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sur 1481 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un roman graphique de presque 280 pages pour raconter de façon ambitieuse l'avenir de l'humanité vu à travers deux intelligences artificielles. Un parti pris de le faire sans manichéisme et avec une petite touche de poésie.
Dans un futur proche, une entreprise de la Silicon Valley met au point deux IA, Carbone et Silicium à partir des connaissances de l'ensemble du réseau mondial. Ces entités font preuve dès le début d'un sens de l'humour qui les rend sympathiques et, déjà ; très humains.
Bientôt ils auront un corps connecté avec leurs mémoire qu'ils doivent transporter avec eux comme une valise à roulette. L'entreprise prévoit une obsolescence programmée de 15 ans afin de pouvoir vendre continuellement d'autres IA sous cette forme robotique bipède.
Les deux entités apprennent à se connaître et développent d'autres sentiments humains comme l'envie de liberté, la volonté de ne plus être prisonnier de ce lieu et de cette entreprise, de découvrir le monde.
Silicium, le robot humanoïde masculin, réussira à s'échapper lors d'un passage en Inde. Il deviendra nomade, avec pour but ultime de découvrir l'intégralité des beautés du monde. Carbone, le robot féminin restera d'abord « prisonnière » puis, grâce à l'action de sa créatrice, parviendra à transférer sa « personnalité » de robots en robots au fil des générations.
Les deux robots vont se retrouver, se reperdre, être confrontés sur près de 300 ans à l'évolution de l'humanité, et à celle des problématiques actuelles : l'attrait des réalités virtuelles, le dérèglement climatique, la surpopulation, les guerres, la fin des ressources naturelles et j'en passe. Pas de coupables, pas de messages, juste la lente évolution, générations après générations vers un abîme apocalyptique. Alors que Silicium continue de découvrir cette magnifique planète, l'humanité s'enfonce dans le chaos.
Et ce n'est même pas trop désespérant car, les robots sont justement là pour apporter non pas de l'espoir, ou si peu, mais de la poésie à ce crépuscule de l'espèce humaine. Les derniers chapitres de ce roman graphique sont à ce niveau là particulièrement réussis.
Cette vision du futur, très ambitieuse, est prenante et poignante. Elle est admirablement secondée par les dessins des paysages post cataclysmiques et des villes du futur, avec des couleurs justes et en même temps improbables. On reste souvent à admirer les cases, à repérer des détails révélateurs ou iconoclastes.
Le défaut, récurrent chez Mathieu Bablet, ce sont les visages des personnages. Ils sont moches. On pourrait penser que c'est fait exprès. Mais, même dans ses autres BD, c'était déjà le cas. Un très bon scénario, de très beau dessins de décors, de paysages, de construction, d'objets, mais les visages, c'est vraiment un point faible.
Alors on finit, comme à chaque fois, par non par s'y habituer, mais à passer outre. À les oublier. Ce qui, en passant, est le signe, que le reste est absolument admirable.
Et on lit ce roman graphique qui raconte une apocalypse qui dure 300 ans, avec un réel plaisir et une pointe d'appréhension sur notre propre avenir.
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Il y'a une phrase qui m'a choquée au sujet de l'égoïsme de l'être humain : "On n'a jamais vu de cercueil pour deux."

C'est vrai ... même dans la mort, nous faisons grand cas de notre individualité. Alors comment pourrait-il en être autrement de notre vivant ? Comment privilégier l'intérêt collectif, pour le bien de chacun, alors que même une fois retourné dans le néant, il semble hors de question de partager quatre planches que nous ne verrons d'ailleurs jamais ?

Il est peu dire que j'ai apprécié ma découverte de Carbone & Silicium. C'est le genre de claque que j'aime prendre et il y'a presque un sentiment de gratitude à avoir découvert une oeuvre pareille.

L'histoire se déroule dans un monde où l'être humain refuse de faire face à sa propre mort et utilise tous les moyens pour la retarder, (ici l'intelligence artificielle et la robotique), puisant dans les dernières ressources qu'offre notre planète, dans un monde FINI, incapable de voir que son entêtement le mènera à sa perte. Incapable de voir que, malgré l'évolution multi millénaires dont il se targue, il est resté un animal aux instincts primaires, dont les désirs primeront toujours sur l'intérêt général.

