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Le silence des pélicans

Un nouveau plongeon dans mon pense-nouille m'a fait chuter sur ce polar jubilatoire qu'à ma grande honte, j'avais oublié.

Heureusement que mon ami Éric en a écrit un récent retour enthousiaste, lequel a fait remonter derechef les pélicans tout en haut de la tour.



Nous sommes à Montréal et l'inspecteur Bonneau ne sait pas encore qu'une grosse affaire va lui tomber sur les épaules.

Pour couronner le tout, on lui confie la lourde tâche de former un jeune assistant, tout frais émoulu de l'école de police, dans laquelle il s'est particulièrement distingué par son indiscipline.



Le duo de choc va faire des étincelles... pour le plus grand plaisir des lecteurs.



C'est le premier livre que je lis de cet auteur québecquois et honnêtement, trois heures après l'avoir refermé, j'en rigole encore.

Mais ne vous y trompez pas, si le duo d'enquiêteurs est désopilant, l'enquête par elle-même est très sérieuse et on la suit avec un grand intérêt.



La plume est fluide et agréable. Les expressions québecquoises ne m'ont pas déroutée parce que j'y suis habituée.

Elles sont néanmoins savoureuses et très compréhensibles.



J'ai hâte de suivre à nouveau les aventures de Bonneau et Lamouche (nom de famille Lamouche - Surnom La mouche, si, si.).



Amateurs de polars bourrés d'humour, ce bouquin est fait pour vous.



PS. : Je remercie ma Pamplemousse, ma Juju et mon Antonio, qui m'ont fait mettre ce bijou dans mon pense-nouille en premier lieu.

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La femme papillon

Est-ce un signe des temps ? Il semble que certains auteurs québécois innovent en déplaçant en Europe l’action de leurs thrillers et de leurs polars et, par le fait même, les aventures de leurs personnages. C’est le cas de Jean-Louis Blanchard qui fait voyager son inspecteur Bonneau et son adjoint Lamouche à Paris ainsi qu’au bord du lac Léman à Genève, à Montreux et dans l’abbaye moyenâgeuse du domaine fictif de Montrailles.



« La femme papillon » est le quatrième tome mettant en vedette le binôme du service de police de Montréal aux personnalités aux antipodes l’une de l’autre. Contrairement aux opus précédents, l’enquête « plus classique » est menée à part entière par le jeune Lamouche, « impertinent, un peu rebelle, mais plutôt futé » alors que son collègue gaffeur se retrouve isolé dans un lieu qu’il peine à identifier.



L’humour qui a caractérisé jusqu’à présent cette série y est moins burlesque.



Le récit s’inscrit dans une suite logique de l’affaire entourant le Le radeau de la Méduse, « un tableau signé Delacroix avait été au cœur d’une enquête importante que Bonneau et lui avaient menée quelques mois plus tôt » habilement rappelée dans une scène au Jardin du Luxembourg : Lamouche et son interlocutrice s’arrêtant devant une des nombreuses sculptures : « … un buste représentant Eugène Delacroix ». Aussi en lien avec celle du trésor des Chouans et, par la bande, de celle des Pélicans.



On y retrouve un Bonneau dont l’accent laisse croire qu’il est Belge, toujours aussi bougonneur qui, en arrivant à l’aéroport Charles-de-Gaulle regrette de s’être laissé convaincre de traverser l’Atlantique…



« …écrasé de fatigue. Il venait de passer plus de sept heures, assis bien droit dans un avion, à souffrir de terribles démangeaisons. À ruminer des pensées terrifiantes. À se demander si le pilote saurait faire comme le commandant Piché en cas d'urgence. À se convaincre que, pour le retour, valait mieux prendre le bateau. »



… et



« … pourquoi avait-il fini par accepter cette stupide invitation ? Venir à Paris juste pour faire plaisir au président de la République ! Pire encore : pour un dîner où on lui servirait certainement des plats immangeables aux noms farfelus ! D'ailleurs, quelle sorte de conversation pourrait-il même entretenir avec ce politicien dont il ne savait rien ? Non ! Il se doutait depuis le début que c'était une très mauvaise idée. La petite voix dans sa tête lui avait répété maintes fois : N'y va pas, Bonneau ! Tu vas te retrouver là comme un pauvre clown ! Comme le phoque dans la chanson de Beau Dommage. Il avait donc repoussé cette visite pendant des mois, et regrettait amèrement aujourd'hui d'avoir abdiqué. »



Lui qui a laissé derrière lui sa « chaise vide, [son] vieux bureau encombré de papiers, [son] antique dactylo Remington que plus personne n’utilisait depuis des décennies » sauf lui-même, sans oublier « le canapé qui […] servait de lieu de travail » à Lamouche.



