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The Expanse tome 3 sur 10
EAN : 9782330064228
580 pages
Actes Sud (07/09/2016)
  Existe en édition audio
4.11/5   360 notes
Résumé :
Pendant des générations, le système solaire – Mars, la Lune, la ceinture d’astéroïdes – fut la grande frontière de l’humanité. Jusqu’à maintenant. Un objet non identifié opérant sous les nuages de Vénus est apparu dans l’orbite d’Uranus, où il a construit une porte massive qui mène à un hyperespace désolé.
Jim Holden et l’équipage du Rossinante font partie d’une vaste flotte de navires scientifiques et militaires chargés d’examiner le phénomène. Mais une intr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (35) Voir plus Ajouter une critique
4,11

sur 360 notes
Indéniablement un tome de transition.


La protomolécule a crée une porte pour d'autres mondes, un super BDO qui attire tous les intérêts.. Ceinturiens, martiens, terriens, même Holden y va, poussé par sa vision de Miller. Et ce qu'il va y recouvrir va changer radicalement le paradigme de la série.


Je ne savais pas quoi penser de ce tome. Je me suis ennuyé la première moitié du roman, trouvé la gestion des crises hautement puérile, les personnages plus que moyen. Et puis la révélation de Holden, qui relance la machine, quelques scènes de combats qui accélèrent enfin le rythme.
Et puis j'ai lu quelques autres critiques et j'ai compris… C'est pas moi. C'est le bouquin. Ouf. Parce que dedans il y a tout ce que j'aime. du vaisseau spatial, de la hard science, de l'action, du sens of wonder.

Tout le monde dit que le suivant sera meilleur ? Espérons-le.
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Une série qui semble perdre une étoile à chaque tome en ce qui me concerne.

Une fois encore je me faisais une joie de retrouver Holden et son équipage. Alors oui ce fut une joie mais de courte durée. Que de longueur dans ce roman. On y voit de nombreux combats , mais rien qui potentiellement ne fait avancer l'histoire.
De nombreux personnages viennent faire leur apparition dans ce tome, mais je les ai trouvé un peu fade par rapport aux opus précédents.

J'en conclu que ce gros pavé a plus servi de transition au tome 4 qu'à autre chose. du coup, je reste sur ma réserve car je n'aime pas beaucoup cette façon de faire... j'aime les pavé quand ils sont une réelle utilité ce roman aurait gagné en qualité et en intensité si il avait été réduit de moitié.
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James S.A Corey fait son « Aux mains de l'ennemi »

La porte d'Abaddon est le troisième tome du cycle The Expanse, après L'éveil du Léviathan et La guerre de Caliban. Une chose va probablement vous sauter immédiatement aux yeux : cette fois, Actes Sud propose une couverture un minimum esthétique, contrairement à l'horreur mauve et jaune fluo du roman précédent de la série. C'est en fait celle de la version originale, signée Daniel Dociu (un nom bien connu des aficionados de MMORPG), qui a été reprise, et on espère qu'il en ira de même pour les livres suivants.

Je ne vais pas faire durer le suspense : ce roman est, et de loin, le moins intéressant des trois déjà parus (le cycle en compte actuellement 5 en VO, 3 autres sont prévus -dont un cette année-, ainsi qu'un total de 5 novellas et 2 nouvelles). En fait, ce qui y est raconté n'aurait dû constituer qu'une partie du tome suivant, à mon avis, ou au moins être raccourci pour aller à l'essentiel. Parce que là, en gros, il y a quelque chose comme 300 pages qui ne servent à rien, et qui, en plus, sont racontées non pas platement, mais qui peinent à impliquer et plus encore à passionner le lecteur. le parallèle avec un roman du cycle Honor Harrington est assez net, ce que je vais m'employer à vous expliquer dans ce qui suit.

- Aux mains de l'ennemi

Aux mains de l'ennemi est le septième tome de la saga Honor Harrington, par David Weber. En pratiquement 650 pages, il raconte ce qui peut être résumé en une seule phrase : la jusqu'ici invincible Salamandre est vaincue, capturée par l'ennemi Havrien et expédiée sur une planète-prison (son séjour faisant l'objet du tome suivant). Point. Ce qui, en gros, aurait pu (dû, même) ne faire l'objet que d'un chapitre, au pire une partie ou un tiers du livre consacré à son emprisonnement et son évasion, s'étire à n'en plus finir sur des centaines de pages.

