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José Corti [corriger]

Créées en 1925 les éditions José Corti sont une maison d`édition fondée par José Corti. Elle a publié des auteurs célèbres comme André Breton, Paul Eluard, Aragon ou encore Julien Gracq qui n`aura aucun autre éditeur à part la Pléiade. La librairie et la maison d`édition de José Corti se trouve depuis 1935 au 11 rue de Médicis.

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Les eaux étroites

« Nous connaissons tous ces livres qui nous brûlent les mains et qu'on sème comme par enchantement - nous les avons rachetés une demi-douzaine de fois, toujours contents de ne point les voir revenir » écrivait J. Gracq quelques temps avant de refuser le prix Goncourt.

Les Eaux étroites est une exploration, rêvée longtemps après, de ces lieux d’enfance, ici la remontée sur quelques kilomètres de l’ Evre, un affluent de la Loire.

L’écriture se fait au rythme du mouvement d’une barque sur l’eau, ce que l’on y voit, le mouvement « sans retour du cours de ces eaux, sur une vie qui a eu lieu ».

Comme une exploration, une errance initiatique, de début vie.

Au fil de son voyage sur l'eau, il évoque ses souvenirs, notamment littéraires : Edgar Poe, Rimbaud, Nerval, Gaston Bachelard et d'autres qu'il associe aux paysages de son enfance. Ce souvenir idéalisé de jeunesse qui continue d'affleurer jusqu'à la fin de sa vie.

Et bien sur le style, le langage poétique de Gracq, scansion, rythme, sensations de glissement (sur l'eau), de goût (la brûlure piquante et assoiffante de la limonade tiède), qui nous donnent accès au monde intérieur. Les souvenirs d'enfance se détachent de l'histoire pour devenir : "pareil à ces fleurs japonaises qui se déplient et s'ouvrent dans l'eau".

Du grand art.

Qui n'a pas "sa" promenade", "ses" lieux" magiques au fond de sa mémoire? Toutes, Tous. Du moins, je l’espère.

A savourer.

Lire Gracq, c'est ne pas chercher dans la littérature des réponses toutes faites, ne pas chercher à se conforter dans des certitudes en phase avec le monde ambiant.

Il défendait une littérature libre des modes, du mercantilisme fréquent de l’édition.

Il a écrit des pages émouvantes sur la rencontre du lecteur avec le livre et défend ce tête-à-tête unique.

Je ne me souviens pas comment j’ai rencontré J Gracq, assurément pas un prix littéraire. Le hasard, un bon libraire, un éditeur courageux ou fou ? Le hasard sans doute, qui font rencontrer certains et pas d’autres.

Pas encore « Babelio » !

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La maison

Avoir la possibilité de lire un récit de Julien Gracq, découvert plus de quatre-vingts ans après sa rédaction, me semble une très grande chance. Cela m'a donné l'envie de lire d'autres oeuvres de ce grand écrivain que j'ai à tort laissées de côté.



Ce petit recueil offre une écriture exceptionnelle, à des milliers de lieues de tout ce qui est publié aujourd'hui par les écrivains français, même si quelques pépites émergent, écrites par les valeurs sûres comme JMG le Clézio, Sylvain Tesson, ou par de rares jeunes auteurs qu'il faut dénicher après de multiples lectures infructueuses.



Chez Julien Gracq, on trouve d'abord un style éblouissant, l'écrivain mettant en ordre de marche des mots simples dont l'harmonie dégage immédiatement la sensation de se trouver immergé dans les lacis broussailleux de la campagne angevine, au point que la découverte de la maison, partagée avec la patience observatrice de l'auteur, génère tout un environnement de mystère à l'intérieur duquel le lecteur désire se fondre pour explorer au plus profond toute la poésie de l'écrivain.



Et dans la maison, il y aura, inévitablement, une femme, un pied nu, une chevelure blonde, l'ensemble entrevu au travers d'un vitrage presque opaque, Julien Gracq mettant en scène toute la sensualité que peut exprimer pareil spectacle inattendu, espéré probablement.



Chaque mot de Gracq paraît pesé, choisi, remplacé, à nouveau mis en place, ainsi qu'en témoignent les si nombreuses ratures du premier manuscrit, malheureusement peu lisible.



J'ai retrouvé en lisant La maison "cette voie forestière perdue" évoquée dans La presqu'île et savouré toutes les descriptions des bois, des arbres, des milans, entendu le chant de la femme, au point de presque toucher ses pieds nus et percevoir le frôlement de sa chevelure blonde.
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Lettrines 2

En deux volumes somptueux distants de sept ans, mêlant critique et géographie, notes fugitives et micro-essais, le passage définitif de Julien Gracq à une écriture hybride et fragmentaire, profondément singulière, d’une richesse éclatant à chaque relecture.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/05/16/note-de-lecture-lettrines-1-2-julien-gracq/



Six ans après son « Préférences » de 1961, qui rassemblait des textes parus auparavant en journal ou en revue, « Lettrines » marquait une rupture de silence de la part de Julien Gracq, mais aussi le début d’une forme subtile d’adieu. « Lettrines » (1967) et « Lettrines 2 » (1974) encadrent ainsi « La presqu’île » (1970), qui restera la dernière incursion de l’auteur dans l’écriture de fiction, cantonnée ainsi aux quatre romans « Au château d’Argol » (1939), « Un beau ténébreux » (1945), « Le Rivage des Syrtes » (1951) et « Un balcon en forêt » (1958), ainsi qu’à la pièce de théâtre « Le Roi pêcheur » (1948).