Pour celles et ceux qui découvrent l’univers des personnages imaginés par Jean-Louis Blanchard, l’auteur a également inséré un court paragraphe permettant de contextualiser la présence de de ce dernier appelé à « jouer les James Bond » et qui, « comme à son habitude, choisit [toujours] de monter par l’escalier plutôt que par l’ascenseur » :



« Ce jeune blanc-bec n'avait pas encore franchi la moitié du contrat de douze mois qu'on lui avait accordé, et pourtant, il prenait ses aises comme si les lieux lui appartenaient. Ou comme s'il voulait rappeler à son directeur qu'il n'avait jamais été dupe de la situation : on lui avait offert ce contrat précisément en raison de sa réputation de casse-pieds, parce que [le directeur] St-Pierre espérait ainsi qu'il pousse l'incompétent Bonneau à la retraite. Et c'est pourquoi Lamouche s'évertuait depuis à faire passer ce même Bonneau pour un génie, allant jusqu'à lui attribuer tous les mérites du succès de leurs enquêtes. »



Parmi la panoplie de personnages qui interagissent dans cette histoire plutôt abracadabrante, celui du président de la République qui souhaiterait réussir « un nœud de cravate aussi impeccable que ceux du roi Charles III » est définitivement haut en couleur. À commencer par le mouvement conséquent de ses sourcils selon la gravité de la situation faisant « des vagues au milieu de son front » ou s’activant « de bas en haut. »



Au cœur de l’enquête, l’Ordre des Monarques dont le leitmotiv se résume à cette question existentielle : « Pourquoi vous contenter de rester chenille ? » adressée à ceux qui souhaitaient « faire partie d’une certaine élite. Ceux qui se croyaient imbus de sagesse et de clairvoyance, et qui partageaient la vision d’un monde gouverné par la crème de l’humanité. » Une organisation secrète dont les activités se rapprochent de celles de l’Église de scientologie, l’Ordre du Temple solaire (OTS), l’Ordre de Rose-Croix, voire la franc-maçonnerie (la cérémonie initiatique à Montrailles s’inspirant d’ailleurs de cette dernière).



Pour concocter l’intrigue de « La femme papillon », l’auteur s’est appuyé sur une recherche fouillée sur le phénomène des sectes. On y trouve des références sur :



• les enquêtes réalisées par le Parlement européen ;

• MIVILUDES, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires mise en place en France au début des années 2000 pour contrer l’influence des organisations pseudoreligieuses sur les partis politiques ;

• l’influence de certains groupes religieux sur la présidence américaine : « … une image lui revint à l'esprit : celle d'une dizaine d'évangélistes charismatiques entourant le président Trump dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, au début de son mandat en 2017. Il avait souri en les voyant ainsi célébrer l'arrivée de leur nouveau messie. »



Alors que les autorités sont à la recherche des auteurs de la disparition de Bonneau, Jean-Louis Blanchard a glissé parmi les hypothèses certaines réalités politiques françaises. Un complot …



… des Maliens ?



« Le Mali ! La question qui hantait tout le cabinet depuis des mois! L'épine dans le pied du président de la République depuis des années! Que de nuits il avait passées à se poser la question: est-ce que je retire mes troupes de ce foutu pays, oui ou non? Sommes-nous vraiment en train d'aider, ou plutôt d'envenimer la situation? Au final, même les groupes que l'armée française était censée défendre étaient devenus hostiles à sa présence là-bas. Le Mali... À n'en pas douter, cette hypothèse était non seulement une piste sérieuse, mais elle semblait la plus logique. »



… des Saoudiens ?



« … l’assassinat à Istanbul du journaliste Jamal Khashoggi, que les forces spéciales saoudiennes avaient torturé avant de le démembrer et de transporter ses morceaux dans une valise. »



… des Afghans ?



Eux qui contrôlaient « la jungle de Calais » … « la zone du port de Calais où s’entassaient des milliers de migrants qui espéraient rejoindre le Royaume-Uni » … « Une véritable mafia ».



… des Barjols ?



Un groupuscule terroriste d'extrême droite identitaire actif de 2017 à 2018 en France dont le président « gardait un souvenir douloureux de ces tristes sires qui avaient fomenté son assassinat deux ans plus tôt ».