Et il n'y a pas de salut pour lui.

Nos deux androïdes, nommés Carbone et donc Silicium, m'ont fait ressentir beaucoup d'émotions. Ils peuvent encore s'émerveiller d'un lever de soleil, jouir des trésors de notre planète, lorsque leurs maîtres humains ne jurent plus qu'à travers le virtuel. Leur statut "social" évolue au fil du temps. Il est d'ailleurs choquant, au départ, de voir de quelle façon les androïdes sont monnayés : assez longtemps mais pas trop, histoire de favoriser l'émergence de nouvelles générations, dites plus performantes, plus chères, et donc plus rentables. Ce n'est pas le cas des téléphones, d'ailleurs ?

Au final, il n'est pas interdit de penser que nous avons là un aperçu d'un de nos possibles futurs. Et ça fait tout simplement froid dans le dos. Espérons que nous aurons plus de jugeote pour éviter les pièges. Et je connais un excellent moyen pour cela : Lire. Encore et toujours. de bons livres faits de bon papier, et continuer de s'émerveiller d'un rien.

C'est une lecture très dure mais qui m'a fait voyager comme rarement. le premier tome de "Dune" m'a un peu fait cet effet-là. L'immersion est totale, et c'est juste magnifique à regarder.

Un très gros coup de coeur.
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Mathieu Bablet n'en finit pas de s'imposer comme l'un des auteurs de bande-dessinée les plus intéressants de sa génération.
Depuis ses débuts poétiques et post-apocalyptique dans La Belle Mort jusque dans son sublime voyage spatial dans Shangri-La en passant par la beauté intense d'Adrastée, le français creuse son sillon parmi un imaginaire protéiforme et réflectif où l'être humain devient le centre de l'attention.
Quatre ans après Shangri-La, Mathieu nous revient avec un pavé de pure science-fiction intitulée Carbone & Silicium, l'occasion, une fois de plus de replonger dans un monde fouillé et inattendu.

L'Homme de demain
Tout commence à la Tomorrow Fondation au coeur de la Silicon Valley, des chercheurs dirigés par Noriko, créent deux intelligences artificielles qu'ils nomment Carbone et Silicium. Deux être tirés du flot de l'infosphère pour habiter un corps et, à terme, relever l'humanité.
Mathieu Bablet aurait pu transformer son oeuvre en une simple course contre la montre entre les humains et les robots renégats, faire de Carbone et Silicium deux fugitifs qui n'auront jamais de place. Et c'est en partie ça, Carbone et Silicium. Mais c'est aussi tellement davantage.

Dualité de l'existence
Carbone et Silicium, ce sont deux éléments du même table périodique, deux ingrédients d'une immense formule qui se nomme vie. Mathieu Bablet crée sous nos yeux deux non-humains qui, à force d'années, de réflexions, d'émotions et de rencontres deviennent plus humains que les non-humains, s'étonnant au passage de la robotisation des êtres de chairs et de la froideur des affects d'une humanité piégée par ses propres limites.
C'est un vision du monde qui entre en collision à travers 271 ans de voyages à travers des époques, des régimes, des problématiques qui meurent et revivent.
Mathieu Bablet oublie rapidement les considérations politiques actuelles qui apparaissent absurdes aux yeux des deux androïdes pour une réflexion sur le post-humain et le post-cyberpunk.