Désormais, c’est un rapport original et bien personnel, à la littérature et au monde, qui ira s’affirmant, dépassant la forme critique « classique », au fond, de son « André Breton – Quelques aspects de l’écrivain » (1948) et des « Préférences » citées ci-dessus aussi bien que la robustesse pamphlétaire de son « La littérature à l’estomac » (1950), pour affirmer un parcours profondément singulier.



Mêlant, avec des coutures alternativement visibles ou invisibles, les notes attentives de lectures incidentes (voir ci-dessus celle à propos de la figure de Fouché dans l’ouvrage de 1900 écrit par Louis Madelin, par exemple), les retours critiques sur les grands écrivains si bien connus de sa part, français (prenant souvent ses distances avec ce qu’il perçoit comme un « trop d’adulation » envers Proust ou Flaubert, admirant Balzac et Hugo jusque dans leurs formidables excès, renvoyant Maupassant à sa modeste place, et se délectant de Stendhal) ou étrangers (avec de lumineuses interventions sur Edgar Poe, sur Kafka, sur Dostoïevski, sur Hemingway, sur Ernst Jünger, sur Karl Marx – en tant qu’écrivain -, parmi tant d’autres), les remarques géographiques et « naturelles » (on sait alors au moins depuis les poèmes en prose de « Liberté grande », en 1946, à quel point la nature, même confinée dans la discrétion, joue chez l’auteur un rôle central – et ce n’est pas la forêt de son dernier roman en date, neuf ans plus tôt, qui pourrait le démentir) puisées dans la mémoire ou dans l’action (anticipant ainsi de plus de vingt-cinq ans, déjà, sa propre notion de « Carnets du grand chemin »), les « Lettrines », 1 et 2, affirment notamment un lien essentiel, puissant, voire indestructible, qui habitait déjà alors, de plus en plus, l’œuvre de Julien Gracq au fil des années : celui qui associe la littérature aux lieux, à travers les êtres qui s’y logent ou y transitent.



Emmanuel Ruben, dans son « Dans les ruines de la carte » de 2015, comme Pierre Jourde dans son fondateur « Géographies imaginaires » de 1991, attiraient notre attention sur ce rôle assigné au doux entrechoc des lettres et des lieux chez Julien Gracq, mais c’est peut-être bien Hélène Gaudy (au-delà de la « Description d’Olonne » de Jean-Christophe Bailly, qui doit tant en filigrane au créateur de la seigneurie d’Orsenna) d’une part, avec son « Une île, une forteresse » ou son « Grands lieux », par exemple, et Nicolas Rozier, avec son « L’île batailleuse », au titre en forme d’hommage révélateur, qui incarnent le mieux aujourd’hui cette fusion intime mais toujours subtilement critique entre un regard porté sur les arts et un élan humain vital se nourrissant d’une géographie chaque fois spécifique.



Il faut une fois de plus souligner la formidable qualité du travail développé par Bernhild Boie pour l’édition des œuvres de Julien Gracq dans la collection La Pléiade de Gallimard : l’appareil de notices et de notes qui s’y trouve, pour chaque ouvrage, nous permet ici de plonger au plus près de ce virage (qui, entre les deux volumes des « Lettrines », sera devenu définitif) vers une écriture à la fois foncièrement hybride et résolument fragmentaire. « Ensemble très libre », « mosaïque de notes de lecture, de réflexions, de souvenirs », selon les mots même de l’auteur, les « Lettrines », si elles présentaient initialement l’apparence du carnet, du cahier sur lequel elles ont d’abord été inscrites, ont vu être gommés les repères temporels liés à leur écriture « au jour le jour » pour être édités sous leur forme finale, fruit d’une composition en réalité soigneusement réfléchie – qui sera encore facilitée par la suite, lorsque le cahier s’effacera devant un assemblage de feuillets mobiles. Plus que jamais, l’auteur s’y affirme sensible à la « circulation entre les textes », aux « tensions capables d’aimanter la lecture », aux appels d’air et de balle, directs ou indirects, qui parcourent le pas-tout-à-fait aléatoire de ce vrai-faux chaos. Si la recherche d’un rythme – même quelque peu paradoxal par moments – semble le point plus important dans le premier volume, le deuxième laisse s’y superposer une véritable organisation thématique, qui va aller s’affirmant.



On sera saisi également, comme nous y invite Bernhild Boie, dans cette prose ainsi sortie du secret préalable, par les véritables trouvailles stylistiques qu’elle contient : la manière de débuter chaque fragment par un véritable « coup d’archet » (en phase avec la notion même de lettrine du titre des deux recueils), l’utilisation de phrases sans verbe pour lancer le propos lui-même, l’usage (spectaculaire par son effet de souffle) des deux-points enchâssés, enchaînés ou égrenés (on retrouve ici l’une des figures souveraines du « À coups de points – La ponctuation comme expérience » de Peter Szendy), ou encore la rusée mise en place de tirets lorsqu’il s’agit de compléter ou de parachever une description et son effet d’accumulation. Sur un terrain proche de l’essai où l’on n’est certes pas habitué à un tel travail, Julien Gracq se penche minutieusement sur les mots (et leurs appuis) pour le dire. Ces « Lettrines » n’en deviennent évidemment que plus profondément envoûtantes pour l’intelligence et pour les sens.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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