Le tout faisant en sorte que le scénario imaginé s’inscrit dans un contexte des plus réalistes. Incluant certaines descriptions de lieux fréquentés par les personnages qui, après vérification sur Google Street, démontrent à quel point l’auteur est rigoureux. Comme ce lieu de rendez-vous, le Café Pavane, rue de Vaugirard où Lamouche « prit le temps de s’asseoir sur le petit banc de bois, juste à côté de la porte, à l’extérieur. »



Vous apprécierez la narration de certaines mises en situation plutôt amusantes tel que le long monologue au téléphone de Louisette, la « petite amie » de Bonneau.



La séquence où Bonneau se croit mort ou qu’il se retrouve « dans un endroit de la Turquie où l’on parlait français », contraint d’utiliser des « toilettes turques » dont il ignore les caractéristiques :



« On aurait dit un enclos sans porte, ou mieux: un box à chevaux, limité d'un côté par le mur de pierre, et de l'autre par le panneau latéral en bois. Près du mur du fond se trouvait une pompe manuelle qui servait vraisemblablement à tirer l'eau d'un puits souterrain. Par terre, un trou d'à peine quinze centimètres de diamètre, duquel émanait une odeur nauséabonde. »



Ou encore quand il utilise des livres et une bibliothèque pour tenter de s’évader en s’inspirant d’un de ses héros du septième art :



« … il ne cessait de fixer la fenêtre en ogive, quatre mètres plus haut. S'il pouvait grimper jusque-là, il arriverait peut-être à s'échapper de cette manière? Mais comment faire pour briser la vitre sans faire de bruit? Il se rappela que dans un film qu'il avait vu à la télé des années auparavant, Sean Connery réussissait à tordre une pièce de monnaie entre ses dents pour en faire un coupe-verre. Mais voilà: on ne lui avait rien laissé, pas même un dix cents! Et il n'était pas certain non plus que sa dentition soit aussi solide que celle de Sean Connery. »



Une mention spéciale pour le masque vénitien que Lamouche porte dans une réception au manoir de Montrailles : « celui de Scaramouche, popularisé par la commedia dell arte » et la scène avec les deux gendarmes.

Évidemment, le dîner à l’Élysée, dans le Salon d’argent, amusant lui-aussi, à l’occasion duquel le président fait des confidences croustillantes alors qu’on leur sert un « Pol Roger 1988 […] cuvée Sir Winston Churchill », leur « dernière bouteille » pour accompagner le plat préféré de Bonneau qui « porte son nom » (à vous de le découvrir), garni « des cornichons, des radis forts, pis un peu de fèves au lard pour donner un p’tit goût canadien. »



Impossible de ne pas citer cette réplique du président : « il me tardait de vous rencontrer ! Il est rare que j'aie le privilège de partager ma table avec quelqu'un qui ait autant de panache que vous ! » qui amène Bonneau à se rembrunir : « Cette comparaison avec un orignal ne lui disait rien de bon. »



D’autant plus que « dans le salon où on l'avait conduit, Bonneau [avait attendu] sans bouger d'un poil. Le smoking qu'on lui avait suggéré de porter s'avérait aussi contraignant qu'une camisole de force. Au milieu de ce décor grandiloquent, il se sentait plus que jamais comme le phoque de la chanson, bien loin de sa banquise. »



On se régale aussi de certaines descriptions, comme dans ces exemples :



L’ambassadeur du Canada à Paris qui « s’exprimait avec un niveau d’articulation qui frisait la caricature ». « Une fois son boniment terminé, sa tête hochait toujours, comme s’il réécoutait en écho les paroles qu’il venait de prononcer et voulait s’assurer qu’il avait su y insuffler le niveau d’émotion désiré » … « ce qui était toujours pour [le président] un exercice long et pénible ».



Ou, selon Lamouche, « … les Parisiens ont vraiment des goûts étranges. Et c’est justement à Paris qu’on en trouve le plus. »



« Qu’ils soient de gauche ou de droite, rappela le premier ministre, les extrémistes ne réfléchissent pas toujours au moment où ils commettent leurs méfaits. »



« … il ouvrit la fenêtre toute grande et admira un moment le tableau qui s’offrait à lui sous ce soleil matinal. Le Louvre majestueux, les ponts de Paris et bien sûr la Seine, dont l’eau miroitante semblait danser sur un air de java. »



Un incontournable pour une enquête sur le territoire de l’Hexagone : des clins d’œil à l’usage d’expressions anglaises, ici dans le milieu hôtelier : « C’est pour un check in ? » … « C’est pour un check out ? » Et lorsque

Bonneau qui baragouine l’anglais se retrouve face à un Carrefour Market : « Ceci l’embêta considérablement. Carrefour était un mot indubitablement français, mais Market, ça sonnait pas mal anglais… »



J’ai aussi souri chaque fois que dans le but de se conforter, le président se référait à des citations de certains de ses prédécesseurs :

• Sarkozy « Pour être président de la République, il faut être calme ».