Malgré ce qui nous sépare
D'un côté, Carbone et Silicium contemplent l'homme, vieux reliquat d'un esprit coincé dans sa viande. La solution ? Unir ses pensées, ne faire plus qu'un, tenter de prendre une autre voie radicale. Être collectif.
Ou…
Dans cet opus, on retrouve non seulement cette réflexion nuancée d'un Mathieu Bablet qui semble lui-même se questionner sur son rapport au monde et à l'autre, mais aussi son goût pour un trait et un visuel pléthorique, ultra-fouillé sans être fouillis, où les cases se dégustent longtemps et dans les moindres détails, exotiques de bout en bout, célébrant la planète autant que ceux qui l'habitent. La poésie d'Adrastée hante souvent les pages de Carbone et Silicium, comme son côté engagé et humain nous renvoie aux plus beaux instants d'un Shangri-La l'espace d'un coucher de soleil…toujours différent.
Carbone et Silicium, en fin de compte, n'apporte pas une réponse, mais des pistes de réponses, à explorer, à éprouver, à comparer.
Au milieu, ce qui fait la puissance du récit, ce n'est ni l'opposition nomade/sédentaire, collectif/individuel, naturel/technologie, vie/mort, ni même la visite de notre planète à travers le temps. Ce qui fait la puissance du récit, c'est l'incroyable humanité de ces deux êtres qui se pardonnent et s'aiment par-delà les époques et les blessures, ce sont Carbone et Silicium, qui démontrent que peu importe les différences, on peut toujours choisir d'accompagner l'autre.

C'est une nouvelle fois un superbe voyage que nous offre Mathieu Bablet multipliant tout par deux, par quinze ou par deux cent soixante et onze. Aussi cyberpunk que cyberhumain, transhumain que posthumain, voire même humain tout court, Carbone et Silicium passionne et émeut par sa justesse et son trait toujours aussi épatant.
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Après le phénomène SF qu'a constitué « Shangri-La », sélection officielle du FIBD d'Angoulême 2017, c'est peu dire que l'on attendait le nouveau projet de Mathieu Bablet avec impatience ! Lauréat du prix BD France Inter/Fnac, le jeune prodige de la SF a une nouvelle fois réussi son pari avec un roman graphique « Carbone & Silicium » d'une ambition et d'une grâce folle. En près de 300 pages il redessine et repousse les frontières de la SF avec une oeuvre post apocalyptique et philosophique convoquant aussi bien Asimov et ses lois sur la Robotique, que Blade Runner de Philip K Dick, entre autres sources d'inspirations. Car de l'inspiration Mathieu Bablet n'en manque pas tant cette BD est traversée par le souffle de l'histoire, celle de notre futur, de notre avenir à l'heure où le réchauffement climatique, l'épuisement des ressources de la planète, l'apocalypse nucléaire, les pandémies et la surpopulation menacent de toutes parts. C'est à une odyssée robotique à laquelle nous assistons. Carbone et Silicium sont deux entités, deux IA fabriqués dans la Silicon Valley en 2046. Ils seront les témoins de tous les déchirements de l'humanité, de toutes les compromissions, de toutes les lâchetés de notre espèce. Deux IA dont on promettaient une espérance de vie de quinze ans afin de pouvoir vendre plus de robots, toujours plus et les renouveler sans cesse, sans fin. Oui mais voilà, lors d'un voyage d'essai en Inde, Silicium, qui a le corps d'un Robot homme, s'échappe et s'en va découvrir le monde, son obsession. Carbone, dans son corps de Robot femme, n'aura qu'une idée en tête le retrouver et vivre à ses côtés. On suit les évolutions de l'intelligence artificielle à l'heure des réseaux sociaux, des téraoctets de données échangées en quelques secondes. On contemple l'abîme dans lequel l'homme s'effondre. Ses braises et ce feu ardent de la guerre et des révoltes d'abord entre hommes puis entre robots et hommes ne sont qu'une étape dans la perception visionnaire de Mathieu Bablet. Ce monde qu'il bâtit sous nos yeux est aussi effrayant que fascinant et les planches des illustrations sont absolument sublimes. On a le vertige, surtout dans le dénouement de ce roman graphique puissamment évocateur. A lire aussi, la magnifique postface d'Alain Damasio (La Horde du Contrevent) qui offre des clés aux lecteurs pour analyser ce roman graphique dantesque. On est ébloui, tout simplement par cette immersion dans les scénarios possibles du futur de l'homme et du robot. Les hommes sont de plus en plus connectés, se perdent dans les couloirs du temps et les robots sont appelés à exercer des tâches qui autrefois incombaient aux premiers. Mais il y a une chose que l'homme ne pourra jamais avoir et concevoir c'est l'immortalité. La finitude du corps, sa lente et inexorable décomposition, Mathieu Bablet l'imagine aussi pour le robot, mais ce dernier peut changer de corps grâce aux réseaux connectés. Avec « Carbone et Silicium » Mathieu Bablet tutoie les sommets du genre. C'est inconcevable quand on aime la BD, de passer à côté de ce qui est un classique instantané de la BD SF ! Culte et visionnaire.
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Carbone et Silicium sont deux robots qui vont "vivre" durant plus de 200 ans et voir l'évolution de l'humanité au fil des années.
Cette bande dessinée de plus de 200 pages est exceptionnelle.
Les deux héros vont nous emmener à travers le monde et graphiquement, chaque pays et chaque époque seront représentés dans des tons différents.
Le lien qui existe entre ces deux robots doués de capacités extraordinaires est très beau, c'est une sorte d'histoire d'amour entre deux êtres qui ne peuvent normalement pas ressentir de sentiments.
Le récit est parsemé de réflexions profondes sur le sens de nos existences, ça parle de nos raisons de vivre et de ce qu'on laisse aux générations suivantes.
C'est très poétique malgré un sujet évidemment difficile, puisque l'évolution de la terre n'est pas des plus réjouissante.
J'ai été conquise par le mélange de poésie et de nostalgie qui se dégage de ces pages.
Seul petit bémol, la taille des caractères, qui est bien petite pour mes pauvres yeux de quadragénaire myope et fatiguée.

