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4.02/5 (sur 23 notes)

Nationalité : États-Unis
Biographie :

Torrey Peters est une autrice américaine. Son premier roman, Detransition, Baby, a reçu un succès grand public et critique. Le roman a été nominé pour le Prix féminin de la fiction 2021.

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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Elle avait passé toute sa vie adulte parmi les queers, avec leurs relations radicales, leur polyamour et leurs rôles de genres. Mais les gentillettes mamans blanches du Wisconsin, qui avaient peuplé son enfance, occupaient toujours la première place sur son podium de la féminité ultime. Elle ne s'était jamais débarrassée de ce vœu secret : devenir comme elles.
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Pourquoi tu veux être mère ?
(Reese) ce n’est pas la question qu’on pose à des femmes cis. Les mamans autour de moi quand j’étais petite n’avaient pas à prouver qu’elles avaient le droit de vouloir un enfant. Alors bien sûr, beaucoup de femmes que je connais se demandent si elles veulent avoir un enfant, mais elles ne se demandent pas pourquoi elles le veulent. On sait déjà pourquoi. La question qu’on pose aux femmes cis, c’est plutôt pourquoi tu ne veux pas avoir d’enfants. Et là, elles doivent se justifier. Si j’étais née cis, je n’aurais jamais eu à répondre à aucune de ces questions. Je n’aurais pas eu à montrer que je méritais ces modèles de féminité. Mais je ne suis pas cis. Je suis trans. Et donc jusqu’au jour où je serai mère, il me faudra constamment prouver que je mérite d’en être une.
(...)
(Katrina) Mais si tu veux parler de tout ça en termes de droits reproductifs, alors sache que toi et moi venons d’endroits très différents. Toutes mes copines blanches considèrent ­automatiquement que leurs droits reproductifs concernent le droit de ne pas avoir d’enfants, comme si le droit naturel d’être mère était entendu d’avance. Mais pour beaucoup de femmes dans ce pays, c’est exactement l’inverse. Pense aux femmes noires, aux femmes pauvres ou aux femmes immigrées. Pense à la stérilisation forcée, aux expressions welfare queens, quand on accuse ces femmes de faire des bébés pour toucher les allocs, ou anchor babies, pour parler des femmes migrantes qui accoucheraient aux États-Unis juste pour avoir la nationalité. Tout ça, ça appuie l’idée que toutes les façons d’être mère ne sont pas légitimes.
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"Mais ma question n’était pas de savoir pourquoi c’est compliqué. Ma question est : dis-moi pourquoi toi, toi particulièrement, Reese, tu veux avoir un bébé. Ames m’a fait son exposé. Maintenant je te demande de me faire entendre le tien."