• Mitterand : « Ma patience est faite de mille patiences » et « Il y a un avenir pour ceux qui pensent à l’avenir »

• Chirac : « Il y a, dans le peuple français, des trésors d’intelligence, de combativité et de vertu ».

• De Gaulle « La gloire se donne seulement à ceux qui l’ont rêvée ».



Quant aux réflexions de l’oncle Archibald, le frère du père de Lamouche dont le fantôme hante aussi les trois autres romans, qui inspirent ce dernier…



• « … la convoitise fait commettre bien des crimes et croire bien des sottises ! »

• « Quand le chacal se croit en danger, il lève les yeux et en oublie momentanément sa proie. »

• « Vous aurez beau couper le ver et en faire disparaître une partie, l’autre bout finira tout de même par bouffer la pomme ».



… elles alimentent le désir qu’un jour Jean-Louis Blanchard nous fasse découvrir ce personnage dans des aventures tout aussi insolites que sa série Bonneau/Lamouche.



Vous adorerez « La femme papillon » (je vous défie de découvrir la véritable identité avant Lamouche) dont le scénario repose sur une « … légende concernant des tableaux qui auraient été cachés par les moines cisterciens pendant la guerre afin qu’ils ne tombent pas entre les mains des nazis ». Et vous en connaîtrez le sort au moment où Bonneau, toujours égal à lui-même, se retrouvera dans un capharnaüm indescriptible :



« Il devait se contorsionner pour contourner ces obstacles, ou pour passer par-dessus des rouleaux empilés au sol. Il s’arrêta devant une toile encadrée, appuyée contre la paroi rocheuse, sur laquelle était peint un simple vase contenant des fleurs de tournesol. Des dessins d’enfants, décréta-t-il en soupirant profondément. »



Les polars de Jean-Louis Blanchard sont incontournables pour qui s’intéresse aux littératures du crime au Québec. « La femme papillon », n’y échappe pas. L’imagination débordante de l’auteur nous laisse espérer de futures lectures à la fois enrichissantes et divertissantes pour nous faire oublier les véritables histoires d’horreur qui alimentent au quotidien les médias.



Merci aux éditions Fides pour le service de presse.





Originalité/Choix du sujet : *****



Qualité littéraire : *****



Intrigue : *****



Psychologie des personnages : *****



Intérêt/Émotion ressentie : *****



Appréciation générale : *****


Lien : https://avisdelecturepolarsr..
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Le silence des pélicans

Si j'ai une certitude, c'est que je n'aurais pas rencontré Bonneau et Lamouche sans Babelio, j'ai tout de suite "flashé" sur ces deux personnages.

Pour commencer, j'ai apprécié le dépaysement, car figurez vous que je ne connais quasiment pas la littérature canadienne, ma chance, c'est que l'auteur a su trouver le juste dosage pour utiliser à bon escient un nombre appréciable d'expressions, me rendant la lecture digeste et amusante, du coup je ne vais pas le "chicoter", c'est cool.

Bonneau et Lamouche, c'est la thématique du tandem bancal par excellence, d'un côté Bonneau, personnage caricatural au possible et pathétique comme rarement tant il est stupide et borné, c'est souvent "too much" et pourtant, pourtant... J'ai rencontré ce type de personnage de temps en temps, en version légère il est vrai, ils existent vraiment croyez moi, ils sont même carrément indestructibles.

De l'autre côté, il y a Lamouche, jeune enquêteur réfractaire à l'autorité et très intelligent, pour ceux qui connaissent, je le comparerais à un "Pendergast" en version light. Nos deux enquêteurs vont être associés pour une raison que je ne dévoilerai évidemment pas, sachez seulement que le supérieur du duo est Bonneau, ce qui nous vaudra quelques scènes d'anthologie.

Pour ce qui me concerne, la mayonnaise a bien pris, le dosage entre humour et sérieux m'a convaincu, car pour ce qui est de l'enquête et du contexte c'est plutôt sombre et meurtrier. Côté humour, je dois dire que je n'avais plus éclaté de rire comme ça en cours de lecture depuis "Pratchett" ou encore le "Bourbon Kid", je ne serais d'ailleurs pas étonné d'apprendre que J.L.Blanchard se soit laissé influencé par le génial anglais.

J'ai également aimé le style et le rythme du roman, en fait, j'ai adoré l'ensemble sans réserves.

Il me reste deux épisodes à lire ce qui me réjouit d'avance.

Pour finir, il me reste à te remercier chaleureusement Nico ;)
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