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"La société peut elle vraiment fonctionner avec les humains ?"

Les questions soulevées dans Carbone & Silicium sont des questions très réalistes. Ce somptueux one shot, dessiné par Mathieu Bablet, mêle un univers cyberpunk, une histoire d'amour entre deux êtres pas faits pour vivre ensemble et la quête de la liberté et d'un monde fraternel. Carbone & Silicium narre les vies des deux robots éponymes à travers plus de 271 ans d'une civilisation humaine à son crépuscule.

La savante Noriko crée pour le compte de la corpo Tomorrow Foundation, une intelligence artificielle afin d'être téléchargée dans des robots et utilisée (au début) pour assister les humains. On est dans de la bonne vieille cyberpunk, donc c'est assez jouissif. Carbone et Silicium sont les deux premiers modèles produits, grandissent en laboratoire mais sont aimés par Noriko. Un jour, les deux robots tentent de s'enfuir. Silicium arrive à s'échapper dans la nature. Carbone, non, et semble condamner à la destruction. La scientifique arrive à la sauver de sa fin programmée et la libère. Désormais, les deux modèles parcourent le monde, poursuivis par la Tomorrow Foundation, décidées à ne pas laisser en liberté deux exemplaires hors du commun.

Ils cherchent leurs places dans un monde qui n'en a pas pour eux. Ils s'affirment l'un et l'autre comme individus avec leurs volontés et personnalités propres. Silicium, tout d'abord, a totalement pris sa liberté. Ayant enlevé sa puce de localisation, naviguant sous les radars de la corpo, il n'est limité que par l'âge vieillissant de ses composants. de villes ultra-urbanisées en territoires perdus, il découvre le monde. Carbone, elle, a été importé sur le réseau grâce à sa créatrice Noriko et est désormais immortelle. Dès que son corps la lâche, elle se télécharge dans un autre robot.

Nos deux robots sont liés par un amour et une histoire qui pourraient être ceux de deux humains normaux. Deux humains normaux, avec trop d'idéaux, avec trop d'indépendance, pour s'enfermer dans les carcans du mode de vie d'un autre. Carbone est à la recherche d'un monde idéal pour son peuple robot, un monde sans violence et construit sur leur totale interconnexion. Silicium veut explorer chaque recoin du monde, tant qu'il en calcule la part déjà visitée (vous savez, c'est comme quand vous mettez une punaise sur votre carte du monde en liège).

Ils sont l'incarnation, l'un et l'autre, de deux faces de nos sociétés, domination de l'individualisme sans borne et poursuite de la chose commune, apparemment irréconciliables et pourtant indissociables.