Dans La porte d'Abaddon, c'est encore pire : le livre fait 580 pages, dont 180 pour décoller, 40 à 50 vraiment pertinentes, suivies de près de 350 pages qui ne servent à rien, ne faisant pas avancer l'histoire, avant quelques pages finales qui changent complètement le paradigme de l'univers mais qui sont tellement évidentes que vous pourriez arrêter votre lecture 300 pages avant la fin et suivre le roman suivant du cycle sans le moindre problème.

L'histoire démarre environ 2 ans après la fin de la Guerre de Caliban : le vaisseau qui a jailli de Vénus a construit, aux alentours de l'orbite d'Uranus, un anneau de… 1000 km de diamètre. Les humains savent qu'il s'agit d'un pont d'Einstein-Rosen (= d'un trou de ver), mais ils ne savent pas où il mène et surtout s'il ne va pas servir de tête de pont aux créateurs de la protomolécule. Une flotte de vaisseaux scientifiques et militaires est donc stationnée à proximité, et se garde bien de toute manoeuvre qui pourrait réveiller le géant endormi. Sauf qu'un excité dans un premier temps, puis Holden, vont mettre les pieds dans le plat, ce qui fait que l'armada va franchir la porte d'Abaddon… Une fois que vous aurez lu le compte-rendu d'Holden sur ce qu'il y a de l'autre côté, vous pouvez poser le livre et en prendre un autre, l'histoire principale n'évoluera quasiment plus d'un iota. Ce qui est profondément paradoxal : ce qu'il y a de l'autre côté de l'anneau va changer le paradigme de l'univers des romans (et, accessoirement, faire passer leur genre littéraire d'une quasi-Hard SF à la Kim Stanley Robinson mâtinée d'horreur à la Alien à un Space Opera pur et dur, tendance BDO sur ce tome précis, et plutôt inspiré par « Alastair Reynolds rencontre Stargate »), mais en même temps le gros du livre est une histoire auto-centrée sur Holden et / ou l'armada qui ne fait pas avancer le tableau général.

- Personnages et narration

Vous vous êtes attaché aux personnages introduits dans le tome 2 ? C'est dommage, car Chrisjen est juste mentionnée dans un paragraphe de la fin et car Bobbie, si elle est souvent évoquée, n'apparaît pas du tout. A la place, vous avez droit à trois nouveaux personnages : Bull, le chef de la sécurité du cuirassé Béhémoth (ex-vaisseau à générations mormon Nauvoo), Anna, pasteur méthodiste, et Melba, qui n'est pas du tout ce qu'elle semble être (mais pourquoi avoir dévoilé son identité réelle dès le début ?) et qui poursuit une croisade personnelle contre Holden. Franchement, introduire de nouveaux personnages secondaires à chaque tome, surtout lorsque ça implique de faire disparaître d'un trait de plume ceux du précédent, auxquels on a pu s'attacher, est à la fois énervant et abusif. D'autant plus que Bobbie aurait parfaitement été à sa place dans celui-ci.

Sur les trois, seul Bull est intéressant, Melba et surtout Anna se révélant soporifiques. Sans compter que cette dernière est l'occasion de tas de développements sur les notions de pardon, de haine et de vengeance qui semblent tout droit sortis d'un discours de télé-évangéliste de la Bible Belt. Les tomes précédents du cycle, dans la conception de l'univers, de l'intrigue, dans les dialogues, le rythme et le style, étaient, pour moi, caractérisés par la simplicité, l'efficacité et un côté direct, sans fioritures : sur ce tome 3, c'est complètement raté, par contre, car toutes ces bondieuseries n'apportent rien au tableau général, cassent le rythme et surtout ne sont pas réalistes (franchement, il faut demander d'urgence la canonisation de l'équipage du Rossinante au Vatican), particulièrement dans le cas d'Amos.

Autre souci : une tendance récurrente à faire des micro-flash backs, en clair à commencer par la fin d'un événement puis à raconter comment on en est arrivé là. Entre ça et le fait qu'une grosse partie du texte ne sert à rien et / ou se devine des lustres à l'avance, plus les personnages soporifiques et les péripéties dans lesquelles on peine à s'impliquer émotionnellement parlant, tout concourt à une puissante envie de passer directement au tome 4 du cycle, en espérant qu'l retrouve l'esprit des deux premiers.

