Il me semble que la poésie est comme une explication, mais qui n’explique rien.
…C’est comme un bois qui serait tellement fin que, si on essayait de l’affiner un peu plus, on casserait son fil et on le briserait. C’est peut-être ça d’ailleurs la vertu de la poésie, tendre le langage au maximum. Mais il y a un moment où chacun est obligé de comprendre d’une autre manière que par la compréhension analytique. Il faut peut-être comprendre par l’arrière de la tête, ou par ses yeux, ou par l’enfant qu’on était. Mais surtout ne pas comprendre par l’adulte qu’on se croit tenu d’être.
J'essaye de recueillir des choses très pauvres, apparemment inutiles, et de les porter dans le langage. Parce que je crois qu'on souffre d'un langage qui est de plus en plus réduit, de plus en plus fonctionnel. Nous avons rendu le monde étranger à nous-mêmes, et peut-être que ce qu'on appelle la poésie, c'est juste de réhabiter ce monde et l'apprivoiser à nouveau. (p. 2)
Je ne pense pas que la nature connaisse la solitude terrible dans laquelle nous pouvons nous trouver. Je suis parfois soufflé par la conversation incessante du pré qui fait face à la fenêtre devant laquelle j'écris.
Le monde est rempli de visions qui attendent des yeux. Les présences sont là, mais ce qui manque ce sont nos yeux . (p. 5)
Contempler est une manière de prendre soin.
Dans cette lutte incessante que constitue le monde dit moderne, les contemplatifs sont les guerriers les plus résistants. Ce sont eux peut-être qui pourront nous tirer d'affaire. Il faut juste que chacun se remette à faire ce qu'il a à faire, de la façon la plus simple. Les poèmes du boulanger, ce sont ses pains. (p. 9)
Il est possible que, par l'attention aux choses menues, très simples, très pauvres, je trouve peut-être ma place dans ce monde. (p. 6)
Je pense qu'on a fait du mal à la vie, c'est comme si on avait boxé Dieu. Il peut encaisser beaucoup de coups, mais il y a un moment où il risque de descendre du ring. Il y a quelque chose de la vie qui ne disparaît pas, mais qui s'éloigne. Simplement qui s'éloigne pour un temps, comme un enfant qui a eu trop de mauvais traitements va éviter de se trouver en présence des parents maltraitants.
(p.12)
Prendre conscience de l'extrême fragilité de cette vie, dont le tissu est très riche, et qu'un rien peut déchirer.
(p.9)