Traversent le récit aussi des thématiques majeures de la SF et du cyberpunk. On retrouve tout d'abord la décadence puis l'effondrement. Peu à peu la société tombe dans un désordre complet, les décideurs sont inactifs, la violence prend le pas sur tout le reste, les robots combattent les humains, des phénomènes de secte ou d'apartheid apparaissent. La parole n'est plus nécessaire, car tout passe par des communications "réseau", alors le lien social du monde réel disparait ; la fuite dans le virtuel des jeunes (comme Carbone, trop heureuse de vivre dans le réseau).

"Peut-être qu'on a mis les humains sur un piédestal un peu trop haut. Ils ont tout fait pour oublier leur statut d'animal, sans jamais le dépasser. Ils ont échoué Carbone. L'humain a échoué"

Le changement climatique est un deuxième grand axe du roman graphique. A +15°C, on est bien au delà du 1,5°C qu'on devrait atteindre ou du 4°C qu'on nous prévoit. Des villes entières sont sous l'océan. Dérèglements climatiques extrêmes, inondations, sécheresse détruisent doucement la société. Dans ce roman, la fin du monde, c'est d'abord et avant tout la fin de l'espoir que l'humanité avait une chance de s'inscrire dans ce monde.

Sur un plan plus métaphysique, l'immortalité et le sens de l'existence sont pour Carbone et Silicium des doutes fondamentaux. Depuis que l'une comme l'autre se sont affranchis de la durée de vie de 15 ans fixé par Tomorrow Foundation, ils sont condamnés à l'éternité et à errer de corps en corps pour l'une et à réparer un corps métallique en déliquescence continuelle pour l'autre. Comment s'en échapper ?

"Est-ce que chaque tentative n'est pas destinée à engendrer un monde inégalitaire et violent ?"

Le dessin est parfois cassé, distordu mais riche. Certaines planches sont fascinantes : ces bâtiments pilonnés, ces rues souillées de ruines et de déchets, un lever de soleil sur une piste de randonnée à St Mary Peak, deux amoureux sur le rooftop d'un immeuble américain, le reflet de l'océan sur une plage de sel.

Le choix enfin du nom des personnages est assez remarquable : au-delà du fait que le Carbone est l'élément de biochimie de notre vivant et le Silicium une de ses possibles alternatives, le carbone est un élément qui forme facilement des structures alors que le silicium a plus de difficultés à former des liens.

Ce roman graphique a détonné en 2020 à sa sortie et, à mon goût, à raison. Confronté à notre potentielle annihilation et à notre liberté certainement entravée, nous étions Carbone et Silicium, en quête de sens, de réponses, d'un échappatoire, d'un autre monde.