Un autre point m'a énormément dérangé : Holden se retrouve empêtré dans d'inextricables problèmes juridiques avec Mars (à propos de la possession du Rossinante), problèmes qui sont réglés en fin de roman en un paragraphe via un Deus ex Machina outrageusement abusif et assez irréaliste.

- En conclusion

Ce tome 3, outre le fait qu'il tire terriblement à la ligne, se révèle très nettement en-dessous de ses deux prédécesseurs. Vous pourriez arrêter votre lecture à (même pas) la moitié et être parfaitement capable de suivre le tome suivant. D'autre part, les nouveaux personnages sont très loin en-dessous de Bobbie ou Chrisjen, et on peine à s'impliquer dans les péripéties qu'ils doivent affronter.

Ce tome de transition est aussi paradoxal dans le fait qu'il implique un énorme changement de paradigme (dans l'univers, les influences littéraires et le genre où on classifiera désormais le cycle, qui passe d'une hard-SF très Kim Stanley Robinson mâtinée d'horreur à la Alien -un aspect qui disparaît quasi-totalement- à du Space Opera pur et dur, tendance Big Dumb Object et Sense of wonder, avec beaucoup d'Alastair Reynolds mâtiné de Stargate dedans) mais que, en même temps, la plus grosse partie du livre est une histoire auto-centrée sur Holden et l'armada de vaisseaux qui passe la Porte qui donne son nom au livre, histoire qui ne fait absolument pas avancer le tableau général.

Bref, un tome à vite oublier, mais qui, par contre, ouvre de fascinantes perspectives pour la suite. Histoire d'être un minimum constructif, je pense que les événements de ce troisième roman auraient sans problème pu être résumés pour ne constituer qu'une partie de l'histoire du tome suivant, et que le lecteur n'y aurait pas perdu grand-chose.
Lien : https://lecultedapophis.word..
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J'ai à nouveau passé un très bon moment de lecture avec le tome 3 de cette passionnante série. Je vais d'ailleurs essayer de caser le tome 4 avant la fin de l'année.

On y suit toujours James Holden et l'équipage du Rossinante mais on fait également plus ample connaissance avec 3 nouveaux personnages : Clarissa Mao, Carlos de Baca (dit Bull) et Anna Volovodov.

J'aime beaucoup être baladée d'un point de vue à l'autre, cela permet de mettre le focus sur des personnalités intéressantes. C'est vraiment bien écrit et structuré.

Tout le monde se dirige vers la superporte qui m'a fait penser à celle des Oris dans Stargate SG-1. La grande question est de savoir ce qu'il y a de l'autre côté. Holden n'a pas le choix, c'est la seule « issue » pour se mettre à l'abri de ses poursuivants qui vont bien entendu s'empresser de le suivre. Taïaut !

De l'autre côté on bascule dans l'inconnu… une suite captivante. Je ne suis pas croyante mais je vais terminer avec cette citation :

« Dieu à donné la Terre à l'homme. Il ne lui a jamais promis les étoiles. »


Prix Locus du meilleur roman de science-fiction en 2014


Challenge SFFF 2021
Challenge pavés 2021
Challenge ATOUT PRIX 2021
Challenge mauvais genres 2021
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En neuf romans et un recueil de nouvelles, sans doute la plus passionnante série de science-fiction spatiale et politique de ces dernières années.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/05/11/note-de-lecture-the-expanse-james-s-a-corey/

Tout démarre (en tout cas, on le croira longtemps) à bord du Scopuli, un vaisseau spatial d'apparence anodine en transit entre les astéroïdes Cérès et Éros. D'apparence anodine seulement, car il est en réalité en mission pour l'Alliance des Planètes Extérieures, organisation semi-clandestine qui conteste activement la domination politique et économique de la Terre et de Mars sur le reste du système solaire, myriade d'astéroïdes habités, de lunes jupitériennes ou saturniennes et de stations spatiales qui constituent la frontière active de l'économie globale sous le nom générique de « la Ceinture ». Lorsque le Scopuli est mystérieusement attaqué par ce qui semble être une bande pirate lourdement armée et bien déterminée, une certaine Julie Mao semble être la seule survivante à bord.