Ce défi froisse Reese. Elle en a tellement, des raisons, mais la plupart sont si simples, si corporelles, qu’elles lui semblent inadaptées à la question : elle aime tenir des enfants dans ses bras. Elle aime sentir les cheveux d’un bébé. Elle aime calmer un nourrisson qui pleure et sentir son petit corps se débarrasser de sa peur rigide puis s’installer dans ses bras, ce petit paquet se relâcher et se calmer si bien que pendant quelques instants, elle donne autant qu’elle reçoit une précieuse sérénité. Elle aime bercer un bébé et lui communiquer avec son corps : Tu es en sécurité. Quand elle travaillait à la garderie, elle adorait cette manière qu’avait un enfant de tendre le bras pour prendre sa main sans y penser. Elle aimait regarder les enfants ébahis devant quelque chose de nouveau pour eux ; leur émerveillement, leur admiration mêlée d’excitation qui était contagieuse, pour peu qu’elle s’y laisse aller. Elle aimait leurs gestes soudain d’altruisme. Elle se rappelle de ce bambin à la garderie, peut-être quatre ans, qui venait de construire une tour en cubes et tira sur sa manche en proposant : « Tu veux la faire tomber ? » Il avait compris que le moment où on cassait la tour était le meilleur dans toute la construction et il voulait le lui offrir. Qui d’autre qu’un enfant pouvait vous donner des choses aussi pures ? (P. 152)
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Avoir un·e boss est tellement courant qu'on n'en remarque plus l'étrangeté, pourtant la hiérarchie force un culte de la personnalité, même autour du plus banal des managers. En tant que sous-fifre, il faut bien qu'on se donne une explication conceptuelle quant à l'abandon volontaire de notre précieuse autonomie aux mains d'une seule personne. Mais cela requiert plus qu'une simple compréhension du capitalisme et de ses mécanismes arbitraires. Le cœur a besoin d'une explication humaine.
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Reese pensait que c’était très freudien, cette anxiété concentrée sur son nez : le nez protubérant comme phallus, le phallus comme l’ancien moi d’Amy. Reese ne le lui avait jamais dit, car en réalité, les excentricités de la dysphorie ne suivent pas un modèle freudien. Non, elles se découpent, suivant un mélange digne d’un alchimiste : standards de beauté, consumérisme et grosses doses de haine de soi. En cherchant sur n’importe quel forum de personnes trans, on voit par exemple qu’un bon pourcentage de femmes trans a tendance à concentrer sa dysphorie sur l’arcade sourcilière (qui s’épaissit lors de la puberté avec la testostérone), que certains chirurgiens plasticiens, avides, dénoncent en exagérant comme preuve immédiate d’un visage masculin. Pour le dire plus précisément, Reese maintenait que les femmes trans devenaient obsédées par leur front précisément parce qu’il existe une opération chirurgicale pour le changer. La chirurgie crée la dysphorie en même temps que la dysphorie crée un besoin de chirurgie. Savoir qu’il y a une opération chirurgicale qui t’attend quelque part mais que tu ne peux pas encore te la faire, même si t’es là devant ce miroir à vouloir crever, ça signifie que la tentation te narguera pour toujours. (P. 165)
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Amy ne savait pas jusqu’où le croire. Cette tendance des queers non initiés à assigner aux gens toute sorte de pathologie mentale était à la fois fatigante et tautologique : Machin agit comme tel parce qu’iel est le genre de personne qui fait toujours des choses comme ça. Ce qui laissait peu de marge de manœuvre en termes de changement, enlevait toute responsabilité individuelle et empêchait de se demander pourquoi, dans le fond, tel individu agissait de la sorte. Pourquoi les chats torturent-ils les souris blessées ? Parce qu’un chat est un chat, et que les chats seront toujours comme ça. Par ailleurs, la rumeur disait que Ricky, connu pour son stoïcisme à toute épreuve, s’était théâtralement bourré la gueule à une soirée Hey Queen! et avait pleuré toutes les larmes de son corps, aussi inconsolable que bruyant, quand il avait appris que Reese l’avait quitté pour un mec de la finance. Peut-être qu’il avait besoin de se dire que Reese était une sociopathe, un génie maléfique qui manipulait les émotions de ses victimes, pour se justifier d’avoir été si faible quand elle lui avait brisé le cœur. (P
98)
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D’après ses lectures, il y avait deux types de transgenres male-to-female. Celles qui ont toujours été des filles, qui jouaient avec des poupées, qui étaient attirées par les hommes et détestaient leur pénis. La deuxième espèce, les autogynéphiles, étaient des hommes excités à s’imaginer en femme. Eux, c’était les cross-dressers fétichistes, à qui s’appliquaient tous les stéréotypes sur les hommes, qui adoraient leur bite et étaient excités quand ils s’habillaient en femme. Eux ne devraient pas faire de transition, d’après ces psychologues. Ils n’étaient pas vraiment des femmes, ils étaient des fétichistes qui prenaient leur petit plaisir trop au sérieux. Amy entendit le côté moralisateur dans ces déclarations et comprit ce que cela signifiait. L’autogynéphilie, c’était mal et immoral. Dans les commentaires sous les articles de psychologie, un certain nombre de femmes trans étaient furieuses de lire les sempiternelles réfutations des psychologues ; elles disaient que le concept d’autogynéphilie était transphobe. Elles traitaient les psychologues qui avaient inventé ça de pervers. (P. 121)
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Plus tard, bien plus tard, elle apprit le mot pour ça : dissociation. Elle pensait qu’elle avait juste eu un fantasme. Le mot « dissocier » lui sembla pathologisant au début : pourquoi est-ce qu’on l’accuserait de se dissocier d’elle-même alors que les gens normaux, eux, appellent ça fantasmer, et parlent des fantasmes qui les rendent meilleurs au lit ? Mais effectivement, la pathologie sembla de plus en plus apte à décrire sa sexualité, au fur et à mesure de ses relations sexuelles. Elle mit du temps à comprendre cette solitude cyclique, quand elle disparaissait en se dissociant alors qu’elle faisait l’amour. Elle mit du temps à comprendre que les gens font l’amour pour partager du plaisir, ce qui garde cette solitude à distance ; et que quand elle disparaissait à l’intérieur d’elle-même, ses partenaires les plus expérimentées sentaient son absence et ça les blessait. Et puisqu’elle ne voulait surtout pas faire du mal aux personnes à qui elle tenait le plus, elle commença à redouter et éviter de faire l’amour justement avec les personnes qu’elle aimait le plus.
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Oui, affirme Reese. Je veux dire, elles passent par tout ce par quoi je suis passée en tant que femme trans. Le divorce c’est le récit d’une transition. Bien sûr, ce ne sont pas toutes les femmes divorcées qui passent par là. Je parle de celles qui ont vécu leur divorce comme une défaite, ou un truc qui redéfinit complètement leur vie. Celles qui ont bien vu qu’elles se sont fait avoir par tout ce qu’on leur avait raconté depuis qu’elles étaient gamines, et qu’il n’y aura rien pour remplacer tout ça. Mais qui doivent quand même aller de l’avant sans se perdre dans de nouvelles illusions ou devenir aigries ; et tout ça sans aucun plan pour les guider. C’est ce qui ressemble le plus à une femme trans. Les femmes divorcées sont les seules personnes qui savent quelque chose de ce que je sais. Et, puisqu’on ne peut pas vraiment dire que j’ai des aînées trans, je considère que les divorcées sont les seules femmes qui aient quelque chose à m’apprendre, ou à qui je puisse volontiers apprendre quelque chose en retour. (P. 141)
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"Heu, enfin, comme les pervers qui courent après les travestis... Il y a un nom pour les pervers fans d'Asiatiques ?"
Elle l'évalua du regard, suspicieuse.
"La fièvre jaune, répondit-elle froidement. Quand j'étais petite, dans le Vermont, les enfants qui voyaient mon père avec ma mère disaient qu'il avait la fièvre jaune. C'était leur insulte préférée."
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