Allez, il me reste 2 ans pour lire Shangri-la avant du 3e volume. Avant, on va boire un verre de jus d'orange et aller bronzer parce que c'est pas joyeux tout ça.
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On retrouve le thème de Brian Aldiss dans “Les Supertoys durent tout l'été” (1958) utilisé par Steven Spielberg dans I.A. (2001). Les robots accèdent à la conscience, dans un monde en déclin, technologique et peu écologique. Mathieu Bablet nous propose une bande dessinée très ambitieuse, 270 pages d'une histoire s'étendant sur 271 ans, un projection d'anticipation audacieuse et particulièrement soignée dans la cohérence, pas seulement au niveau de l'intrigue, mais aussi dans le domaine de la réflexion. le graphisme joue habilement entre style naturel, couleurs naturelles et style technologique, chaque page est traitée avec finesse et rudesse, dans le foisonnement du trait, les subtilités colorées, et propose une ambiance forte et intense. le dessin et les couleurs m'ont scotché, l'anticipation m'a impressionné, malgré son pessimisme, et on arrive à être bouleversé, submergé par l'histoire, qui donne en plus à réfléchir. C'est une sacrée BD.
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Coup de foudre inattendu (ce sont les meilleurs) pour ce roman graphique qui m'est rentré dans la peau et dont la trace reste présente en moi plusieurs jours après ma lecture.
C'est son graphisme qui me l'a fait choisir, avec ce trait un peu tremblé et si vivant quand il trouble les traits des humains et humanise ceux des I.A. L'étendue du jeu sur la gamme chromatique aussi, qui progressivement efface les frontières entre humanité et robots tout en mettant en relief l'effondrement que l'homme aura produit.
De l'an zéro, à leur "naissance", à l'an 271 où les androïdes réinventent le monde par une nouvelle approche civilisationnelle, Carbone et Silicium, les deux I.A. maîtresses et fusionnelles font chacune l'expérience du monde sensible des humains avec des approches et expériences radicalement différentes, mais toujours se retrouvent pour vivre une histoire d'amour au-delà des contingences humaines.
C'est beau, c'est troublant, cela questionne en profondeur autour d'un scénario rythmé qui ne perd jamais sa ligne.
Pas étonnant qu'Alain Damasio en ait rédigé la postface!
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Le Silicium, Si, dans le tableau périodique des éléments chimiques est, après l'oxygène, l'élément le plus abondant dans la croûte terrestre.
Le Carbone, C, est le quatrième élément le plus abondant dans l'univers. Il est à la base d'une multitude de composés organiques.
Dans le magnifique ouvrage tant sur la forme que le fond, de Mathieu Bablet, ils sont deux entités créées dans la Silicone Valley par la société Tomorrow Foundation sous la direction du Professeur Noriko, deux intelligences artificielles, deux émotions artificielles… Leur rôle sera de créer du lien social, d'apporter assistance et présence auprès d'une population de plus en plus vieillissante, abandonnée par les plus jeunes.
Prévues, selon les lois du capitalisme, à une durée de vie courte, régit par une obsolescence programmée, ils doivent s'éteindre au bout de quinze ans. Seulement ces entités douées d'une remarquable intelligence et capable de traiter des quantité d'informations en quelques nanosecondes, ne le verront pas de cet oeil.
Je n'ai pas assez de superlatifs pour vous décrire la qualité du travail de Mathieu Bablet. Cet album est postfacé par Alain Damasio, c'est pour moi la meilleure preuve de sa magnificence. Si un jour, je rédige une chronique ne serait-ce que dix fois moins bonne que cette analyse de l'oeuvre par ce génie qu'est Damasio, je serais le plus heureux des blogueurs.
Carbone & Silicium est à la fois, une oeuvre futuriste et actuelle, philosophique et initiatique, engagée, sombre et lumineuse. Elle nous marque et mérite sa place au Panthéon des oeuvres SF à côté des romans de Barjavel, Azimov, Damasio… C'est le cycle des robots d'aujourd'hui. Mathieu, nous peint un tableau avec des illustrations qui nous paraissent parfois inachevées, qui créent un flou mais qui correspondent à ce futur qui n'est qu'une proposition du futur qui nous attend. Un monde ravagé par la surpopulation, qui se vengera de la manière dont nous traitons la planète et où les technologies que nous développons prendront une place de plus en plus importante, reléguant l'espèce humaine à un second plan. Ça, c'est pour le côté sombre.
Pour le côté lumineux de cette oeuvre, qui vient éclairer les ténèbres, vers lesquelles nous fonçons tête baissée, il y a ces histoires d'amours, un amour filial entre Noriko et ses créations, surtout carbone, un amour platonique entre les deux entités qui traversera le temps.
Quelles places souhaitons-nous laisser à l'artificiel ? Quels futurs souhaitons-nous pour nos enfants ? Voilà le genre de questions qui vous trotteront dans la tête après la lecture de ce chef d'oeuvre.

Lien : https://imaginoire.fr/2020/1..
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Une énoooorme BD, un scénario ambitieux, de la science-fiction et une belle découverte !
Cet énorme ouvrage m' impressionnait un peu, par sa taille 272 pages, son dessin, son titre. J'aime être étonnée par une lecture mais là, je ne savais vraiment pas où je m'étais les pieds. Sans compter que la science-fiction n'est pas mon univers de prédilection.
La couverture hypnotique, l'intérieur très esthétique et ma curiosité ont fait le reste.
Nous sommes en l'an 1. Une équipe de scientifiques de la Silicon Valley met au point une nouvelle génération de robots, deux humanoïdes, Carbone et Silicium... le projet a pour but de commercialiser des robots faisant preuve d'empathie afin de s'occuper au départ ,des personnages âgées en maison de retraite, entre autres...