Le Canterbury, transportant de la glace entre les anneaux de Saturne et Cérès (l'eau est une question cruciale pour la vie sur ces « planètes extérieures » – qui n'en sont pas vraiment -, bien entendu), capte alors un signal de détresse venant du Scopuli. Arrivé sur place, l'équipage de la navette dépêchée par le lourd vaisseau de transport réalise que le signal en question était un leurre. Alors qu'un étrange vaisseau furtif surgit de nulle part et détruit le Canterbury, Holden, le second du bord, embarqué à bord de la navette, décide de transmettre en clair à l'ensemble du système solaire l'attaque qui vient d'avoir lieu ainsi que la présence de technologies martiennes au sein du système de leurre utilisé – ce qui crée un tollé dans les opinions publiques et un état de guerre, de facto, entre Mars et les différentes entités de la Ceinture. Consignés à bord du Donnager, vaisseau de ligne martien arrivé le premier sur les lieux du crime, Holden et ses compagnons d'infortune assistent impuissants à la destruction de celui-ci par de nouveaux vaisseaux furtifs inconnus, fuient de justesse à bord d'une corvette martienne qu'ils vont bientôt rebaptiser Rossinante, et informent le système solaire que l'analyse d'une puce électronique des assaillants récupérée à bord par miracle indique cette fois une fabrication… terrienne. Désormais, la Terre, Mars et la Ceinture sont tous au bord de la guerre totale.

Parallèlement à ces événements déclencheurs (et de quelle ampleur !), Josephus Miller, enquêteur au sein de la société privée Hélice Étoile, qui détient le contrat de sécurité sur Cérès, est embauché en marge de ses activités officielles pour retrouver la trace de Julie Mao, qui se révèle être l'une des filles de Jules-Pierre Mao, l'un des plus riches multi-milliardaires du système solaire, aux commandes d'un conglomérat hautement diversifié. Bientôt, alors que le Rossinante cherche à échapper aux recherches de la Terre comme de Mars, l'enquête s'étend et révèle qu'une certaine protomolécule secrète, possiblement extra-solaire, n'est peut-être pas étrangère aux cataclysmiques événements en cours…

Publié en neuf volumes (plus un dixième contenant plusieurs nouvelles dans le même univers) entre 2011 et 2022, « The Expanse » est certainement l'une des plus passionnantes séries littéraires de science-fiction – et au-delà – créées ces dernières années, justement récompensée par le prestigieux prix Hugo en 2020.

Issue à la base d'un univers de jeu (en ligne et sur table) développé en extrême détail par Ty Franck, que son ami l'auteur Daniel Abraham rejoint sous le pseudonyme commun de James S.A. Corey pour en extraire les romans, la série se distingue par la profondeur et la logique de son background, par son sens rebondissant de l'aventure et des développements de personnages, par la richesse de la véritable cosmopolitique du système solaire qu'elle imagine, par le réalisme de ses anticipations technologiques (même s'il a bien fallu, d'emblée, inventer la propulsion Epstein – avec ses accélérations inhumaines et donc ses adjuvants chimiques indispensables – pour que les distances à l'intérieur du système solaire se comptent en mois plutôt qu'en années), mais peut-être surtout par la puissance du réalisme politique (et d'ailleurs de diverses formes de Realpolitik) qui y est déployé.

Dans leur excellent article de novembre 2018 pour Science Fiction Studies (« Solar Accumulation : The Worlds-Systems Theory of The Expanse »), Brent Ryan Bellamy et Sean O'Brien, avec une approche post-marxiste particulièrement adaptée au terrain et à l'enjeu, montrent élégamment comment « The Expanse » met en scène la mainmise continuée du capital (largement incarné par l'entreprise Protogen de Jules-Pierre Mao, mais pas uniquement par elle) sur les « sauts » de l'accumulation et sur le transfert hégémonique (pour reprendre ici notamment le vocabulaire précis de Michael Hardt et Toni Negri dans leur « L'Empire » de 2000) : dans ce modèle à trois mondes pour le 23e siècle, la rareté des ressources et l'épuisement écologique hantent la Terre, la colonie martienne a pris son autonomie (sous des formes qui sont à la fois un bel hommage et un rude désaveu à la « Trilogie martienne » de Kim Stanley Robinson, se rapprochant davantage in fine du « 2312 » du même auteur) et les minerais de la Ceinture préservent l'illusion de la poursuite d'un système d'accumulation « à l'infini » (qui jaillira encore renforcé du formidable rebondissement introduit dans le tome 3, « La Porte d'Abaddon », par l'une des actions encore moins prévisibles de la « proto-molécule » – si l'on persiste ici à essayer de ne pas trop dévoiler les éléments à moyen et long terme de l'intrigue). Derrière Fernand Braudel et Karl Polanyi, les auteurs de l'article lisent ici l'influence souterraine de Giovanni Arrighi et de son « Long vingtième siècle » de 1994. On pourrait ajouter que l'imagination déployée dans la série illumine son inconscient politique, au sens de Fredric Jameson, et que le mélange détonant de réchauffement climatique, d'épuisement des ressources et d'astro-capitalisme résonne étrangement tant avec l'Andreas Malm de « L'anthropocène contre l'histoire » qu'avec les Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin de « Une histoire de la conquête spatiale ». Une fois de plus la terrible première phrase du « En panne sèche » d'Andreas Eschbach s'impose : « Même la dernière goutte d'essence permet encore d'accélérer ».

