains, parmi ceux qui les brandissent haut, pour mieux masquer leurs raisons/motivations bien moins rutilantes)
Et vous savez quoi ? à la fin du livre, j'ai réalisé que la manière dont l'auteur a traité le sujet a su le rendre "digeste", ... du grand art !
Oui c'est touffu, dense et un peu "étouffe chrétien" (j'ose !); l'impression (confirmée lors de la rencontre) que c'est super documenté et, même si c'est un roman, tellement proche de la réalité que la frontière en est indistincte (ça n'aide pas à prendre un recul parfois nécessaire pour respirer un peu d'oxygène hors de la laideur et du glauque racontés)
Oui il y a beaucoup de personnages et non 1 HEROS (l'héroïne est bien là mais plutôt d'origine végétale ... quoi que, vu les conditions et circonstances de vie des nanas de ce livre, elles sont chacune à leur manière une héroïne non reconnue) .....mais des caractères puissants/intéressants ni totalement noirs ni totalement blancs, avec des faiblesses et des qualités .... c'est - y pas comme ça dans la réalité ? Même les personnages secondaires ne sont pas des ectoplasmes uniquement là pour mettre en valeur les autres !
En plus, c'est complexe, le sujet l'est ! ... et les partis pris de neutralité et d'humanité de l'histoire inventée et narrée aident à en discerner différentes composantes : le parcours personnel de chacun, la culture de chacun, les intérêts de chacun, l'intervention du hasard et des conséquences qui peuvent en résulter etc.
Enfin, ainsi que l'auteur nous l'a démontré lors de la rencontre d'hier, c'est un texte réfléchi et construit afin de tout mettre au service de cette histoire et de sa crédibilité : l'existence des événements de base, le recours aux rapports post opérations / les articles de presse (faux mais inspirés de vrais) / le kaléidoscope d'une même situation depuis le point de vue de l'un ou l'autre des personnages / l'arrivée de ceux-ci à tel ou tel moment de l'histoire ...

Certes c'est une histoire inventée, un roman ... mais à la fin de ce premier volume, mon impression est d'enfin mieux discerner certains éléments et rouages en jeu dans cette partie du monde (et ailleurs), un écheveau qui me semblait jusqu'alors bien emmêlé à inextricable et suffisamment rébarbatif pour le zapper allègrement.
Alors à l'auteur (et à ceux qui permettent à ce genre d'ouvrage d'exister) : j'attends le volume suivant et MERCI
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Je vénère le diptyque Pukhtu de DOA. Il s'inscrit dans la veine des oeuvres réalistes relatant les guerres de notre époque, comme le film Zero Dark Thirty de K. Bigelow.
L'histoire peut difficilement être appréhendée dans son ensemble à la première lecture, tant les intrigues sont enchevêtrées. Les personnages sont nombreux et leurs actes sont décrits avant d 'être motivés.
Les personnages principaux sont tous des écorchés vifs. Les bons sentiments sont rares dans ce monde de brutes et les actes généreux relèvent de la rédemption.
Je recommande de lire Citoyens clandestins préalablement, puisque certains personnages interviennent dans Pukhtu.
L'écriture est crue, aride et dense, chargée de termes techniques, et pourtant, elle me semble ciselée et très évocatrice.
Lien : https://www.roman-gnss-galil..
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