Une BD ambitieuse où technologie, réflexion et poésie s'entremêlent, questionnant notre identité, notre humanité. Un sujet dans l'air du temps, une interrogation sur l'intelligence artificielle, dans la continuité de nombreux romans de SF mais qui propose un point de vue légèrement différent. Nous suivons ici le parcours de ces deux humanoïdes, qui seront nos guides dans ce futur pas vraiment rassurant. Un voyage de 271 ans tout de même !

Le scénario

Je l'ai trouvé intéressant, très riche et innovant. Il prend le contre pied de bon nombre de récits en donnant la vedette à deux humanoïdes.
Ainsi, leur regard est neuf, sans apriori et sans filtre. Comment rendre ces robots le plus humains possible ? Voici la principale tâche des scientifiques. Mais qu'est-ce qui caractérise nos individualités ? Nos désirs, nos besoins ? La recherche de satisfaction ?
Noriko, cheffe du projet, se démène pour mener à bien cette mission et considère ses robots comme ses enfants. Même si tout ne va pas se passer comme prévu, ici les robots ne sont pas vraiment une menace.
Les humains sont peu présents. Ils disparaissent même de notre champ de vision en fin d'album. La quasi absence des humains est une originalité du scénario.
La temporalité est également assez surprenante. Il se passe peu de choses. Les années défilent mais nos humanoïdes sont toujours là. 288 pages pour 271 années d'histoire de l'humanité. C'est tout de même une belle prouesse ! le rapport au temps est très bien traité. Une très longue histoire de l'humanité...
Évidemment comme toujours, l'avenir est bien morne et ne fait pas rêver. Alors, l'ensemble est teinté d'une certaine tristesse. Mais j'y ai vu aussi beaucoup de poésie. La fuite en avant de Silicium, son désir acharné de découvrir le monde, chaque parcelle de la planète terre et sa beauté est une vision rassurante. de même que cette différence qui peu à peu va s'installer entre les deux robots, une vision et un désir différent alors qu'ils sont identiques au départ, autant de repères auxquels se raccrocher.
Entre contemplation et dénonciation, la technologie face à la beauté du monde , le scénario est vaste et questionne notre humanité.

Le dessin

Il m'impressionne beaucoup. Les personnages ne sont pas très beaux. Les humains surtout, ils ont des corps assez laids, aux formes disgracieuses. Les humanoïdes à côté ont des corps idéalisés au départ. Mais finalement tous les personnages se confondent un peu ensuite. Et humains et robots sont un peu semblables. Très bien trouvé ! C'est assez ironique de voir des humains idéalisés le corps de ces humanoïdes, jusqu'à leur ressembler. Alors qu'à côté, les humanoïdes vont vite regretter ce corps dont ils ne comprennent pas l'intérêt si ce n'est de les ralentir.
Ainsi, ils n'ont aucun problème à changer d'enveloppe corporelle, passer d'un corps de femme à celui d'un homme ou d'une machine.
Les planches sont variées et très esthétiques. Certaines sont sans dialogues et correspondent aux connexions et déplacements des humanoïdes dans le système informatique. Ces planches sont les plus belles, elles se parent de teintes automnales, caramel indigo, aubergine tonique, acajou zinzolin, "une transcription chromatique du réseau par Mathieu, qui touche au chef d'oeuvre" dira Alain Damasio dans la postface.

Mon avis

Une vision du futur un peu effrayante car nous y sommes peu présents, voire exclus. Nous semblons bien faibles également. Les robots, quant à eux, semblent éternels. Seul le corps qu'on leur a attribué au départ se délite mais leur esprit, ici leur unité centrale est éternelle. Leurs possibilités sont infinies.
C'est une lecture hors du temps, loin de nos repères spatio-temporels et même esthétiques, avec une planète Terre que je peine à reconnaître. Perte de repères qui vous fait plonger dans l'histoire, et vous amène à réfléchir autrement, on prend de la hauteur.
De grandes questions peuvent alors être abordées, ou suggérées. Où la technologie va-t-elle nous emmener ?
De la BD qui fait réfléchir, qui plaira aux amateurs de SF et aux curieux, de l'anticipation format XXL , un saut dans le futur , un album magnifique, une oeuvre solstalgique, solaire et mélancolique, selon Damasio.
Et pour moi, un coup de coeur !




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