La série littéraire a donné lieu entre 2015 et 2022 à une série télévisée particulièrement réussie sous l'égide de Mark Fergus et Hawk Ostby. le casting y colle magnifiquement aux personnages imaginés par James S.A. Corey, que ce soit du côté de l'équipage du Rossinante (Steven Strait en James Holden, Dominique Tipper en Naomi Nagata, Cas Anvar en Alex Kamal et Wes Chatham en Amos Burton), de l'enquêteur Josephus Miller (Thomas Jane) et de son fameux chapeau, de la marine martienne Roberta Draper (Frankie Adams), de chefs ceinturiens tels que Fred Johnson (Chad Coleman) ou Anderson Dawes (Jared Harris) – l'une des seules vraies libertés que s'est permise l'écran, en assemblant plusieurs personnages littéraires pour sa version de Camina Drummer, jouée par Cara Gee, est sublime – ou encore de la haute fonctionnaire terrienne Chrisjen Avasarala (Shohreh Aghdashloo). le scénario est particulièrement fidèle aux romans d'origine, et la série a réussi à éviter le « piège de la précipitation » à la Game of Thrones au moment de conclure son aventure télévisuelle, préférant s'arrêter entre deux tomes à un moment où nombre d'arcs narratifs avaient atteint leur terme et où d'autres commençaient tout juste à s'ouvrir, pour, n'est-ce pas, ne pas insulter l'avenir.

J'avais insisté dans l'épisode 9 (à regarder ici) de Planète B, l'émission science-fiction et politique conçue pour Blast par Antoine Daer, notre librairie Charybde et les éditions La Volte, sur l'importance donnée par la série littéraire à une forme actualisée de lutte des classes du 23e siècle, à l'échelle du système solaire : la série télévisée amplifie encore cette thématique, dès sa présentation d'ensemble, en signalant d'emblée le contraste entre les élites terriennes et leurs masses inscrites au revenu minimum d'existence, les Martiens largement militarisés et les salariés de la Ceinture, précaires et fortement exploités par les propriétaires des moyens de production. Par bien des aspects, l'article d'Emma Johanna Puranen, « The Ethics of Extractivism in Science Fiction » (Strange Horizons, 2022), souligne le même point. Il en est de même du « Work, Horror and The Expanse » de Jamie Woodcock et du somptueux (on en reparlera ci-dessous à propos de langage) « We should have brought a poetry grad student: Higher education and organised labour in The Expanse » de Heather Clitheroe et Mark A. McCutcheon, deux articles à lire dans « The Expanse Expanded: A Special Issue of Red Futures », dont l'ensemble des onze contributions (à lire ici) méritent bien davantage qu'un simple détour.

Dans son passionnant article, « The Modality in Which Class is Lived : Literalizing Race and Class in The Expanse » (dans SPELL: Swiss Papers in English Language and Literature, « The Genres of Genre: Form, Formats and Cultural Formations », 2019), Bryan Banker note par ailleurs comment James S.A. Corey, en dépeignant les Ceinturiens dans leur unité et dans leur variété, rend concret ce que les théories contemporaines de l'identité gardent dans le domaine de l'abstrait, et plus particulièrement le lien difficilement déconnectable entre race et classe (ce que la série télévisée souligne aussi de son côté), ce dont on reparlera plus bas à propos de langues et de langage.

