Je connaissais
Djaïli Amadou Amal de nom, ayant entendu parler de son militantisme féministe, surtout après l'obtention du Prix Goncourt des lycéens en 2020 pour
Les Impatientes… Mais, celles et ceux qui me suivent le savent, je ne lis pas forcément les romans primés…
J'ai découvert
Coeur du Sahel en version audio, lue par Claïna Clavaron, grâce à NetGalley.
Un dépaysement complet dans l'extrême nord du Cameroun… Personnellement, j'ai consulté une carte pour situer Maroua, la grande ville où Faydé, l'héroïne de ce roman, rejoint Srafata et Bintou, contrainte comme elles de quitter le collège et de devenir domestique dans une concession.
Ainsi présenté, le contexte de cette histoire pourrait sembler lointain… Mais non, les évènements décrits sont contemporains sur fond de changement climatique, de grandes difficultés économiques pour les populations rurales des montagnes, de nécessité pour ces jeunes filles de soutenir financièrement leurs familles. C'est d'autant plus vrai pour Faydé dont le père a mystérieusement disparu, sans doute enlevé par Boko Haram, laissant son épouse et ses enfants dans le dénuement le plus complet.
Ainsi, à quinze ans, Faydé entre au service d'un riche commerçant peul, ainsi que de sa mère, de ses trois épouses et de ses nombreux enfants. La voilà devenue taillable et corvéable, méprisée par la classe aisée, obligée d'obéir à des règles complexes mais sans le moindre droit.
J'ai été très intéressée par le versant peinture sociale de ce livre, par la plongée sans filtres dans le quotidien de ces jeunes filles courageuses, vulnérables, naïves et lucides à la fois. J'ai été particulièrement sensible à la tonalité juvénile de la narration qui, même omnisciente, place les lecteurs à la hauteur des personnages. Je signale au passage que la narratrice de la version audio, Claïna Clavaron, sert admirablement le récit, faisant vivre et évoluer Faydé et ses camarades avec naturel et émotion.
J'ai aussi beaucoup apprécié le contexte socio-économique et politique, très présent au fil de toute l'intrigue.
Djaïli Amadou Amal ne se contente pas de l'évoquer en toile de fond ; elle nous permet de l'expérimenter de l'intérieur, à partir de la sphère privée et d'une véritable polyphonie de points de vue, celui des domestiques, celui des hommes et des femmes de la maison, celui d'une future mariée… Il est naturellement question de communautarisme, de traditions, de mariages forcés, de virginité, d'hypocrisie religieuse…
Les parcours et portraits de femmes sont variés et travaillés. L'autrice promeut l'éducation des filles, les droits et la liberté des femmes dans une société patriarcale. À ce titre, le cheminement de Faydé est très parlant.
En revanche, j'avoue avoir un peu buté sur le côté romance de ce récit. J'ai lu, ici ou là, que c'est un peu la marque de fabrique de
Djaïli Amadou Amal et je respecte ce choix narratif.
Mais l'histoire d'amour entre Faydé et le professeur m'a vraiment paru relever d'un style roman-photo que je ne peux pas cautionner ; le personnage masculin m'est apparu très stéréotypé et peu crédible. C'est un peu dommage !
Un ressenti en demi-teinte pour moi…
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