Si nul autre artiste du XXe siècle n'a été autant influencé par les maîtres du passé, nul n'a été en retour aussi cité ou copié. Dans la grande vague d'appropriation en art qui a cours des deux côtés de l'Atlantique à partir des années soixante, et encore plus dans les années quatre-vint, Picasso se révèle l'artiste dont les œuvres sont le plus largement réinterprétées. La liste semble sans fin. Parmi eux, aussi bien Andy Warhol que le groupe Art and Language, aussi bien Jasper Johns que Rodney Graham, ou encore Jean-Michel Basquiat, Sophie Calle... C'est presque une histoire de l'art contemporain en images qui peut s'écrire par l'histoire de ces prises de position vis-à-vis de l'Espagnol. Quant au choix des œuvres citées, que révèle-t'il de l'historiographie de Picasso ? Bien sûr qu'il est, face à son jumeau en négatif Marcel Duchamp, la figure du peintre malgré tout (Antonio Saura, George Condo...) Et que derrière le personnage célèbre et médiatique, il est une figure de l'engagement politique.
Lignes affûtées, plans angulaires, formes saillantes, aucun réalisme ne subsiste dans cette toile dispensée de toute règle académique. Ce Bordel d'Avignon, renommé en 1916 par le poète et critique d'art André Salmon, produisit l'effet d'une bombe dans le monde artistique, entraînant sur son passage rires nerveux et indignation. Pourtant, cette rupture stylistique ouvrit la voie de l'abstraction et fut acquise par le MoMA trente ans plus tard. Par Annabelle Ténèze.
Tout premier acte militant de Pablo Picasso, Guernica, peinture officielle d'un gouvernement en déroute, témoigne de l'horreur de la guerre et fera rayonner la cause républicaine dans le monde entier jusqu'à assimiler le peintre en héraut de la paix. Devenu étendard politique, il annonce l'Art Workers' Coalition, association partisane pour l'art interventionniste.