Dans les mots de la série littéraire comme, naturellement, dans les images en parfaite continuité de la série télévisée, on sera frappé par la force de l'esthétique spécifique développée dans « The Expanse ». Lorsque les deux membres de James S.A. Corey sont interrogés sur leurs influences, ils citent régulièrement (aux côtés de la série « La Grande porte » de Frederik Pohl, pour des raisons évidentes, mais qui obligeraient à dévoiler ici certaines surprises des tomes 3 et 4) « Alien ». On se doute bien que ce n'est pas à propos de forme de vie extra-terrestre prédatrice que cette influence se manifeste : c'est avant tout à propos de précision technique imaginée et de vie matérielle omniprésente. Ici, le vide c'est le vide, les semelles électromagnétiques ne comptent pas pour du beurre, les hémorragies internes ne peuvent pas coaguler en apesanteur, et le silence est omniprésent (là où justement, on le sait, on ne vous entend pas crier). Même le célèbre duo contestant les conditions de travail formé par Dennis Parker (Yaphet Kotto) et Samuel Brett (Harry Dean Stanton) dans le premier film de Ridley Scott, en 1979, trouve son écho ici (comme le soulignent Heather Clitheroe et Mark A. McCutcheon dans leur article sus-cité), dans l'une des rarissimes représentations d'activité syndicale dans la science-fiction contemporaine (et toute l'ambiguïté subtile du personnage d'Anderson Dawes – et de l'interprétation qu'en donne à l'écran Jared Harris).

Dans le même article, on trouve une analyse portant à un degré encore supérieur cette esthétique de la matière, lorsque Miller explique à Holden, dans les tomes 3, 4 et 5, à diverses reprises, l'importance de l'incarnation de l'humanité vis-à-vis de l'immatérialité qui est désormais l'apanage des Constructeurs (je n'expliquerai pas ce terme ici, sinon ce serait un spoiler significatif), d'une manière que ne renierait pas « un enseignement marxiste de la distinction entre infrastructure et superstructure ». Et que dire dans ce cas du trait encore souligné par un autre article du même numéro spécial de Red Futures, celui de John Roselli, « The Heart of the Expanse: Discovering Humanity in the Void » ?

Comme Daniel Abraham, l'une des composantes du duo James S.A. Corey, a longtemps été un proche collaborateur de George R.R. Martin (impliqué notamment de très près dans les déclinaisons en bandes dessinées et romans graphiques du premier livre du « Trône de Fer », entre 2011 et 2014), il a beaucoup été écrit sur le foisonnement d'intrigues, de personnages, de situations géopolitiques (médiévales ou non), de coups de théâtre, de trahisons et de rebondissements de toute nature qui hantent « The Expanse » comme « Game of Thrones ». Disons-le tout net : en la matière, il me semble que l'élève (si élève il y eut) a su magnifiquement dépasser le maître (même si celui-ci n'est pas directement responsable de l'achèvement télévisé de sa série), et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, l'art (presque) immémorial du feuilleton (celui défendu jusqu'au bout avec acharnement par un Valerio Evangelisti, par exemple) est ici construit de manière ouverte : pas de dénouement inexorable (dont seules, finalement, les modalités et la place des personnages candidats et candidates restent à débattre : comment s'ouvrira le grand Mur ? qui tuera le Roi des Morts ? qui vaincra la détermination de Cersei ? qui règnera sur Westeros ?), mais au contraire une narration ouverte, qui excelle à enchaîner les intrigues dont la résolution même donne naissance à une autre, qui manie avec une réjouissante expertise l'enchevêtrement des niveaux des différents arcs narratifs – et qui n'utilise jamais de deus ex machina, même soigneusement dissimulé comme chez son illustre prédécesseur. Toujours dans le numéro spécial de Red Futures cité plus haut, l'article de Horst Trenkwill-Heiser, « The Expanse or: How Holden Kept Worrying and Learned to Embrace Division », propose un éclairage supplémentaire et passionnant sur ce point.

Ensuite, même des situations hautement interrogatives (Attention spoilers ! Que peut bien f… la protomolécule sur Vénus ? Comment communique-t-on avec les Constructeurs ? Pourquoi Miller est-il toujours là ? Où se situe la démarcation entre guerre de libération légitime et terrorisme aveugle ?) sont résolues avec grâce et logique, en parfaite cohérence (coucou Daenerys !) avec l'évolution intime et politique des personnages (et sans recours à de mystérieuses et rétrogrades « lois de l'hérédité »).

Enfin, « The Expanse » se caractérise par un véritable refus du manichéisme instinctif et instantané. Même les « pires » personnages (scientifiques dévoyés, ultra-milliardaires mégalomanes, politiciens corrompus, officiers rebelles ou indépendantistes jusqu'au-boutistes et terroristes) présentent plus que de simples lueurs d'humanité, offrent des justifications souvent complexes et pour partie « écoutables » et présentent une cohérence interne extrêmement forte qui ne se limite pas à « être psychopathe » ou « être sociopathe » (même si ces éléments sont bien entendu régulièrement disponibles). Et les « meilleurs » personnages ont leur beau contingent de failles, mais cela est relativement plus courant dans les grandes fresques dont nous traitons dans ce paragraphe. L'article « Heroism in the Expanse » de Mary B. Smith (toujours dans Red Futures) est particulièrement précieux pour pleinement apprécier cette dimension-là.

En tant qu'oeuvre de science-fiction, « The Expanse » se livre à un intense travail de démythification de l'anticipation. Comme le soulignent à leur manière Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin dans leur récent « Une histoire de la conquête spatiale » du côté historique et sociologique ou Gil Bartholeyns dans son également récent « L'occupation du ciel » (dont on vous parlera très prochainement sur ce blog) du côté purement fictionnel, il n'y a pas ici de vertueux changement de paradigme ayant pris place d'ici le 23e siècle. le capitalisme et l'extractivisme triomphent, la foi en la croissance (on ne parle plus guère de ruissellement, toutefois, à part sous sa forme résiduelle et minimale de revenu universel maintenu au plus juste) resplendit de toute part, et la science poursuit imperturbablement sa marche en avant – sans souci réel du bonheur du plus grand nombre. C'est le « Réalisme capitaliste » de Mark Fisher qui est ici, plus que jamais, aux commandes. Il n'y a pourtant là rien de réellement dystopique, à proprement parler : le fait même de distinguer au plus haut degré la puissance des rapports sociaux, comme cela a été développé plus haut et comme cela est devenu au fond si rare dans la science-fiction contemporaine, suffit à obtenir ce précipité chimique aussi inquiétant que passionnant.

On pourra noter que Ian McDonald dans son excellente « Trilogie Luna », en se contentant finalement, au plan socio-politique, d'ironiser sur les nouveaux ultra-riches du système solaire en gestation (en parfaite cohérence, ceci dit, avec sa focalisation sur une nouvelle ère des « barons-voleurs ») ne parvenait pas à obtenir la même puissance de shock & awe systémique que « The Expanse » – et que Kim Stanley Robinson, dans son remarquable « 2312 », ne pouvait, lui, comme souvent, se résigner à un futur dans lequel aucune prise de conscience de masse n'aurait pu changer significativement les fondations de la société et de la polis.

Davide Mana (« The Politics of Anthropocene: Environment and Society in The Expanse »), Grigor Velkovsky (« The Expanse on the Cyclical Nature of History ») et Marcin Stolarz (« The Future Society of
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
La violence est le dernier recours des gens quand ils ont épuisé toutes les idées raisonnables. Elle est séduisante parce qu’elle est simple, directe, et parce que c’est une option presque toujours disponible. Quand vous ne trouvez pas de réfutation valable des arguments de votre adversaire, vous pouvez toujours le frapper au visage.
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C'était une leçon qu'il n'avait jamais oubliée. Les humains n'avaient pas une énergie émotionnelle inépuisable. Si intenses que soient les circonstances, si puissants que soient les sentiments, il était impossible de se maintenir indéfiniment dans un état émotionnel extrême. Vous finissez toujours par vous lasser, et souhaiter que la situation prenne fin.
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Pour se remettre du désastre, il n’y avait que deux solutions. Soit tous les gens faisaient cause commune et ils survivraient, soit ils continuaient à laisser la peur et leur différences les guider, et il y aurait d’autres morts.
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Le diable a toujours habité les hommes qui veulent aller trop loin, quand ils oublient de se demander s’ils devraient accomplir un acte simplement parce qu’ils peuvent le faire.
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Montrez à un être humain une porte close, quel que soit le nombre de portes ouvertes qu’il verra, et il sera obsédé par ce qu’il peut y avoir de l’autre côté.
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